Portugal : Corrida avec mise à mort, une exception qui perdure 

10/09/2023 mis à jour: 01:00
AFP
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Photo : D. R.

Aux pieds du matador, le taureau ensanglanté s’effondre sous les applaudissements : la scène est rare au Portugal, où la corrida avec mise à mort est interdite... sauf à Barrancos, village proche de l’Espagne qui bénéficie d’un régime d’exception au nom de la tradition locale.

«Il y a ceux qui aiment, et ceux qui n’aiment pas. Il faut respecter les traditions et la culture... c’est important que cela continue ainsi !», défend Leonor Burgos, une étudiante de 18 ans, venue assister à ce spectacle tauromachique sur la place de l’église transformée en arène pour les fêtes annuelles de la commune située dans le sud-est du pays.

La mise à mort des taureaux n’était plus pratiquée au Portugal depuis la fin du XIXe siècle, quand une loi datant de 1928 l’a carrément interdite. Mais Barrancos a toujours bravé la loi et perpétré la coutume locale. En 2002, au nom du respect des traditions établies, le parlement national a finalement accordé un régime d’exception à Barrancos et Monsaraz, une autre commune de la région de l’Alentejo, bastion de la tauromachie portugaise.

«Avoir obtenu une exception à la loi, c’est énorme !», se réjouit le matador Nuno Casquinha qui, vêtu une veste bleu marine ajustée, s’apprête à rejoindre l’arène où l’attendent des dizaines de spectateurs dans des gradins en bois dressés pour l’occasion. «C’est très gratifiant pour nous», car à Barrancos «nous pouvons exercer notre métier pleinement», se félicite ce Portugais de 37 ans aux cheveux gominés. Dans la corrida à la portugaise, le taureau est lancé dans l’arène contre un toréador à cheval avant d’être immobilisé par huit hommes qui s’agrippent à son cou et à ses cornes.

L’animal est alors entraîné en dehors de l’arène pour être tué hors de la vue des «aficionados». Mais, à Barrancos, le spectacle se déroule comme dans l’Espagne voisine, avec un matador à pied, muni d’une cape et d’une épée. Cette commune de quelque 1.500 habitants, située à un kilomètre de la frontière espagnole, réclame sa proximité avec la culture du pays voisin.

Les corridas y sont vécues comme un signe d’une identité culturelle propre. Pour les militants anti-corrida, la tradition ne doit pas justifier une pratique qualifiée d’«anachronique». «Les droits des animaux sont fondamentaux !», scandaient jeudi soir une trentaine de personnes devant l’arène du Campo Pequeno à Lisbonne, un bâtiment de style mauresque en briques rouges, où se déroulait l’une des dernières «touradas» de la saison.

L’exception de Barrancos «n’a pas lieu d’être» d’autant que la législation «reconnaît déjà la nature violente des corridas», fait valoir Tania Mesquita, une juriste qui milite au sein du parti politique PAN (Parti animaux et nature) pour l’interdiction des spectacles de tauromachie.

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