Quand la pandémie et la guerre russo-ukrainienne démystifient la mondialisation libérale : Un monde en gestation d’un nouvel ordre humaine ment tolérable (Suite et fin)

23/05/2022 mis à jour: 01:53
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Quel que soit son coût, une prévention bien conduite revient toujours moins chère que la plus vile des thérapeutiques. Dans ce cadre, il faut penser à construire dans plusieurs domaines des tactiques et des stratégies, destinées à suppléer aux dysfonctionnements quasi-réguliers de la vie sociétale.

Quelle que soit la teneur de ses premières prouesses, un modèle n’est jugé pertinent que dans la mesure où l’humanité détient la solution de sa panne. La formation des hommes, leur connaissance, leur information, leur pédagogie, leur intelligence émotionnelle et leur intelligence sociétale deviennent, sous ces hypothèses, des inputs capitaux.

2. Plus récemment, une nouvelle plaie s’est dessinée dans l’ordre mondial : le processus de mondialisation jugé trop envahissant ou intrusif, au sens où, de par sa nature, il ne cesse d’étendre son périmètre d’influence, est confronté à une nouvelle crise politique qui se superpose à une crise sanitaire terrible non encore résolue. Le pouvoir politique de la Fédération de Russie, avec à sa tête, le président V. Poutine, agresse militairement son voisin de l’Ouest: l’Ukraine. Cette opération qui survient le 24 février de l’année courante est loin d’être un «coup de folie».

Elle a été, de l’avis même de son rival, J. Biden, «préméditée». Il y a de fortes raisons d’y croire, au vu de la longue préparation qu’il a fallu à V. Poutine, au pouvoir depuis 1999, pour s’y risquer. Une préparation fondée sur la condition d’un fort redressement politique et économique préalable de son pays, bien moins pour pouvoir vaincre son adversaire immédiat, que pour contrer la riposte prévisible de ses protecteurs, les pays occidentaux dont le jeu stratégique contre la Russie, fait de l’Ukraine, sa pièce maîtresse.

Bien sûr, l’offensive est menée dans le cadre d’une rhétorique dont se nourrit, régulièrement, la propagande de guerre. Celle-ci, à l’accoutumée, culpabilise l’opprimé et encense l’oppresseur devenu désormais justicier, au nom des raisons humanitaires. Les pays colonisés et agressés connaissent, trop bien, cette rengaine. Et V. Poutine ne sort pas des «clous» de cette funeste tradition.

Au moins, en cette matière, il n’affiche guère de singularité. A tort ou à raison, il dénonce la violation des accords de Minsk 1, (décembre 1991), du Protocole de Minsk 2 (septembre 2014), des accords de Minsk 2 (février 2015), par l’Ukraine, la volte-face lâche ou la trahison de son homologue ukrainien qui tourne le dos au long passé soviétique de l’Ukraine, en faveur des avantages irréels de l’occidentalisation, sa corruption (Pandora Papers révèle les scandales de sa Société de production Kvartal 95 et de celles de ses proches et amis).

En conséquence, il répond à la demande d’indépendance des régions séparatistes pro-russes (Donetsk et Louhansk) du Donbass, dont les populations semblent subir, depuis près d’une décennie maintenant des humiliations, des persécutions et des agressions de la part du régime de Kiev et revendique la nécessité de pacifzer l’Ukraine, de la démilitariser, de la dénazifzer, d’en faire, en résumé, un pays neutre, une «seconde suisse», aux portes de l’Asie.

Le président V. Zelensky n’entend pas, de la bonne oreille, les reproches et desideratas de V. Poutine et déclare être dans le rejet légitime et non négociable, d’une souveraineté ukrainienne sous tutelle russe, d’un régime hybride où la démocratie côtoiera, à ses dépens, l’autocratie et d’une vie en vase clos, au nom de la neutralité qui lui interdise d’avoir des liens souverains avec ses partenaires.

Aussi, est-il disposé à contrer toute aventure extérieure de nature à lui ravir le moindre espace de son territoire ou le moindre pan de sa souveraineté nationale. Il a prévenu qu’il n’a pas besoin d’une guerre ; ni froide, ni chaude, ni hybride, mais si les troupes russes attaquent son pays, elles verront les «visages» des ukrainiens, dans la confrontation, «pas leurs dos», dans la fuite.

