Point de vue / Le nouvel ordre mondial est né… depuis Bandung

15/06/2023 mis à jour: 06:27
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La déclaration de l’ex-président F. Hollande au Financial Times, selon laquelle le «format d’un nouvel ordre géopolitique était devenu plus clair, estimant que l’alliance de la Russie avec la Chine, qui ont lancé un défi à l’Occident, se voyait consolidée», fait abstraction de la conférence, tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandung, en Indonésie, réunissant pour la première fois les représentants de 29 pays africains et asiatiques, dont Gamal Abdel Nasser (Egypte), Jawaharlal Nehru (Inde), Soekarno (Indonésie) et Zhou Enlai (Chine), et à laquelle une délégation du GPRA a assisté. Cette conférence marqua l’entrée sur la scène internationale des pays décolonisés dits du «tiers-monde», qui refusent d’intégrer les deux blocs qui s’affrontent dans une guerre dite froide (les Etats-Unis et l’URSS) et qui choisiront le Mouvement des non-alignés.

Par ailleurs, la conférence de Belgrade, tenue du 1er au 6 septembre 1961, va réaffirmer et préciser la position du Mouvement des non-alignés à la suite de la w. Les leaders du Mouvement étaient Nasser, Tito et Nehru, personnalités anticolonialistes et progressistes. 

Lors de son discours, Tito réaffirme que la conférence «n’a pas pour objet de créer un bloc» mais qu’elle vise au contraire à dénoncer «l’exclusivisme des blocs, qui est un danger pour la paix mondiale». Enfin, en 1973, H. Boumediène a organisé à Alger la conférence des pays non alignés, qui sera le point de départ d’un mouvement structuré, rejetant l’hégémonisme unilatéral américain dans la gestion des relations internationales, au profit du multilatéralisme, privilégiant en toutes circonstances le dialogue et la concertation, contre la confrontation et le diktat. 

La guerre actuelle en Ukraine n’est venue que mettre en relief une vague de fond, née il y a plus de 60 ans, et qui consiste à dire que les institutions politique, diplomatique, économique et financière, construites après la Seconde Guerre mondiale, en l’absence du reste du monde, ont vécu et qu’il était grand temps de les réformer, voire d’en construire de nouvelles, qui tiennent plus compte des intérêts de tous les pays et non pas d’un groupe de pays réunis dans le G7.

Le même F. Hollande dans son interview estime que «les USA pourraient cesser d’aider l’Ukraine si D. Trump revenait à la Maison-Blanche en 2024». C’est donc sur la base des élections américaines que l’évolution du conflit en Ukraine sera déterminée. 

Enfin, il avouera, toute honte bue, que les accords de Minsk de 2014-2015, signés entre autres par la France, alors qu’il était Président, «ne servaient qu’à gagner du temps pour permettre à Kiev d’augmenter son potentiel militaire». 

Ces révélations tardives, mais néanmoins précieuses, indiquent clairement le plan concocté par les Occidentaux pour piéger la Russie d’une part et l’Ukraine d’autre part, de manière à les entraîner à la guerre, pièce d’un immense complot américain pour le démantèlement définitif de «l’empire russe», et de sa partition, comme l’avait indiqué l’étude de la Rang Corp. pour le compte du Pentagone et de la CIA.

Cette étude tablait sur l’effondrement de l’économie russe, à court terme, à travers des paquets de sanctions ciblées, pour l’étouffer (destruction des gazoducs Nord Stream I et II, embargo sur son pétrole et sur ses céréales, attaques sur le rouble, interdiction d’utilisation du système des paiements international Swift…) et retourner la population russe contre son propre pouvoir. Ces scenarii, à l’évidence, n’ont pas été atteints, mais bien au contraire, se sont retournés contre leurs promoteurs et leurs alliés européens. 

En outre, ils ont catalysé le rapprochement sino-russe et mobilisé les pays émergents dans leur quête d’un remplacement de l’hégémonisme unilatéral américain par le multilatéralisme dans la gestion des relations internationales. La phrase cynique de «faire la guerre à la Russie jusqu’au dernier Ukrainien» prend alors tout son sens ! 

Par Mourad Goumiri 

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