Proposition de dialogue du président tunisien : La centrale syndicale rejette l’initiative de Kaïs Saïed

24/05/2022 mis à jour: 00:49
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La puissante centrale syndicale l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) refuse le dialogue

La puissante centrale syndicale l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a refusé hier de prendre part au dialogue proposé par le président Kaïs Saïed dans le but de fonder une «nouvelle République», rapporte l’AFP. 

Le président Saïed a nommé vendredi un juriste proche de lui, Sadok Belaïd, à la tête d’une commission chargée d’élaborer une Constitution pour «une nouvelle République» à travers un «dialogue national», dont les partis politiques sont exclus.

 Selon un décret présidentiel, cette commission présentera «un projet de Constitution» au Président. Elle le fera après la tenue d’un «dialogue national», auquel ont été invités les syndicats l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), l’organisation patronale Utica, les organisations non gouvernementales, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT). 

Mais à l’issue d’une réunion de l’instance dirigeante de l’UGTT, lundi sous la présidence de son secrétaire général Noureddine Taboubi, la centrale syndicale a infligé un camouflet au président Saïed en annonçant qu’elle boycotterait le dialogue proposé. L’UGTT «ne participera pas au dialogue national sous le format proposé par le président Kaïs Saïed qui n’a pas fait l’objet de consultations préalables et ne répond pas aux attentes des forces nationales pour mettre en place un processus patriotique permettant de sortir de la crise», a déclaré la centrale syndicale dans un communiqué. 

Pour l’UGTT, ce dialogue vise à «cautionner des conclusions décidées unilatéralement à l’avance et les faire passer par la force comme faits accomplis». 
 

Impasse
 

Selon la centrale syndicale, «non seulement ce dialogue n’est pas de nature à sortir le pays de la crise, mais il risque de l’aggraver et la prolonger». «Ce dialogue n’est pas à la hauteur de la crise que connaît la Tunisie et ne dessine pas un avenir meilleur», a déclaré N. Taboubi à la presse à l’issue de la réunion. «Nous appelons à un dialogue national réel, car celui proposé actuellement exclut des composantes politiques importantes dans le pays», a-t-il ajouté. 
 

Dans un discours prononcé à l’occasion du 1er Mai, Fête du travail, le chef de l’UGTT a tiré la sonnette d’alarme face au risque de «démantèlement de l’Etat» et d’«un effondrement financier et économique» du fait de la crise dans laquelle est plongée la Tunisie.
D’où, «la nécessité de lancer un dialogue national sincère et profond qui traite tous les éléments de la crise (...) et serait une chance, peut-être la dernière, pour rassembler toutes les forces nationales». 

Le secrétaire général de l’UGTT a appelé Kaïs Saïed «à superviser» ce dialogue auquel doivent participer «tous les partis politiques», selon le leader syndical.
Un tel dialogue est «le seul choix pour les Tunisiens quels que soient les divergences et les désaccords», a-t-il affirmé, en apportant son soutien au coup de force de K. Saïed, qui a permis, selon lui, de «rompre avec une décennie d’échec politique».
 

Acteur influent sur la scène politique en Tunisie, l’UGTT a reçu, avec l’Utica, la LTDH et l’Ordre national des avocats du Quartette, le Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la transition démocratique en Tunisie, où la démocratie semble vaciller depuis le coup de force de K. Saïed en juillet. 

Ce dernier a annoncé, début mai, l’instauration d’un «dialogue national» attendu depuis des mois, tout en s’en prenant aux partis politiques qu’il accuse d’avoir pillé le pays ces dernières années. Dans une feuille de route censée sortir le pays de la crise politique, il a prévu un référendum sur des amendements constitutionnels le 25 juillet, avant des législatives le 17 décembre. 

Après des mois de blocage politique, K. Saïed, élu fin 2019, s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, avant de le dissoudre en mars. Outre l’impasse politique, la Tunisie connaît une grave crise socio-économique et est en pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) dans l’espoir d’obtenir un nouveau prêt.
 

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