Nous ne discuterons pas ici le bien-fondé (et le mal-fondé) des deux types d’arguments des deux protagonistes ou antagonistes, et ne chercherons pas, à circonscrire le camp de la raison, si d’aventure, celle-ci jaillissait et venait à transpercer le mur de la discorde.

Nous n’évoquerons pas, non plus, les cas des Etats qui ont déroulé des opérations militaires internationales similaires, au moins dans leur principe (et peut-être pas dans leur intensité), au conflit russo¬ukrainien et lesquelles n’ont provoqué aucun émoi de la communauté internationale.

Il semble donc évident que le «deux poids, deux mesures» caractérise les relations politiques internationales. Et ce principe discriminatoire ne semble «sacré» ou consacré que pour certains pays, les Etats-Unis et leurs alliés. Il en va de même pour une catégorie de réfugiés «bénis», qui provoque un déferlement d’enthousiasme, aux portes des Etats.

Et, sincèrement, tant mieux que ces réfugiés bénéficient dans ces circonstances dramatiques, de ce type de largesses, parce qu’en dernière instance et au-dessus des calculs politiques et stratégiques qui en sont à la base, il importe de protéger des vies humaines.

Cela étant, après l’annexion de la Crimée en 2014, des années de fortes tensions et des actions diplomatiques internationales vaines, V. Poutine passe à l’offensive, au nom, moins des motifs qu’il prône, que de son souci cauchemardesque, de voir l’Ukraine glisser vers l’Ouest et d’introduire, en cheval de Troie, aux frontières de son pays, en tant que membre potentiel de l’OTAN et de l’Union européenne, les deux machines redoutées de la mondialisation, voire de l’hégémonie occidentale.

Dans le feu de son action, il avertit les pays qui tentent d’interférer ou plus encore de proférer des menaces contre son pays et son peuple, de l’immédiateté de sa réponse dont les conséquences risquent d’être incalculables.

La Russie non écoutée, depuis 1991, date de l’effondrement de son ensemble d’appartenance, tente de renouer avec l’espoir de ressusciter, à une échelle réduite, l’URSS, dans son ex-rôle de contrepoids politique de l’occident, en général et des Etats-Unis, en particulier. V. Poutine veut jouer à l’Est, le rôle que joue J. Biden, à l’Ouest. Mais, sa puissance économique modeste oblige, il déplace le curseur de la grandeur et de la compétition économiques mondiales ratées, sur le terrain de la confrontation armée.

Le raisonnement de guerre est tenu, dès lors, de manière fragmentaire, comme si la force économique ne conditionnait pas la force militaire. La partie semble loin d’être gagnée. Quand bien même la Russie pourrait être plus forte de l’aide de ses alliés, elle resterait, avec eux, très en deçà des exigences requises pour contrer victorieusement l’Occident. La sagesse doit, dans ces circonstances, pouvoir triompher, et à ce stade, elle est la seule issue de protection de vies humaines.

L’aspect militaire du Piège de Thucydide qu’a exclu, à maintes occasions, de sa riposte anti-américaine la Chine pacifique, pour y substituer l’Economique, V. Poutine l’attire vers lui, et aiguise son «hybris», pour apaiser sa crainte de la marche inéluctable de la mondialisation libérale qui repousse les frontières de l’Est, telles que dessinées par le vieux rideau de fer ou la vieille guerre froide. Pourtant, il ne sait que trop qu’il ne reste pas grand-chose de l’ex géographie sous orbite de l’ex-URSS.

Il suffit de voir la composition actuelle de l’OTAN, pour se rendre compte que le libéralisme suit le communisme au pas et ravit chaque espace qu’il abandonne.

Des pays comme l’Albanie la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Pologne; la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie en sont membres.

Quant à la plupart des voisins de la Russie (Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Suède, Finlande) apeurés par son invasion de l’Ukraine, ils couvent tous l’intention et le souhait d’y adhérer. V. Poutine risque ainsi de dérouler, dans le monde, l’effet cobra ou l’effet cobrat combiné (du cobra de Dehli et du rat de Hanoi) et de nourrir, par la solution qu’il adopte, le problème qu’il veut résoudre.

