Percée de l’extrême droite aux législatives en France : Inquiétude sur l’avenir de l’Europe

02/07/2024 mis à jour: 07:34
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Photo : D. R.

De Madrid à Varsovie en passant par Berlin, plusieurs dirigeants européens ont exprimé leur inquiétude quant aux dangers d’une victoire de l’extrême droite française au second tour des élections législatives.

L’arrivée de l’extrême droite en tête au premier tour des élections législatives anticipées en France inquiète en Europe et même en dehors du Vieux Continent. De Madrid à Varsovie en passant par Berlin, la crainte pour l’avenir de l’Union européenne (UE) est forte. Pour le Premier ministre polonais, Donald Tusk, il y a «une tendance dangereuse pour la France et l’Europe».

Il dit craindre que «la France puisse devenir bientôt l’homme malade de l’Europe, condamnée à une confrontation entre les forces radicales». «Le jour de l’élection en France, nous avons eu à faire avec cette grande confrontation entre la droite et la gauche radicales, deux camps empreints d’idéologies», a insisté le chef du gouvernement polonais, qui préside le parti centriste Coalition civique.

M. Tusk accuse des «forces étrangères» et des «ennemis de l’Europe» d’être engagés dans ce processus «en se cachant derrière ce genre de mouvements extrémistes». Pedro Sanchez, président socialiste du gouvernement espagnol, croit, quant à lui, à une «remontada» de la gauche au second tour.

«Je ne considère pas comme acquise la victoire de l’extrême droite, je garde espoir dans la mobilisation de la gauche française et dans le fait que la société réalise à quel point il est important de miser sur des politiques progressistes et des gouvernements progressistes. Gouverner est la meilleure manière de lutter contre la désinformation et la désaffection qui sont à l’origine de la percée de l’extrême droite», a-t-il déclaré.

En Allemagne, c’est la consternation. Certains politiciens et députés allemands n’ont pas hésité à pointer la responsabilité du président français, Emmanuel Macron, dans le renforcement de l’extrême droite. «Je pense que le comportement du président français était imprudent», a déclaré le secrétaire général du parti libéral démocrate FDP, Bijan Djir-Sarai.

La coprésidente des Verts, Ricarda Lang, a affirmé au média américain Politico que «la décision de Macron de convoquer de nouvelles élections était une erreur de calcul et a probablement contribué à renforcer l’extrême droite». Le social-démocrate Michael Roth, chef de la commission des affaires étrangères au Bundestag (Parlement), a souligné au même média américain que «la France est le cœur de l’Europe unie. Si ce cœur ne bat plus avec force, l’UE risque l’infarctus».

Au niveau officiel aussi, on exprime de l’inquiétude sur l’avenir des relations entre l’Allemagne et la France, considérées comme la locomotive de l’Europe. Ainsi, la cheffe de la diplomatie allemande a déclaré que «personne ne peut rester indifférent» à la victoire de l’extrême droite en France.

Meloni préfère Le Pen

«L’Allemagne et la France portent une responsabilité particulière pour notre Europe commune», a souligné Annalena Baerbock lors d’une conférence de presse avec son homologue lettonne. Elle a précisé que cette crainte allemande est justifiée par la nature du parti qui risque de prendre le pouvoir en France, «un parti qui voit dans l’Europe le problème et non la solution».

Le porte-parole du chancelier allemand s’est montré plus nuancé en exprimant son espoir que les deux pays puissent poursuivre leur coopération. «Nous travaillons en étroite collaboration et en toute confiance avec la France, notre principal partenaire en Europe», a déclaré Steffen Hebestreit lors d’une conférence de presse, en souhaitant que «cela reste ainsi».

En Italie, la tonalité est différente. La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a plutôt bien accueilli les résultats du premier tour des législatives en France. Entretenant des relations exécrables avec le président Emmanuel Macron, qu’elle a maintes fois critiqué publiquement, Meloni, dont le parti est de l’extrême droite, s’est réjouie que cette fois-ci «la diabolisation n’a pas fonctionné» en France.

«La tentative constante de diaboliser les gens qui ne votent pas à gauche (...) est un piège dans lequel tombent de moins en moins de gens», a déclaré la présidente du parti Fratelli d’Italia à l’agence Adnkronos. «Nous l’avons observé en Italie, on le voit de plus en plus en Europe et dans tout l’Occident», a enchaîné Meloni, sortie renforcée des européennes après que son parti ait obtenu plus de 28% des voix.

