Pr Taïeb Hafsi, expert en management stratégique (HEC Canada) : «L’économie algérienne est gérée de manière incohérente»

23/06/2022 mis à jour: 01:30
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Photo : El Watan

Le professeur Taïeb Hafsi appelle à la mise en place d’une structure de gestion de l’économie qui soit décentralisée, tout comme il estime nécessaire la concertation avec les acteurs économiques principaux.

Taïeb Hafsi, professeur titulaire en management stratégique international des organisations à l’Ecole des hautes études commerciales de Montréal (HEC) et membre de la Société royale du Canada, a animé, mardi à Alger, un colloque sur l’économie algérienne et les moyens de la sortir de la crise dans laquelle elle se débat. Le professeur Hafsi, qui n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, a, d’emblée mis le doigt là où ça fait mal.

«La situation économique algérienne est paradoxale. Elle est à la fois problématique et encourageante. Le problème essentiel de l’économie est qu’elle n’est pas gérée, ou plutôt qu’elle est gérée de manière incohérente.

Même si souvent bien intentionnés, les départements de l’Etat fonctionnant en silos, sans coordination, émettent des règles qui se contredisent et jettent le trouble chez les acteurs économiques», a estimé, dans son intervention, le conférencier, qui animait une rencontre au Centre international des conférences (CIC), à l’initiative de l’établissement de formation Ramray School, spécialisé dans divers domaines d’apprentissage, sous le thème : «Construire l’entreprise et construire le pays».

Pour le professeur Hafsi, qui intervenait devant un parterre constitué de chefs d’entreprises publiques et privées et d’économistes, «dans tous les domaines où l’Etat pourrait aider le développement économique (foncier industriel, autorisations d’activité, subventions et aides à la compétitivité, encouragement de l’investissement), en fait, il le décourage par incohérence, incompétence, désorganisation ou tout cela à la fois».

«On pourrait dire que les nuisances bureaucratiques et la délinquance sont des freins importants», assène le professeur Hafsi, pour qui, «la plupart des problèmes pour l’économie sont de natures institutionnelle et organisationnelle». «Si on veut encourager le développement, il faut agir sur les institutions et les structures», tranche-t-il.

Pourtant, relève le conférencier, il existe «de nombreuses entreprises de qualité, avec un mode de management adapté, ouvert sur l’expérience universelle mais aussi sur les valeurs locales». «Il y a une créativité entrepreneuriale émergente importante», souligne-t-il encore.

Le professeur Hafsi ne s’arrête pas au constat, puisqu’il décline une série de recommandations à même de contribuer à relancer la machine économique. Il propose, en effet, d’articuler «une vision pour surmonter le découragement», s’appuyant sur les principes de «liberté, justice et fraternité» en vue de «reconstruire l’infrastructure institutionnelle et organisationnelle du pays».

Comment faire concrètement ? Comme  évoqué plus haut, il constate que le problème fondamental de l’économie reste «l’infrastructure institutionnelle», l’intervenant déroule dix actions qu’il estime urgent de mener.

Il appelle, ainsi, à simplifier les procédures régissant l’économie, interdire l’intrusion policière dans le fonctionnement de l’économie, réduire le soutien des prix et le remplacer par le soutien au pouvoir d’achat du citoyen, orienter les entreprises publiques vers les monopoles naturels, les industries émergentes et les industries déclinantes, créer un corps de justice spécialisé dans l’économie, introduire la méritocratie dans l’évaluation et les promotions, encourager l’organisation des associations professionnelles spécialisées, encourager le développement de centres de haut savoir de qualité et, enfin, enseigner l’économie aux citoyens à l’école et à travers les médias et en faire une préoccupation nationale.

Taïeb Hafsi appelle également à la mise en place d’une structure de gestion de l’économie qui soit décentralisée, tout comme il estime nécessaire la concertation avec les acteurs économiques principaux. Tout en rendant hommage à l’école Ramray School, qui a pris l’initiative de l’inviter à animer ce colloque, le Pr Hafsi souhaite, par ailleurs, «une multiplication des centres de réflexion et de développement des politiques, au Premier ministère, dans tous les ministères économiques et dans les régions». Brahim T.


 


 

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