Pour un coup d’essai dans l’univers littéraire de la nouvelle, ce fut plutôt avec le nouveau recueil de nouvelles paru aux Editions Barkat , intitulé Le rôle et autres nouvelles, de Abdelkader Hammouche, un coup de maître pour l’écrivain, à la fois romancier, essayiste, avocat au barreau d’Alger, après avoir été un journaliste économique accompli dans une autre vie.
Ayant à son actif une dizaine d’ouvrages, Abdelkader Hammouche se distingue dans cet univers dans lequel il a fait une intrusion réussie, par passion et vocation, par une remarquable aisance et polyvalence à surfer allègrement sur les différents styles littéraires.
A chaque nouvelle sortie en librairie, il ne cesse de surprendre, agréablement, ses lecteurs, en engageant un nouveau challenge, toujours dans une quête insatiable de nouvelles sensations en matière d’écriture. Après s’être essayé, avec succès, dans sa dernière parution, au cycle romanesque, en livrant à ses lecteurs un volumineux et captivant ouvrage en deux parties, de plus de 600 pages : Le passé ressuscité, il revient, cette fois-ci, avec un recueil de 10 nouvelles, fruit de l’imagination, mais néanmoins tirées de la vie quotidienne.
Toutes, aussi riches en émotion et par les thématiques abordées. Avec en filigrane, ce puissant plaidoyer pour le respect de nos valeurs profondes : de solidarité, d’humanisme, de civisme, de citoyenneté, d’intégrité et de probité morale qui sommeillent au fond de l’humain, même ceux qui, pour une raison ou une autre, se seraient mis au ban de la société, se sont trouvés confrontés à de graves démêlées judiciaires.
C’est le message subliminal que l’auteur a voulu, sans doute, faire passer dans la nouvelle intitulée Le pilon qui raconte l’histoire d’un inculpé, lequel, après avoir été acquitté par la justice, s’est précipité pour avouer à son avocat, pour soulager sa conscience, qu’il a menti au juge, reconnaissant pleinement sa culpabilité dans le meurtre de sa femme. Dans toutes les nouvelles proposées, le suspens est omniprésent.
Le lecteur est littéralement happé par les faits, les intrigues des situations pour certaines tragiques, pour d’autres se terminant par des notes d’espoir et d’espérance, qui s’enchevêtrent, s’entrechoquent et que l’auteur s’évertue à démêler, détricoter. En terminant la lecture d’une nouvelle, le lecteur est à chaque fois dérouté par l’épilogue de l’histoire qui est, souvent, tout le contraire de ce qu’il était fondé à subodorer en parcourant les premières lignes de la nouvelle. On sent chez l’auteur un insondable penchant pour les histoires à rebondissements qui tranchent avec le style d’écriture linéaire, monotone, dépourvues d’adrénaline, où la fin de l’histoire est connue dès l’entame du récit. Dans toutes les nouvelles racontées par l’auteur dans son recueil, le suspens, les coups de théâtre, la sollicitation forte de l’imagination et de l’imaginaire individuel et collectif du lecteur plonge ce dernier dans une situation d’excitation extrême qui le pousse presque à aller directement à la fin de l’histoire pour en connaître le dénouement.
Entre l’imaginaire et le vécu
Dès la première nouvelle intitulée Le rôle, il donne le ton de ce style dualiste, ambivalent, opposant thèse et anti-thèse, le dénouement tragique et le happy-end, allant presque jusqu’à associer le lecteur dans le contenu éditorial, en l’invitant, d’une certaine manière, à rompre avec sa posture de sujet passif pour l’impliquer dans la fabrication, l’appropriation du récit. L’histoire de cette nouvelle se déroule dans un hôtel de la station de ski de Tikjda, dans la wilaya de Bouira. Une jeune femme handicapée, en fauteuil roulant, accompagnée d’une amie, s’ y trouvait en vacances, raconte dans le préambule l’auteur, à la première personne du singulier, laissant suggérer qu’il s’agit d’ une histoire vécue. La jeune dame, rencontrée dans le salon de l’hôtel, alors qu’il lui avait prêté assistance en lui évitant une chute lourde de conséquences, suite à une mauvaise manipulation de son fauteuil roulant, lui avait expliqué qu’elle fut victime d un accident de la circulation et qu’ elle avait du mal à accepter son infirmité, avouant avoir, plus d’une fois, tenté de mettre fin à ses jours.
Ne la croisant plus à l’hôtel depuis cet incident et terrassé par les aveux de tentations suicidaires de la jeune femme, il alla aux nouvelles auprès de la réception de l hôtel où on lui apprit que la pensionnaire avait quitté l’établissement, avec ce détail qui l’a laissé pantois, mais néanmoins rassuré de la savoir en vie. La dame en question lui apprend le réceptionniste de l ‘hôtel n’ est pas handicapée ; c était une comédienne , une habituée des lieux qui effectuait de fréquents séjours dans cet hôtel pour répéter des scènes de vie d’une femme handicapée pour les besoins d un film qu’ elle préparait. L’ auteur et le lecteur ne sauront jamais pourquoi la comédienne a inventé son histoire d’accident de voiture.
D’autres histoires toutes aussi épiques et entraînantes sont proposées par l’auteur dans son recueil. Une nouvelle intitulée Le chat, dédiée au respect des animaux, raconte l’histoire d’une gérante d’un restaurant qui refuse l’accès de son établissement à une vieille dame vivant dans la rue, flanquée de ses chats, allant jusqu’à les asperger d’eau, au motif que leur présence nuisait à l’image de son fonds de commerce. Un jour, lassées par les maltraitances subies, les pauvres petites bêtes ont fait irruption au domicile de leur bourreau pour l’agresser. A la suite de cet incident, le couple de restaurateurs a dû se résoudre à se séparer de leur commerce.
A méditer ! L’auteur récidive dans chacune des nouvelles proposées avec des histoires du genre, où l’intrigue, le délitement des valeurs, des codes sociaux tiennent lieu de fil d’Ariane pour appeler au devoir civique et citoyen, au respect des valeurs, tout en dénonçant, en filigrane, les errements et les déviations. Et c’est raconté et écrit avec un tel souci du détail, qu’il est difficile pour le lecteur de faire la part de la fiction et de la réalité. Comme cette nouvelle intitulée Méprise où l’auteur raconte l’histoire d’un couple dont la vie a basculé lorsque l’épouse a reçu, par erreur, du laboratoire d’ analyses médicales, un compte rendu d’un autre patient diagnostiqué pour une tumeur maligne. Dans un geste désespéré, profitant de l’absence, au domicile familial, de son mari et de son fils, la dame à mettre fin à ses jours avant qu’un message urgent ne parvienne à la famille du laboratoire pour l’informer de la méprise.
Les amateurs d’histoires courtes, qui donnent libre court à l’imagination, tout en s’inspirant du vécu, trouveront leur bonheur dans l’offre éditoriale de ce premier recueil de nouvelles de Abdelkader Hammouche proposé pour la symbolique somme de 300 DA. Il est à noter que l’auteur Abdelkader Hammouche dédicacera son recueil de nouvelles Le rôle et autres nouvelles, cet après-midi de 14 à 17h au niveau de la librairie des Beaux-Arts à Alger.
Omar B.