Prévisions de croissance mondiale pour l’année 2023 : Récession économique et inflation en vue, selon le Fonds monétaire international

05/02/2023 mis à jour: 07:50
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Selon le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié le 10 janvier dernier, l’économie mondiale sera confrontée à de grandes difficultés en 2023. Suite au conflit russo-ukrainien qui a débuté le 24 février dernier, la croissance s’est déjà essoufflée à 3,2% l’année dernière (soit une baisse de 0,75 points par rapport aux dernières prévisions), tandis que la forte inflation (8,6% en moyenne au niveau mondial) s’est généralisée à l’ensemble des pays. La volatilité des prix d’énergies au niveau du marché mondial et les ruptures d’approvisionnement au sein de la l’Union européenne pourraient faire encore grimper les prix à la consommation. Pour le FMI, la croissance économique mondiale tombera à 1,7 % en 2023. Ainsi, les principaux pays avancés connaîtront une croissance très faible divisée par deux en 2023 (2,4% à 1,1%). La Chine, moteur de la croissance mondiale, ne sera pas épargnée puisque sa croissance ne dépassera pas 4,4% selon les prévisions (contre 8,1% en 2021), et l’Asie du sud-est sera le principal moteur de la croissance mondiale en 2023 (4,9%). Les hausses des taux d’intérêt qui ont été décidées par les Etats-Unis, l’UE et de nombreux pays, pourtant nécessaires afin de juguler l’inflation, accentuent les vulnérabilités financières et l’activité économique. Selon la Banque mondiale (BM), la guerre que mène la Russie en Ukraine accroît les risques de surendettement dans les pays à faible revenu, mais aussi, l’insécurité alimentaire dans de nombreux pays en développement et pays pauvres, du fait de leur dépendance de la Russie et de l’Ukraine pour l’importation du blé et autres céréales. Les principales causes de la baisse de la croissance économique mondiale sont : d’abord, il y a les tensions géopolitiques et le conflit russo-ukrainien qui ont provoqué l’augmentation des prix de l’énergie (en moyenne, 42 dollars le baril de pétrole en 2020, 71 dollars en 2021, contre 99 dollars en 2022). Au sein de l’UE, l’augmentation des prix du gaz (3 fois par rapport avant le conflit russo-ukrainien) et la difficulté d’approvisionnement font craindre des coupures d’électricité dans plusieurs pays d’Europe, s’appuyant beaucoup sur des centrales à gaz t pénalisent le secteur industriel à cause de l’augmentation des coûts de production, notamment en Allemagne habituée à acheter son gaz à prix modéré de la Russie. Si les importations de l’UE en gaz sont passées de 45% à 9% après les sanctions économiques infligées à la Russie, les difficultés d’approvisionnement du Gaz naturel liquéfié (GNL), l’augmentation des coûts de transport ainsi que l’insuffisance des stocks de gaz au sein de ces pays ont fait augmenter les prix de cette énergie. Ensuite, il y a les politiques monétaires restrictives et la hausse des taux d’intérêts directeurs pratiquées dans les pays avancés (engagé en mars pour la Réserve fédérale américaine et en juillet pour la Banque centrale européenne) afin de contenir l’inflation persistante. Si l’objectif à travers ces mesures financières est de réduire la masse monétaire en circulation afin de freiner l’inflation, cela risque fortement de fragiliser l’économie car les investissements financés par l’emprunt coûtent plus chers aux entreprises, aux Etats et aux consommateurs. Aussi, la récession économique est liée à l’essoufflement de la croissance chinoise en 2022 et la levée des restrictions anti covid-19 et le retour de la pandémie ces dernières semaines. En effet, en 2023, la Chine ne stimulera pas la croissance économique mondiale et l’activité économique sera fragilisée. Enfin, il y a les tensions commerciales et les restrictions à l’importation au niveau mondial qui ont provoqué la pénurie de certains produits alimentaires et aliments pour élevage. En effet, à la mi-octobre 2022, les 160 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) possédaient encore plus de 50 restrictions à l’exportation de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et d’engrais, sans compter près de 30 restrictions à l’exportation de produits essentiels pour limiter les conséquences de la pandémie de la Covid-19. Ainsi, ces restrictions liées aux échanges commerciaux risquent d’augmenter davantage le prix de ces produits au niveau mondial en 2023. Mais elles risquent surtout d’aggraver la crise de la faim actuelle (selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, plus de 20 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire grave), notamment au sein des pays de la Corne de l’Afrique qui sont énormément dépendants des importations pour nourrir leurs populations.