«J’adresse mes compliments au Rassemblement national et à ses alliés pour leur score au premier tour», a-t-elle lancé, affirmant avoir toujours souhaité «la fin en Europe des vieilles barrières entre les forces alternatives à la gauche».

«Il semble qu’en France aussi, on aille dans cette direction», a relevé Meloni, qui dirige un gouvernement de coalition composé de son parti, du parti conservateur de Silvio Berlusconi Forza Italia à la Ligue antimigrants et souverainiste de Matteo Salvini. Giorgia Meloni, qui a toujours refusé qu’on taxe son parti d’extrême droite, a exprimé sa préférence pour le Rassemblement national de Marine Le Pen en précisant que «si on me demande si je préfère la gauche, dans certains cas plutôt extrême, ou la droite, évidemment je préfère la droite».

Au Royaume-Uni, la première réaction est venue du chef du Parti travailliste, Keir Starmer, favori pour devenir le prochain Premier ministre après les élections législatives qui auront lieu le 4 juillet. «La leçon à tirer du résultat du premier tour des législatives françaises est qu’il faut répondre aux préoccupations quotidiennes des citoyens», a-t-il déclaré lors d’un déplacement de campagne au nord de Londres. «Nous voyons les résultats arriver de France, mais aussi la situation dans d’autres pays à travers l’Europe et le monde.

La leçon que je tire de cela est que nous devons répondre aux préoccupations quotidiennes», a-t-il insisté en espérant que son parti va de nouveau accéder au pouvoir après 14 années d’absence.

Pour lui, «seuls les progressistes ont les réponses aux défis que nous devons affronter». «Nous devons défendre la cause progressiste, mais nous devons le faire en comprenant pourquoi. Les gens sont déçus de la politique parce qu’elle a cessé d’être au service des gens. Il faut donc continuer de défendre l’idée que la politique est une force au service du bien», a-t-il souligné.

Isolement et xénophobie

La presse internationale a également réagi aux résultats du premier tour des législatives en France en relevant l’imprudence de Macron ou carrément l’échec de sa stratégie de faire barrage à l’extrême droite. Les médias allemands ont été les plus virulents.

Ainsi, le Süddeutsche Zeitung, journal de gauche, a vivement dénoncé ce qu’il a qualifié de «coup de poker» de Macron qui «a ouvert en grand la porte à l’extrême droite». «Si les lepénistes arrivent au pouvoir, ce sera aussi son échec, sa faute», commente ce journal en reprochant au président français son excès d’optimisme, voire même son «autoglorification».

De son côté, le journal conservateur Die Welt a estimé que les résultats du premier tour «ont enterré le macronisme», considérant que le président français a tout simplement «fait le mauvais calcul avec sa stratégie ’’moi ou le chaos’’». Pour le Frankfurter Allegemeine Zeitung, la France se dirige vers une cohabitation, ou pire encore vers un blocage de son système politique. Elle pourrait, a commenté ce journal, «être absente de l’UE et de l’OTAN pendant des années».

En Suisse, le grand quotidien germanophone Tages Anzeiger craint que «le pays des Lumières, des droits de l’homme et du cosmopolitisme dérive plus à droite que jamais et peut-être vers l’obscurité, l’isolement et la xénophobie». «La démocratie française parle et elle fait peur», a écrit le quotidien francophone suisse de référence Le Temps.

La presse britannique a mis en avant les conséquences des résultats de ces élections sur l’Europe. «Ce n’est pas seulement une crise pour la France. C’est une crise pour l’Union européenne, avec un de ses principaux membres fondateurs, qui aura un Parlement, et peut-être un gouvernement, rempli d’eurosceptiques», a souligné Daily Mail, un journal conservateur et populiste qui est le deuxième tirage en Grande-Bretagne, après The Sun.

Mais le commentaire le plus dur est celui du quotidien milanais Il Corriere della Sera. «La droite française est passée hier des héritiers de Gaulle à ceux de Vichy et de l’Algérie française», a écrit ce journal du centre-droit.

En Afrique, continent qui compte beaucoup de ressortissants en France et qui constituent la cible privilégiée de l’extrême droite, c’est la prudence. Pas de réactions officielles pour le moment, surtout que le second tour ne s’est pas encore joué. Mais il y a bien des inquiétudes en ce qui concerne le traitement des immigrés africains en cas de victoire totale de l’extrême droite. 

 


 
 

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