Par sa guerre contre l’occident, via son bouclier, l’Ukraine, le Président de la Fédération de Russie veut parler à qui veut l’entendre : les Etats-Unis, en priorité, qui sous-estiment sa capacité de nuisance internationale.

La justification en est aussi banale que celle-ci : ils savent qu’ils ont ce qu’il a et qu’il n’a pas ce qu’ils ont, notamment, une forte économie, mesurée en termes de PIB. Face à cette sourde oreille qui frise l’humiliation, V. Poutine tente, dans son cocktail psychique de «volonté d’être» et de «crainte de faire», d’impressionner l’Occident, de l’intimider même, par son nouvel armement largement exhibé dans les médias lourds, dont il déclare être le détenteur exclusif. Mais rien n’y fait.

Les puissances occidentales n’affichent pas moins d’ardeur, quant à leur objectif de poursuivre, par la voie d’une Ukraine qui se projette libérale, la marche inéluctable de la mondialisation; celle-là même qui est vouée à finir d’effacer la frontière entre les deux mondes de l’après-guerre.

Et cela dérange, au plus haut point, le pouvoir russe. Parce que l’Ukraine a, à son esprit, un intérêt stratégique vital et certainement différent de celui que pourraient présenter les membres de l’ancien Pacte de Varsovie (Albanie mais qui est sortie du Pacte en 1968), République démocratique d’Allemagne, Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie et Tchécoslovaquie), aujourd’hui, tous membres de l’OTAN et en grande majorité, de l’UE, dans leur fusion ou partition.

Acculé, V. Poutine renoue avec le soviétisme éculé de la Russie et n’admet plus subitement, la fin «bradée», par ses prédécesseurs de l’histoire de l’URSS, de sa guerre froide et de l’hostilité de ses rapports avec le monde occidental. Même s’il déclare sagement que celui qui ne pleure pas la fin de l’URSS n’a pas de cœur et que celui qui espère la reconstituer n’a pas de tête, il reste dans la nostalgie du passé qui l’habite encore.

C’était peut-être un temps plus rassurant de guerre larvée où les frontières étanches ne permettaient aux deux mondes antagoniques qu’elles séparaient, que de se regarder, pacifiquement, de travers. La fin de l’URSS a bouleversé cette donne. Une fin que V. Poutine

-considère comme la plus grande catastrophe du XXe siècle, un désastre humain où des millions de russes ou pro-russes qui se retrouvent, du jour au lendemain, comme des étrangers indésirables dans les républiques anciennement soviétiques devenues, aujourd’hui, souveraines, et;

-estime avoir sévèrement provoqué un déclassement politique et stratégique de son pays, relégué, à ses yeux, au rang de pays mineur, par les puissances occidentales. L’exclusion de la Russie du G8 en 2014 et la récente proposition américaine de l’évincer du G20, indiquent clairement qu’elle est frappée d’un caractère mondial économiquement et politiquement contournable, que son président veut résoudre par/ dans son «incontournabilité» militaire mondiale.

La preuve en est que ces mêmes puissances nourrissent, au grand dam des limites qu’elle revendique, faute de les imposer, l’ambition d’étendre, jusqu’au seuil de sa porte, aussi bien l’Union européenne (UE) que l’OTAN, ces deux piliers politiques de la mondialisation libérale qui ne se lasse pas, de son souci de stabilité hégémonique. L’avertissement, maintes fois réitéré du Kremlin, quant à la nécessité de stopper l’élargissement de l’OTAN, loin de sa porte et la sourde oreille qui y est opposée par l’occident, ont aiguisé la colère de V. Poutine.

Celle-ci, en mauvaise conseillère, lui insuffle le «langage du feu» qui le confronte d’emblée à un dilemme cornélien : s’il choisit de persévérer dans une guerre conventionnelle, il risque de connaître l’enlisement et l’hémorragie des ressources qui pourra en résulter, mettra à mal et son économie et sa société. Bon nombre d’informations rapportées par les médias internationaux probablement acquis à son adversaire font d’ores et déjà état de l’essoufflement de son effort de guerre.

