Pendant qu'Israël se prépare à chasser l’UNRWA de Ghaza : Les États-Unis préparent un méga-accord avec l’Arabie Saoudite

24/10/2024 mis à jour: 09:24
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Photo : D. R.

L’assassinat du chef de la résistance palestinienne, Yahya Sinwar, a permis aux Américains de faire avancer la conclusion d’un «méga-accord»  avec l’Arabie Saoudite, qui consiste à lui céder la Palestine. Un ancien plan, discuté quelques semaines seulement, avant qu’il ne soit mis en échec par les attaques du 7 octobre.

L’assassinat du chef du mouvement Hamas de la résistance palestinienne, Yahya Sinwar, semble avoir ouvert la voie à Israël et à son puissant allié, les USA, pour  décider du sort de Ghaza, au lendemain de la guerre. Une enquête documentée, publiée par le journal américain d’investigation, The Intercept, spécialisé dans les enquêtes politico-économiques, a révélé que les Américains ont profité de la mort de Sinwar pour faire avancer la conclusion d’un «méga-accord» de sécurité avec l’Arabie Saoudite.

Avant son assassinat, Sinwar était considéré, explique le journal, «comme un obstacle majeur à un cessez-le-feu à Ghaza. Mais au lieu de se concentrer sur cet objectif» , c’est-à-dire le cessez-le feu,  «de hauts responsables américains et des membres du Congrès des deux partis ont profité de la disparition de Sinwar pour faire avancer un programme beaucoup plus vaste, notamment une ouverture à la prochaine étape des ambitions géopolitiques américaines».

Le média a commencé par rappeler le message publié sur  X, du sénateur démocrate du Connecticut, Richard Blumenthal, dès l’annonce de l’assassinat du chef de la résistance palestinienne par Israël, dans lequel il déclare : «Après de récentes conversations avec les dirigeants d'Israël, de l'Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis, j'ai un réel espoir que la mort de Sinwar crée des opportunités véritablement historiques pour la sécurité d’Israël, la cessation des combats et la paix et la stabilité régionales grâce à la normalisation des relations.

Il faut saisir cette occasion.»  Pour l’auteur de l’enquête, le message cachait, en fait, «un méga-accord» largement discuté qui créerait effectivement une néo-colonie entre les Etats-Unis et le régime du Golfe à Ghaza, «engagerait les USA à entrer en guerre pour l’Arabie Saoudite et nous plongerait plus profondément dans une nouvelle guerre froide avec la Chine».

Il a précisé que les législateurs «ont souhaité lier ces mesures de grande envergure à la reconstruction de Ghaza, afin de rendre plus difficile toute opposition à l’accord. Le pacte serait imposé au peuple palestinien». Les membres du Congrès, a expliqué le média, ont été très clairs quant à leur vision de l’avenir de la Palestine et de la région.

C’est-à-dire comme l’a déclaré le sénateur Lindsey Graham, un des faucons du Congrès, dans une récente interview : «Une nation souveraine et indépendante appelée Palestine, avec des garanties de sécurité pour Israël, afin de s’assurer qu’il n’y aura pas de futur 7 octobre.  Cela ressemblera plus à un émirat qu’à une démocratie. MBS (le prince saoudien Mohamed Ben Salmane, ndlr) et MBZ (Mohamed Ben Zayed Al Nahyane, président des Emirats arabes unis, ndlr),  viendront reconstruire Ghaza, créeront une enclave en Palestine.»

Les pressions de l’équipe Biden

Le journal a rappelé que Graham a félicité Blumenthal pour «avoir été un démocrate  qui essaye d’obtenir un vote pour un accord obligeant les Etats-Unis à  entrer en guerre pour l’Arabie Saoudite».  Malgré les déclarations des responsables américains sur leur volonté à rendre justice aux Palestiniens ou sur le soutien d’une solution à deux Etats,  il n’en demeure pas moins, qu’ils évoquent rarement leur autodétermination. Cela démontre que cette solution à deux Etats, n’est pas basée sur les principes fondamentaux d’autodétermination.

