Plastique biodégradable : Ne pas s’emballer trop vite

16/03/2023 mis à jour: 05:06
AFP
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Photo : D. R.

En l’absence de définition universelle du «plastique biodégradable» et faute de centres de traitement adaptés, des observateurs craignent que l’arrivée sur le marché de ces nouveaux matériaux ne contribue à l’inverse à augmenter la pollution.

Bouteilles de rhum Bacardi, emballages de bonbons Skittles, bouteilles d’eau de designer : des entreprises mettent au point des emballages en plastique biodégradable, présentés comme plus   respectueux de l’environnement mais qui pourraient s’avérer une fausse bonne idée.

En l’absence de définition universelle du «plastique biodégradable» et faute de centres de traitement adaptés, des observateurs craignent que l’arrivée sur le marché de ces nouveaux matériaux ne contribue à l’inverse à augmenter cette pollution.

«Les gens ont tendance à croire qu’ils contribuent à la protection de la   planète en achetant des produits en plastique biodégradable, mais ce n’est pas   du tout le cas», alerte Gaëlle Haut, coordinatrice européenne de la Fondation Surfrider, une association environnementale. D’un côté, les plastiques classiques, produits par l’industrie pétrochimique à base de sources fossiles, peuvent persister dans la nature   pendant des centaines d’années.

A l’inverse, les plastiques biodégradables, conçus à partir de polymères   spécifiques issus de sources végétales, animales ou de pétrole, peuvent se décomposer rapidement sous l’action de micro-organismes. Mais à condition de   les éliminer via un compostage industriel ou domestique adapté, explique Mme Haut.

Certains experts redoutent que ces conditions échappent aux consommateurs   et que ces derniers soient conduits à se débarrasser de ces plastiques   directement dans la nature. « Les gens pourraient se dire : «J’ai oublié mon sac en plastique biodégradable dans la forêt après un pique-nique, mais ce n’est pas grave car il sera biodégradé dans la nature», s’inquiète Moira Tourneur, responsable du plaidoyer à Zero Waste France.

Or, les plastiques biodégradables qui finissent leur course dans les milieux naturels se décomposent en microparticules, à des horizons temporels différents selon les écosystèmes. Ces «microplastiques» infiltrent les sols, les rivières et les océans, posant un risque sanitaire pour les animaux qui les ingèrent. Ils peuvent même se frayer un passage jusqu’à l’intérieur du corps humain via notre alimentation.

Pour éviter la décomposition néfaste du plastique biodégradable dans la   nature ou dans des décharges non-adaptées, des observateurs préconisent le développement de nouveaux centres de compostage et de collecte.

Bon nombre d’experts sont également favorables aux propositions visant à réglementer l’utilisation des termes «biosourcé», «biodégradable»,   «compostable» ou «durable», employés sur les emballages en plastique.

«Beaucoup de confusion»

Les consommateurs ont en effet parfois du mal à se repérer dans la   terminologie. «Il y a beaucoup de confusion sur le marché», confirme Philippe Dewolfs, directeur commercial de TUEV Autriche, l’une des principales entreprises proposant aux marques une certification «biodégradabilité» en échange d’une rémunération. Ajoutant à la confusion, les plastiques biosourcés ne sont pas nécessairement compostables ou biodégradables, avertit M. Dewolfs.

Pour être qualifié de «biosourcé», le plastique doit contenir une matière organique : maïs, fécule de pomme de terre, pulpe de bois ou canne à sucre. Mais on peut parfois y trouver des matériaux dérivés de combustibles fossiles qui ne sont pas nécessairement biodégradables.

A l’inverse, les plastiques dit «biodégradables» peuvent ne pas contenir de matière organique du tout, mais uniquement des polymères issus du pétrole répondant à certains critères de biodégradation.

Ces plastiques sont conçus pour se décomposer en dioxyde de carbone (CO2), en eau et en biomasse, au cours d’un processus de compostage. Ou, plus rarement, dans des décharges, mais à condition que des paramètres spécifiques  d’humidité et de micro-organismes y soient réunis.

Pour l’instant, la marque de spiritueux Bacardi affirme que sa bouteille   biodégradable arrivera dans les rayons en 2023. Le géant de la confiserie Mars-Wrigley a de son côté annoncé le lancement imminent d’emballages de bonbons Skittles biodégradables aux États-Unis. Une start-up californienne, Cove, a même commercialisé ce qu’elle présente   comme la première bouteille d’eau en plastique biodégradable au monde.

Aucune de ces entreprises n’a répondu aux sollicitations d’interview de   l’AFP.  En attendant, les gouvernements doivent éduquer le public sur les   plastiques biodégradables et sanctionner les entreprises qui font des   déclarations trompeuses, recommande Gaëlle Haut de Surfrider Europe : «Si on laisse aux entreprises le soin de décider de ce qu’elles font, c’est la jungle.»  

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