Présidentielle au Nigeria : Trois candidats pour un fauteuil et des craintes de fraudes

27/02/2023 mis à jour: 02:23
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Plus de 87 millions d’électeurs étaient appelés samedi à choisir parmi 18 candidats l’homme qui aura la lourde tâche, pendant quatre ans, de redresser le Nigeria, plombé par une économie en berne, les violences récurrentes de groupes armés et de bandits, ainsi qu’un appauvrissement généralisé de la population. Le vote s’est globalement déroulé dans le calme, malgré quelques incidents sécuritaires et des couacs logistiques, qui ont provoqué des retards. Les opérations de décompte se sont poursuivies jusque tard dans la nuit, en présence de nombreux électeurs décidés à «protéger» leur vote. «Nous sommes impatients de connaître le résultat parce que cette élection va déterminer l’avenir et l’unité du Nigeria», s’exclame Yusufu Eshinuku, un entrepreneur, dans une rue de Lagos, la capitale économique. «Le prochain Président aura énormément de travail.» Les résultats seront officiellement annoncés Etat par Etat à partir de 18h locales (17h GMT), selon le président de la Commission électorale nationale (Inec), Mahmood Yakubu, lors d’un point presse à Abuja.

La République du Nigeria compte 36 Etats et le territoire de la capitale fédérale. Les données recueillies dans les quelque 176 000 bureaux de vote étaient censées remonter plus rapidement à Abuja grâce aux nouvelles technologies expérimentées pour la première fois dans une élection nationale. Mais le transfert électronique et la publication des résultats ont pris beaucoup de temps samedi et hier, attisant les craintes de manipulation des votes, alors que les scrutins précédents ont été entachés par des accusations de fraudes. «Laissez le Nigeria décider», a écrit sur Twitter Burna Boy, star nigériane de la musique, interpellant la Commission électorale. Ce lauréat des Grammy Awards leur a lancé un avertissement : «N’essayez pas de faire de la magie avec les résultats.»

«C’est mon tour»

A 15h30 hier, dans un centre de collecte à Port Harcourt (sud-est), des agents électoraux continuaient d’envoyer les résultats, de nombreuses heures après la fin des dépouillements.

La veille au soir, dans plusieurs bureaux à travers le pays, des foules d’électeurs filmaient en direct dans la nuit avec leurs smartphones les dépouillements, comptant à voix haute les bulletins avec les agents électoraux, dans une ambiance festive. Situation inédite depuis le retour à la démocratie en 1999, le Nigeria pourrait connaître une présidentielle à deux tours si l’outsider Peter Obi, qui a réussi à s’imposer comme un challenger sérieux face aux deux partis dominant traditionnellement la politique nigériane, transforme l’essai dans les urnes. L’ex-gouverneur d’Anambra (sud-est), un chrétien de 61 ans soutenu par le petit Parti travailliste (LP) et très populaire auprès de la jeunesse, affronte deux vétérans rompus à l’exercice du pouvoir. Bola Tinubu, 70 ans, représente l’APC du président Muhammadu Buhari, qui se retire comme le veut la Constitution après deux mandats au bilan très critiqué. Considéré comme l’un des hommes les plus influents du pays, cet ancien gouverneur de Lagos, un Yorouba de confession musulmane, a prévenu : cette fois, «c’est mon tour». A 76 ans, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, de l’opposition (PDP, au pouvoir de 1999 à 2015), briguera pour la sixième fois la présidence. Originaire du Nord et de confession musulmane, il espère rafler de nombreux votes dans cette partie du pays. Pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 Etats de la fédération, auxquels s’ajoute le territoire de la capitale fédérale, Abuja. Sinon un second tour devrait avoir lieu dans les 21 jours.

Saper la confiance

Le groupe d’observateurs Yiaga Africa (plus de 3800 à travers le pays) s’inquiète que les retards et cafouillages documentés jusque-là ne «sapent la confiance du public». Et met en garde la Commission : «Si les résultats officiels sont manipulés à un moment quelconque du processus, nous serons en mesure de le révéler.»

Ce scrutin est crucial : le Nigeria – 216 millions d’habitants – devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l’Afrique de l’Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences djihadistes. La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l’Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des stars comme Burna Boy. Mais face aux immenses difficultés du quotidien, aggravées par de récentes pénuries, de nombreux Nigérians appellent au «changement», écœurés par des décennies de mauvaise gouvernance et une élite vieillissante, réputée corrompue.

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