Le nouveau Premier ministre tunisien Ahmed Hachani, nommé mardi par le président Kaïs Saïed, doit s’ouvrir «aux différentes composantes» du pays. C’est ce qu’a indiqué hier le chef de la principale centrale syndicale du pays UGTT, en marge d’un rassemblement à Sfax (centre-est), selon des propos recueillis par l’AFP.
«L’essentiel ne consiste pas à changer les gens, mais plutôt à changer les stratégies et les politiques», a déclaré Noureddine Taboubi, à propos du limogeage de la cheffe de gouvernement Najla Bouden au bout d’un an et demi dans son poste. Environ 250 partisans de l’UGTT, un syndicat ancré à gauche, qui compte près d’un million d’adhérents dans tout le pays, se sont réunis à Sfax pour commémorer la mort de militants en 1947, à l’époque du protectorat français en Tunisie.
Kaïs Saïed, élu démocratiquement en octobre 2019, s’est emparé de tous les pouvoirs depuis le 25 juillet 2021, et gouverne depuis par décrets présidentiels. Il peut révoquer à tout moment son chef de gouvernement ou ses ministres. Il n’a pas donné d’explications à l’éviction de Mme Bouden et a nommé à sa place A. Hachani, un ancien cadre de la Banque centrale de Tunisie, juriste de formation, qui a fréquenté la même faculté de droit que lui. «Le nouveau Premier ministre aura-t-il des pouvoirs de décision et sera-t-il ouvert aux différentes composantes dans le pays pour pouvoir surmonter les difficultés et les défis du pays», s’est demandé N. Taboubi.
«La misère et la faim ont augmenté»
Le président Saïed a fait réformer la Constitution tunisienne pour instaurer un système hyper-présidentialiste à la place du régime parlementaire en vigueur depuis la révolution de 2011 qui a marqué l’avènement de la démocratie dans ce pays. Même si l’UGTT se défend d’être une formation politique, elle dispose d’un poids important dans le paysage tunisien, pour avoir reçu avec trois autres organisations en 2015 le Prix Nobel de la Paix, récompensant leur rôle dans le «dialogue national» instauré pour sortir le pays d’une crise menaçant la transition démocratique. Interrogé sur une nouvelle «Initiative de salut national» lancée en janvier par l’UGTT avec d’autres organisations de la société civile, N. Taboubi a assuré qu’elle «sera prête lorsque le peuple tunisien en aura besoin».
Les manifestants réunis autour de leur chef ont scandé des slogans critiquant le gouvernement tels que «Citoyen opprimé, la misère et la faim ont augmenté» ou encore «Où est le sucre, où est l’huile ?» Ils faisaient référence aux pénuries dont souffre actuellement la Tunisie qui, étranglée par un endettement de 80% du PIB, est à court de liquidités pour se fournir en produits de base.
Ceux-ci sont achetés par l’Etat avant d’être réinjectés à des prix subventionnés sur le marché. Outre ces difficultés, la Tunisie est plongée dans une crise politique, aggravée par l’arrestation depuis février d’une vingtaine d’opposants au président Saïed, dont Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha, au cœur de la plupart des coalitions de la dernière décennie.