Préservation du patrimoine immatériel algérien : De nombreux dossiers en cours de préparation

22/05/2023 mis à jour: 03:58
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Le dernier dossier déposé à l’Unesco a été celui de l’habit traditionnel de l’Est algérien

Le premier compte les dossiers sur le chaâbi, le malouf, le ayaye, le sraoui des Aurès, l’achewiq de la Kabylie, le hawfi et le haouzi, alors que le second touche l’habit kabyle et ses bijoux et celui des Touaregs. En dépit de sa diversité culturelle et la richesse de son patrimoine du Nord jusqu’au Sud, de l’Est à l’Ouest, l’Algérie ne compte aujourd’hui qu’un total de 11 dossiers sur le patrimoine déposés au niveau de l’Unesco, dont un est en attente de validation. 

Dix éléments de ce patrimoine ont déjà été inscrits, à savoir le raï, la calligraphie arabe partagée avec d’autres pays, le couscous, les savoirs et savoir-faire des mesureurs d’eau des foggaras, le sbouâ ou pèlerinage annuel à la zawiya Sidi El Hadj Belkacem à Gourara, le rituel et les cérémonies de la sebeïba dans l’oasis de Djanet, le pèlerinage annuel au mausolée de Sidi Abd El Qader Ben Mohammed dit Sidi Cheikh, les pratiques et savoirs liés à l’imzad des communautés touarègues, les rites et les savoir-faire artisanaux associés à la tradition du costume nuptial de Tlemcen et à la fin l’Ahellil du Gourara.  Est-ce suffisant pour un pays de la dimension d’un continent ?

 En réponse à la question d’El Watan en marge d’une rencontre animée récemment au Palais Ahmed Bey, le Pr Slimane Hachi, directeur du Centre national des recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) et directeur du Centre régional pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en Afrique (CRESPIAF) a répondu par la négation. 

Et de rappeler que tous les Etats ont le droit d’inscrire un seul dossier par an sur le patrimoine. «C’est pareil pour nous, où chaque année, on dépose un dossier à l’Unesco et nous sommes en train de préparer d’autres», a-t-il déclaré. Il s’agit, précisément de deux volets, un qui concerne la musique et l’autre portant sur l’habit traditionnel. 

Le premier compte environ 7 dossiers autour du Chaabi, le malouf, le ayay, le sraoui des Aurès, l’achewiq de la Kabylie, le hawfi et le haouzi. «Nous sommes en train de monter des dossiers sur tous les chants populaires en Algérie après le rai. On va tous les inscrire», a souligné notre interlocuteur. Et d’ajouter que ce travail ne date pas d’hier, mais il a été entamé depuis des années en collaboration avec des chercheurs, universitaires,  praticiens et  détenteurs d’un patrimoine précis. 

Un dossier déposé à l’Unesco est compliqué, selon Slimane Hachi, et doit être bien ficelé. Pour ce qui est du deuxième volet focalisé sur l’habit traditionnel, le Pr Hachi a révélé à El Watan que son organisme est en train de préparer la continuité du dossier sur l’habit de cérémonie, où le ministère de la Culture avait déjà inscrit celui de Tlemcen et l’habit de l’Est algérien. Cette même institution est en pleine préparation d’un dossier sur l’habit kabyle et ses bijoux et celui des Touaregs.

 Mais des traditions, plats et tenues vestimentaires ont disparu avec la mondialisation et sont méconnus par la nouvelle génération. N’y aura-t-il pas une action pour les faire revivre et les sauvegarder, avec des experts et des savants de l’ancienne génération ? «Donnez-moi un exemple sur un patrimoine disparu ! D’autant plus, un patrimoine immatériel est vivant. S’il n’est plus, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas», a-t-il répondu à la question d’El Watan.  
 

Wach rak ? Comment te vois-je ?  

Lors de la rencontre, et en abordant la portée et la dimension universelle du patrimoine immatériel, Pr Slimane Hachi a évoqué l’exemple du Japon qui était mis à genoux après les deux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945.  Ce pays a montré un véritable exemple d’un combat d’existence après une action d’éradication. 

 «Quand tu es prêt à disparaître, il ne reste que : wach rak et chkoun nta ? Qui signifie comment te vois-je ? Je suis comme tu me vois. C’est ça la culture. L’identité se perçoit à travers plusieurs éléments, dont le costume aussi, qui est un élément identitaire par excellence. Je donne l’exemple de la tasdira, le karakou, le caftan, la gandoura et autres. C’est une manière de s’exposer et de se montrer à l’autre, et comment être dans le regard de l’autre. Dis-moi ce que tu portes, je te dis qui tu es», a-t-il expliqué. Et d’évoquer d’autres constituants de l’identité, dont les traditions culinaires. 

Ces dernières sont conçues au Maghreb comme un mode de vivre ensemble. Pour M. Hachi, il y a des plats qu’on ne mange jamais seul, à l’instar du couscous dans les fêtes comme dans les deuils. «Dans d’autres pays, on prépare la dinde au Noël», lance-t-il. En outre, à partir de l’habit et des plats traditionnels, le conférencier transpose le pèlerinage au mausolée de Sidi Cheikh à d’autres régions de notre pays.

 Cette pratique existe en réalité un peu partout y compris à Constantine. «C’est le même modèle du vivre ensemble, de paix sociale, le même modèle d’entente, de solidarité, de la musique, de la danse, de la fantasia et autres. L’inscription de cet héritage culturel entre dans la stratégie du ministère de la Culture pour préserver tous les éléments de notre identité et augmenter aussi le capital mondial», s’est-il étalé. 

Vu l’importance de l’héritage culturel pour toute l’humanité, l’Unesco a établi la convention de 2003, avec la participation de plusieurs pays, dont l’Algérie. Cette dernière confiante et sûre de l’enracinement de sa culture et de son patrimoine, selon le même interlocuteur, n’avait jamais eu peur d’exposer et de partager sa culture avec le monde, contrairement à d’autre pays. C’est pourquoi, elle était parmi les premiers à ratifier cette convention en 2004. 

En conclusion, Pr Hachi affirme que l’Algérie, et de par sa géographie, était toujours au centre du monde. Elle est considérée comme un rond-point et un carrefour entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie. D’ailleurs, sa situation stratégique dans la méditerranée a fait d’elle une cible des plans de colonisation.     

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