Mais est-ce vrai ? Autrement dit, la durée du conflit de la Russie, avec un «plus petit que soi» s’explique-t-elle par une résistance réelle de l’Ukraine ( et donc une défaillance de l’armée russe), ou s’inscrit-elle dans une stratégie qu’il va falloir décrypter; s’il opte, en revanche, pour l’arme nucléaire (hypothèse qui est, à notre avis, farfelue), les occidentaux riposteront, sans doute, de manière analogue et la catastrophe s’étendra partout. Le risque en sera tel qu’il n’y aura plus beaucoup de monde sur terre, pour raconter le début du XXIe siècle et condamner « la folie » des hommes.

Pour l’heure où la «liberté de ton» et «l’objectivité» pouvant saper le moral des troupes et l’effort de guerre, ne sont pas les «bienvenues» à «l’oreille» de V. Poutine qui s’essaie à brimer tout avis contraire à sa lénification rassurante, le Président de la Cour des comptes, Alexeï Koudrine et le vice-Premier ministre, Andreï Beloussov de Russie estiment que les sanctions internationales décidées contre leur pays en ont impacté sévèrement l’économie et risquent d’en provoquer un affaissement qui en requerra des années de reconstruction. Y sont signalés, à titre principal, l’inflation, les difficultés financières, le manque de liquidités, la paralysie ou la baisse d’activité des branches du commerce et de l’industrie, ainsi que leurs conséquences combinées sur le budget fédéral et le PIB.

En tout état de cause, outre ses effets internes aux pays en conflit, la guerre russo-ukrainienne inquiète par :

-le réveil des vieux démons qu’elle provoque et sa promesse macabre, en l’absence de forces aptes à la contrer, d’ouvrir, sur les vieilles cicatrices de l’humanité, de nouvelles plaies qui seraient, dans l’état actuel du développement économique et militaire mondial, vraisemblablement plus graves que celles qui ont caractérisé des époques peu éloignées de la nôtre.

Dans ces circonstances, il faut espérer que la sagesse et l’action diplomatique deviennent ensemble un rempart fort, pour que le monde ne se rapproche pas de la prévision d’ A. Einstein: « Je ne sais pas comment sera la troisième guerre mondiale, mais je sais qu’il n’y aura plus beaucoup de monde pour voir la quatrième ». Ou encore « Je ne sais pas comment sera la troisième guerre mondiale, mais ce dont je suis sûr, c’est que la quatrième guerre mondiale se résoudra à coups de bâtons et de silex»;

-l’histoire de la Russie qui enseigne que ce pays est une grande nation militaire qui a défait par le passé, de grandes armées. Son expérience guerrière indique qu’elle ne recule jamais devant l’adversaire et qu’elle ne compte jamais, en vertu de sa doctrine militaire, le coût humain, matériel et financier de ses conflits.

Dans ce contexte, on ne peut écarter l’hypothèse de sa victoire à la Pyrrhus. Les occidentaux semblent croire à cette éventualité et tentent d’en accélérer la survenance, par l’importante aide militaire et humanitaire qu’ils apportent à l’Ukraine, pour qu’elle ne plie pas de sitôt et aux sanctions économiques décidées contre la Russie, telles que le gel de ses avoirs, son exclusion du système des paiements internationaux et l’embargo sur ses matières premières, notamment ses ressources énergétiques que l’Europe achète massivement. Prise dans les mâchoires de sa guerre, la Russie se doit d’assurer, ailleurs qu’en Europe, et vraisemblablement en Asie, de nouveaux débouchés.

Cependant, seul ou avec ses alliés, V. Poutine semble résister pour l’instant, parce que son économie, bien que modeste, n’est pas rongée par les déséquilibres (déficit public, déficit commercial, endettement interne et externe) observés dans la plupart des pays qui soutiennent son rival. En outre, elle est moins dépendante de ses adversaires que ne le sont ces derniers, à son égard. Les Etats-Unis restent, dans ce conflit, les seuls capables, de par leur grande autonomie économique relative, de camper longtemps sur leur position politique antirusse.

