Les températures caniculaires de ces derniers jours ont été très dures pour le personnel médical du CHU Mustapha à Alger, notamment mardi 11 juillet, où pas moins de 250 personnes en difficulté ont été admises aux urgences, dont sept sont décédées. Deux autres sont mortes à leur domicile. C’est ce qu’a révélé le professeur Rachid Belhadj, directeur des activités médicales.
Dans cet entretien, il parle de la prise en charge «sans panique» des malades, de la disponibilité des respirateurs, des médicaments, mais surtout des facteurs aggravant, comme la pollution ou encore la consommation de produits laitiers ou de viandes mal stockés.
Entretien réalisé par Salima Tlemçani
- Quel impact les températures caniculaires peuvent-elles avoir sur la santé ?
Le corps humain a ses mécanismes de défense et lorsqu’il s’agit de hausse de température, des signaux sont envoyés au cerveau pour actionner son système thermos-régulateur afin d’éviter le choc thermique.
Malheureusement, cette fonction est fortement altérée chez les personnes âgées, les malades atteints d’insuffisance respiratoires, de cardiopathies et les diabétiques. Il en est de même pour les malades mentaux dont les traitements qu’ils prennent, comme par exemple les anxiolytiques, les déshydratent, et de ce fait, ils deviennent très vulnérables à la chaleur.
Ce sont ces catégories de malades qui ont été admis aux services d’urgence du CHU Mustapha, durant les trois premiers jours de la canicule. Un nombre important de personnes déshydratées ou souffrant de complications liées à leurs maladies a été transféré par les agents de la Protection civile et les familles. Malheureusement, nous avons enregistré deux décès de personnes âgées qui vivaient seules.
- Quelle a été la journée la plus dure pour les équipes médicales ?
Dès le premier jour de la canicule, c’est-à-dire dimanche dernier, les services d’urgence ont commencé à recevoir des flux interminables de personnes âgées avec des complications entre 13 heures et 1 heure du matin (du mercredi).
Le personnel médical était préparé puisque dès les premières alertes, le ministère de la Santé a instruit tous les établissements sanitaires dans ce sens. Les malades étaient évacués soit par la Protection civile, mais une bonne partie par les familles. La journée la plus dure à été mardi (dernier) avec un pic de 250 malades, majoritairement des personnes âgées.
Malheureusement, nous avons enregistré sept décès. Ils ont eu de sévères complications liées à leurs maladies chroniques. Les services d’urgence étaient pratiquement saturés. Tous les lits étaient occupés. Le lendemain, des dispositions étaient prises pour ouvrir d’autres services, au cas où la canicule persiste et s’installe dans la durée. Mais, la tension a quelque peu baissé depuis baissé dès mercredi. Le nombre de cas d’admission a sensiblement baissé. Nous revenons aux activités des urgences habituelles en période estivale.
C‘est-à-dire, les accidents de la route, les violences, les cas d’overdose, les accidents domestiques et les noyades. Cela étant, comme la hausse des températures est encore là, je profite pour appeler les familles à ne pas laisser leurs parents ou grands-parents sortir la journée, de les obliger à boire beaucoup d’eau et de leur faire prendre des douches.
- Etiez-vous préparé pour un tel rush en 12 heures de temps ?
En fait, nous ne nous attendions pas à un tel flux. Néanmoins, nous n’avons pas ressenti cette panique comme cela a été le cas durant la pandémie de la Covid-19.
Avec la direction du matériel, il y avait un suivi permanent des stocks de médicaments à la pharmacie centrale, mais aussi des respirateurs, la disponibilité de l’oxygène etc. De plus, le nouveau service des urgences dispose de moyens et d’une organisation qui facilite la tâche au personnel médical et rend plus fluide la prise en charge des malades.
- En dehors des cas de déshydrations ou de difficultés respiratoires, avez-vous reçu d’autres cas d’urgence liés à la canicule ?
Le plus important flux est constitué surtout des personnes âgées déshydratées ou en difficulté respiratoire ou cardiaque. Néanmoins, il fait savoir que les fortes chaleurs sont porteuses d’autres risques, comme par exemple les intoxications alimentaires.
Souvent, lorsqu’il y a chaleur, il y a coupure d’électricité. Malheureusement, lorsqu’il fait très chaud, les gens se ruent vers les glaces, les casse-croutes, les boissons mais surtout vers l’eau. Tous ces produits deviennent extrêmement dangereux lorsqu’ils sont mal stockés.
En période de canicule, il fait impérativement éviter de consommer les viandes, les produits laitiers, ou encore manger chez les fast-foods, les pizzerias ou tout autres restos rapides. La canicule avec un taux d’humidité important allié à la pollution aggrave la déshydratation.
Nous ne savons pas si les capteurs de pollution installés à Alger sont toujours fonctionnels. Si ce n’est pas le cas, il y a danger sur la santé des citoyens. L’indice de pollution permet, faut-il le rappeler, d’anticiper sur les risques encourus.
- La canicule est toujours synonyme de coupures d’électricité. Comment faites-vous au niveau du CHU Mustapha pour palier ces situations ?
L’ensemble des pavillons de l’hôpital sont dotés de des groupes électrogènes. En cas de coupure d’électricité, ces derniers démarrent. Mais, il y a aussi des services des services névralgiques qui ne doivent jamais être coupés de l’énergie.
Il s’agit des services : néo-natal, de réanimation, de stockage de médicaments et de vaccins, de sang et de la morgue. Ils ont un système de sécurité particulier qui les protège de tout incident.
Il en est de même pour les réseaux anti-incendies et les réservoirs d’eau.