La baisse de l’activité économique mondiale est liée aussi à l’inflation qui s’est répandue en 2022 partout dans le monde. En effet, l’activité économique mondiale a subi une diminution généralisée, avec un taux d’inflation qui a atteint des niveaux jamais vus depuis les années 1980. Selon les prévisions du FMI, l’inflation mondiale est passée de 4,7% en 2021 à 8,8% en 2022, avant de diminuer à 6,5% en 2023 et 4,1% en 2024. Pour l’UE, qui est fortement dépendante de l’importation des hydrocarbures, le taux d’inflation annuel s’est établi à un peu plus de 10% en 2022. Cette inflation est en grande partie liée à l’augmentation des coûts de production suite à l’envolée des prix de l’énergie sur le marché mondial. En ce qui concerne les principaux facteurs qui expliquent l’inflation au niveau mondial, ils sont les suivants : d’abord, il y a la reprise de l’activité économique depuis juillet 2021. En effet, après le début de l’essoufflement de la crise sanitaire de la Covid-19, les consommateurs ont rattrapé une partie de leur demande reportée. Et pendant une telle situation où la demande augmente, les entreprises haussent un peu plus facilement leurs prix sans perdre de clients. Mais il y a aussi les effets sur l’offre à cause du difficile rétablissement des chaînes d’approvisionnement et l’augmentation des coûts de transport après la réouverture et la reprise de la demande. Ensuite, il y a la guerre en Ukraine menée par la Russie qui a intensifié les tensions inflationnistes et qui a tiré vers le haut les prix de l’énergie et des produits alimentaires. En effet, ce conflit a fait hausser les prix de nombreuses matières premières (pétrole, gaz, charbon...), et celui des matières premières agricoles dites «Soft Commodités» (blé, orge, oléagineux, soja, tourne sol...). Mais aussi, ce conflit a fait augmenter les prix du bétail du fait de l’accroissement des prix des aliments du bétail. Enfin, il y a eu une augmentation des prix des produits laitiers du fait de l’envolée des prix de l’alimentation de l’élevage et les coûts de production. Par ailleurs, les sanctions économiques infligées à la Russie obligent désormais de nombreux pays importateurs à réorganiser leurs approvisionnements, un processus souvent compliqué et assez coûteux. L’inflation est liée également au re-confinement en Chine en mars 2022 en raison de l’accroissement des cas de Covid-19, ce qui a accéléré le déséquilibre entre l’offre et la demande au niveau du marché mondial. Enfin, il y a les aléas climatiques extrêmes qui ont affecté les productions agricoles et la production de céréales. Ces facteurs (sécheresse, inondation, etc.) ont entraîné une envolée spectaculaire du prix des denrées alimentaires depuis 2020, notamment celui du blé. Si le conflit russo-ukrainien n’a pas provoqué cette inflation, il a en revanche précipité l’augmentation des prix de ces denrées alimentaires sur les marchés mondiaux.

La question qui se pose maintenant est comment lutter contre l’inflation ? L’Organisation communautaire de développement économique (OCDE) défend la poursuite de l’augmentation des taux d’intérêt et du renforcement de la politique monétaire restrictive (Une politique monétaire restrictive est un ensemble de mesure de la banque centrale visant à lutter contre un taux d’inflation trop élevé). L’objectif étant de lutter contre la dévaluation de la monnaie dans une grande majorité de pays, mais également de réconforter la confiance des investisseurs dans cette monnaie. Mais, cette politique monétaire a des effets négatifs. D’abord, sur le plan local, le renforcement de la politique monétaire pourrait peser sérieusement sur les conditions de financement des entreprises de l’Etat et des consommateurs. Donc, l’investissement et la consommation vont être pénalisés. En ce qui concerne les pays importateurs d’énergie, tels que les pays de l’UE, une politique monétaire restrictive risque de ne pas avoir d’effets conséquents, du fait qu’il y a un facteur externe qui affecte en grande partie l’inflation (inflation importée). Notamment, dans un contexte de la baisse de l’euro qui a commencé en 2021 et s’est accélérée en 2022, atteignant une parité avec le dollar. Cette dévaluation de l’euro augmente évidement les coûts des importations en dollar, notamment les prix des énergies. Ensuite, sur le plan international, les pays émergents et en développement pourraient être également touchés directement par la consolidation de la politique monétaire aux Etats-Unis. En effet, l’augmentation des taux d’intérêt directeurs risque de provoquer une fuite des capitaux de ces pays vers les Etats-Unis. Résultat, les banques centrales au sein de ces pays vont à leur tour augmenter leurs taux d’intérêt au risque de pénaliser leur propre activité économique.

En somme, la reprise d’un régime de croissance plus fort et l’essoufflement de l’inflation au niveau mondial seront conditionnés certainement par la stabilité des prix de l’énergie, mais aussi par la disparition de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Mais nous ne devons pas négliger que pour lutter contre le changement climatique qui menace la planète, les populations et les générations futures, nous devons réaliser une croissance inclusive. 

Rédha Younes Bouacida.

Professeur des Universités en sciences économiques FSESG, Université de Skikda, Algérie

Réseau de Recherche sur l’Innovation (RRI), France Association Tiers Monde (ATM), France

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