Par leur choix de ne pas intervenir, de manière énergique, dans cette crise, de ne rien céder de leur ambition de domination mondiale totale, ils laissent V. Poutine être le maître temporaire du jeu, non seulement pour qu’ils évaluent au mieux sa puissance, mais aussi pour faire peur à l’Europe et briser sa volte-face éventuelle ou ses velléités de regarder, au nom de ses intérêts dérangés, moins sévèrement vers l’Est. Peut-être, le poussent-ils à la «faute nucléaire», pour justifier les pires sanctions possibles.

Les Etats-Unis savent que le seul pays, l’URSS, qui pouvait avoir une voix internationale entendue, est définitivement mort et que la Russie est loin de pouvoir s’y substituer. Aussi, leur semble-t-il inutile, dans leur attitude arrogante et humiliante, de suivre ce qui se dit, par-delà la frontière occidentale, de «vindicatif» ou de «revendicatif».

Pour l’heure, l’ouverture de la fenêtre libérale sur l’Asie, «cette petite chose», en deçà de leur pouvoir, ils la délèguent à Ieur «allié» (leur vassal, devrions-nous dire), l’Europe, qui joue, sous Ieur «parapluie», à «l’équilibriste», quitte à payer cher la facture de cette vicieuse mission. En effet, l’Europe mandataire dépendante n’a, à première vue, même dans son union, aucun pouvoir d’infléchir la volonté guerrière russe.

Trop usée depuis longtemps par les désaccords de ses membres qui sapent ses forces et son unité et insuffisamment préparée, pour ce jour, elle risque d’en pâtir (comme d’ailleurs bon nombre de pays d’Afrique et du Moyen-Orient, trop peu influents internationalement), si les circonstances de la guerre diminuaient drastiquement leurs possibilités d’approvisionnement en ressources énergétiques, en céréales et autres inputs, en raison des difficultés de tous ordres qui pourraient survenir, en la matière, dans les appareils de production de leurs fournisseurs, actuellement en conflit.

A court terme, la probabilité d’une crise économique internationale grave, notamment dans sa dimension alimentaire, doit alors être comptée, dans le scénario catastrophe qui se profile à l’horizon. L’adage selon lequel «quand les grands éternuent, les petits ont la fièvre», semble bien s’appliquer, à certains égards, à la Russie. V. Poutine, le guerrier, le sait certainement et a dû faire longtemps, avant son offensive, l’inventaire de ses forces et faiblesses, comparées aux forces et faiblesses de ses adversaires. Ayant sans doute exagéré la teneur de son actif, lui qui déclare que «le monde sans la Russie, ne l’intéresse pas», s’efforce, dans un orgueil parfois démesuré, de marquer sa présence mondiale, en s’attaquant au système monétaire international actuel, par des actions qui visent à ôter au dollar sa raison d’être hégémonique.

Le pourra-t-il vraiment ? A titre d’exemple, à partir du ler avril, obligation est faite aux pays inamicaux importateurs de son gaz de le payer en roubles, via un compte spécial domicilié en Russie. Faute de quoi, les contrats en cours seront arrêtés. Une telle décision prise, afin de d’éviter le gel de ses avoirs en dollars et en euros, par les pays occidentaux, est rejetée par les gouvernements européens qui la qualifient, en ces temps de «jérémiades» impuissantes, de «chantage politique»;

-le fait que l’Ukraine n’est ni l’Irak, ni la Libye, ni le Mali, ni la Palestine, ni le Sahara occidental, ni la Syrie, ni le Yémen, mais un joker inaliénable du jeu stratégique occidental pouvant redéfinir avec des conséquences différenciées les termes de l’avenir ou du devenir de la mondialisation libérale. En tant que fenêtre qui donne sur un monde qui y est hostile, elle peut, selon qu’elle s’ouvre ou se ferme, étendre ou contracter la mondialisation qui sera stoppée par un «nouveau mur de Berlin» ukrainien, prometteur d’un nouvel ordre post-mondialisé.

Dans ces circonstances, la mondialisation n’aura duré qu’un temps très court. Pour l’instant, après de longues journées de feu, l’Ukraine, porteuse malheureuse du lourd projet libéral, tente avec l’appui médiatique, propagandiste, financier et matériel de l’occident, de ne pas abdiquer. Elle le fait d’abord pour elle-même, pour vivre définitivement, en nation souveraine; ensuite, vraisemblablement pour mériter, de par ses sacrifices, le statut de membre de l’OTAN et de l’Union européenne qui tarde à se concrétiser.

