TikTok a d’abord été interdit en Inde en 2020, après des affrontements meurtriers à la frontière avec la Chine. La même année, l’application était également menacée d’interdiction aux États-Unis par Donald Trump, qui l’accusait d’espionnage.
Summum du divertissement sur mobile, outil d’espionnage au service de Pékin ou les deux? Le phénomène TikTok a ringardisé le monde des réseaux sociaux mais l’application est aujourd’hui dans le viseur de plusieurs Etats qui veulent limiter son influence.
Son patron Shou Chew a promis jeudi devant le Congrès américain que d’ici la fin de l’année, toutes les informations liées aux 150 millions d’utilisateurs du pays seraient gérées uniquement depuis des serveurs situés aux Etats-Unis.
Mais «aujourd’hui, il y a encore des données que nous devons supprimer», a-t-il admis. Il a reconnu que la plateforme, filiale du groupe chinois ByteDance, a encore d’anciennes données d’utilisateurs américains stockées sur des serveurs accessibles par des employés chinois, alors que les élus américains l’accusent de mettre en danger la sécurité nationale.
Sous pression
TikTok a d’abord été interdit en Inde en 2020, après des affrontements meurtriers à la frontière avec la Chine. La même année, l’application était également menacée d’interdiction aux États-Unis par Donald Trump, qui l’accusait d’espionnage. Le réseau social avait alors admis, après un article du site BuzzFeed, que des employés basés en Chine avaient eu accès à des données relatives à des utilisateurs américains mais s’était défendu de les avoir transmises au Parti communiste chinois.
Pour tenter de rassurer sur la sécurité des données, l’entreprise promet aux utilisateurs américains et européens de les stocker sur leur territoire, via des partenaires sur place. En 2023, le gouvernement fédéral des Etats-Unis et la Commission européenne ont interdit le téléchargement et l’utilisation de TikTok sur les appareils professionnels de leurs employés. Washington pousse désormais pour une interdiction plus large.
Le Parlement britannique a annoncé jeudi l’interdiction de TikTok sur tous ses appareils et son réseau, emboîtant le pas à une mesure prise une semaine plus tôt par le gouvernement britannique.
Un milliard d’utilisateurs
Aucune de ces mesures n’a pour l’instant freiné l’ascension fulgurante de TikTok. La plateforme compte plus d’un milliard d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 125 millions dans l’Union européenne. Elle pointe à la sixième place des plateformes sociales les plus populaires, selon le dernier rapport de We Are Social sur l’évolution du numérique, publié en janvier. Elle affiche également la plus forte progression, notamment chez les plus jeunes.
Surtout, TikTok surpasse tous ses concurrents par sa capacité à capter l’attention. En 2023, les utilisateurs d’Android l’utilisaient en moyenne pendant 23 heures et 28 minutes chaque mois. YouTube ou Meta (Facebook, Instagram) ont tenté d’imiter son format de vidéos ultra-courtes qui défilent en continu, sans grand succès pour le moment.
Un algorithme opaque
TikTok a su attirer de nombreux influenceurs, grâce notamment à ses possibilités avancées d’édition de vidéos, aux filtres créatifs et à la puissance de l’algorithme, capable de faire émerger rapidement de nouvelles stars. Ces Tiktokeurs (dont les plus connus sont Khaby Lame, Charli d’Amelio ou Bella Poarch) ont attiré dans leur sillage de nombreuses marques.
Mais l’algorithme de TikTok reste opaque. En janvier, le magazine Forbes révélait aussi que les employés de TikTok et Bytedance avaient régulièrement recours à un bouton pour augmenter le nombre de vues sur certains contenus. Selon TikTok, qui a récemment annoncé une fonctionnalité pour savoir pourquoi une vidéo est proposée plutôt qu’une autre, la promotion manuelle ne concerne qu’une infime partie des recommandations.
Désinformation
L’application, comme d’autres réseaux sociaux, fait face au défi de la modération des contenus. Elle est régulièrement accusée d’héberger de nombreuses vidéos de désinformation, de défis dangereux et des images à connotation sexuelle, alors qu’elle est censée interdire la nudité. En octobre 2022, comme l’avait repéré Numerama, une «tendance» consistait à publier des photographies de pénis.
Selon des médias, plusieurs enfants sont également décédés après avoir tenté de répliquer le «Blackout Challenge», énième avatar du jeu du foulard. Enfin, d’après NewsGuard en septembre 2022, 20% des vidéos circulant via TikTok sur des sujets d’actualité (invasion russe en Ukraine, fusillades dans des écoles aux Etats-Unis, vaccins contre le Covid) étaient fausses ou trompeuses.
L’AFP, parmi plus d’une dizaine d’organisations de fact-checking, est rémunérée par TikTok dans plusieurs pays d’Asie et d’Océanie, d’Europe, du Moyen-Orient et d’Amérique latine hispanophone pour vérifier des vidéos qui contiennent potentiellement de fausses informations. Elles sont supprimées par Tiktok si les équipes de l’AFP démontrent que l’information véhiculée est fausse.