Au jugé, l’Ukraine qui se veut libérale semble avoir un fort «besoin d’OTAN» pour contrer «l’ogre» russe. Mais en vérité, c’est l’OTAN qui veut de l’Ukraine, comme pièce de son jeu dont elle détermine le mode d’usage, selon les besoins de sa stratégie.

C’est ce qui explique, sans doute, qu’après plus de trente ans d’indépendance (août 1991), ce pays n’est, pour l’heure, ni membre de l’OTAN, ni membre de l’Union européenne. Les justifications n’en tarissent pas : au sommet de l’OTAN, d’avril 2008, tenu à Bucarest, les deux premières puissances d’Europe, l’Allemagne et la France en ont invoqué le caractère peu apaisé de sa démocratie.

Pour le Président Ukrainien qui n’a point de cesse qu’il n’ait tiré à lui, l’occident, le retard de son pays à être dans l’OTAN et l’Union européenne aurait un tout autre motif : la crainte occidentale de la riposte russe. Un des types quasi-achevé du mode d’usage de la pièce ukrainienne par l’Occident se déroule aujourd’hui, sous nos regards ahuris. L’Ukraine a fini d’être le pays par lequel la faute russe est arrivée.

La promesse directe ou indirecte qui lui est faite d’intégrer «les dispositifs de défense libéraux» a fort déplu au pouvoir russe qui y voit une menace pour ses frontières. Le leurre est posé et V. Poutine y a mordu par son offensive qui tente de faire payer à l’Ukraine «le coût de sa politique pour le compte de...».

Les pays qui l’y ont conduit condamnent tous son action, derrière le bouclier ukrainien qu’ils ne peuvent pas partager avec elle, au nom des statuts de l’OTAN, mais qu’ils s’efforcent de consolider, au nom des motifs où le stratégique et l’humanitaire s’entremêlent. En tout état de cause, seule ou aidée par ses « alliés de fortune», l’Ukraine, use infatigablement de sa force militaire et de son énergie civile, comme si elle jouait sa carte de survie, face à un colosse supérieurement équipé.

Ses soldats et ses hommes sans uniforme de tous âges sont mobilisés et là où le risque de présence russe est imminent, des brigades de défense territoriale locale se mettent en place, pour contrer la Russie désormais ennemie, par des moyens de lutte rudimentaire: hérissons anti-char, blocs de béton, tranchées.

Quelle que soit sa nature, toute crise qui survient dans le monde d’aujourd’hui doit être vue comme l’index accusateur de la mondialisation. Celle-ci devrait en principe inciter les puissances d’aujourd’hui à tempérer leurs égoïsmes, afin d’éviter sa résolution, dans le pire. Si la guerre est réellement un problème, elle a donc forcément une solution qui pourrait se dresser en barrage à son scénario mortifère, tant redouté.

Il faut de la grandeur d’âme et d’esprit des gouvernants, pour que cette solution devienne possible. De près ou de loin, le soutien de la guerre jusqu’au dernier ukrainien, ou même, jusqu’au dernier russe, pour que, de part et d’autre des protagonistes, le diktat de l’ordre libéral soit imposé ou contré, relève de la «folie».

Mais nous doutons fort que l’égotisme qu’ils affichent, tous deux, mondiaphiles et mondiaphobes, les autorisent à apprécier, à sa mesure, ce risque d’engrenage. Le temps politique n’étant pas le temps humain, la mondialisation pullule de cas d’aventures politico-économiques qui furent résolues dans le sacrifice ultime des hommes.

C’est dire qu’elle ne craint point le coût humain de ses crises, ce ressort macabre de sa dynamique. Sinon, que perdra-t-elle à court terme d’irrécupérable à moyen terme, des mesures rapides de désescalade, qui pourront préserver des vies humaines, comme la neutralité temporaire de l’Ukraine, sous l’égide de l’ONU ou d’une «pause» dans son ambition de faire de l’Ukraine, un allié? L’avenir proche nous le dira! Pr R. Boudjema

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