L’Etat, que prévoit Washington pour les Palestinien, ne sera certainement ni souverain, ni autonome. «Aucun des plans d’après-guerre proposés n’a prévu d’élections ou de processus qui permettraient aux Palestiniens d’avoir leur mot à dire sur leur avenir après avoir enduré l’urgence humanitaire de la guerre israélienne contre eux», a écrit The Intercept, ajoutant : «Alors que certains membres, comme le représentant Adam Schiff, démocrate de Californie, ont concentré leur réponse à la mort de Sinwar plus étroitement sur la fin de la guerre de Ghaza, de nombreuses personnalités influentes du Capitole l’ont liée à une vision régionale plus large.»

Selon le journal, Ben Cardin,  le président de la commission des relations étrangères du Sénat, démocrate du Maryland, a publié une déclaration dans laquelle il a appelé son pays à «tracer une voie qui refuse d’accepter une région en conflit perpétuel» et à adopter à la place «un avenir répondant aux aspirations de paix, de sécurité, de prospérité, de dignité et de reconnaissance mutuelle des Israéliens et des Palestiniens, et de tous les peuples de la région».

L’équipe du président Biden,  a écrit l’auteur de l’enquête, «a fait pression tout au long de son mandat pour un accord avec l’Arabie Saoudite, considérant qu’il était crucial pour l’héritage du Président». En fait, et selon les sources du journal, «les responsables américains étaient sur le point de finaliser un accord avant qu’il ne soit contrecarré par les attaques du Hamas».

Un mois seulement après le 7 octobre, un ancien conseiller principal de Brett McGurk, le principal conseiller de Biden pour le Moyen-Orient, a rendu publique la stratégie dans un blog de l’Atlantic Council, a affirmé le journal, qui a rappelé que dans son nouveau livre titré War (Guerre), Bo Woodward, ancien patron de la CIA, a révélé que lors d’une réunion, quelque temps avant l’attaque du 7 octobre, «Graham a déclaré à Biden que seul un démocrate pourrait obtenir un traité de défense entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite.

Il faudra un président démocrate pour convaincre les démocrates de voter pour une guerre en Arabie Saoudite» et Biden a répondu : «Faisons-le». Durant cette semaine, dans une conférence de presse, John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité de la Maisons-Blanche, a déclaré que le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, «travaille sur les choix du jour d’après à Ghaza et nous ne sommes pas encore arrivés au choix final à propos de la force qui assurera la sécurité là-bas».

Faisait-il allusion au méga-contrat avec l’Arabie Saoudite ou au recours aux sociétés de sécurité à Ghaza, pour «acheminer» l’aide humanitaire à Ghaza, à la place de l’Unrwa, qui sera interdite d’accès par Israël, attendant la concrétisation du «méga-contrat» qui semble en route ?  En effet, selon le journal britannique The Guardian, Israël «envisage de recourir à des sociétés de sécurité privées, impliquant peut-être des vétérans des forces spéciales britanniques, pour acheminer l’aide à Ghaza».

Citant un responsable israélien sans le nommer, le journal a affirmé que «le cabinet de sécurité a discuté de cette question en début de la semaine en cours, avant le vote prévu à la Knesset la semaine prochaine sur deux projets de loi interdisant à l’agence humanitaire de l’ONU, l’Unrwa, d’opérer en Israël». S’ils sont adoptés, c’est la mise à mort des activités de l’agence onusienne, qui permet à plus de deux millions de Palestiniens de survivre à la guerre génocidaire menée par Israël.

L’Unrwa, le témoin gênant

Devenu un témoin gênant qui permet aux millions de Palestiniens réfugiés et déplacés d’avoir un droit de retour dans leur terre,  l’Unrwa a été la cible d’attaques violentes par Israël, qui l’accuse tantôt d’antisémitisme, tantôt de soutien au terrorisme. Malgré l’injonction en juillet dernier, faite par la  Cour internationale de justice (CIJ) à l’Etat hébreu d’ouvrir tous les points de passage frontaliers pour laisser passer l’aide humanitaire à Ghaza, où la population a été livrée à la famine et aux maladies, Israël a refusé l’accès des aides qui arrivaient en quantités impensables.

De nombreux camions de l’Unrwa autorisés, pourtant, par Tel-Aviv ont été bombardés, de même que les centres pour réfugiés gérés par cette organisation et près de 200 humanitaires de l’agence ont été tués. The Guardian a affirmé que les «menaces sécuritaires constituent un obstacle majeur à l’acheminement de l’aide, notamment la menace d’une attaque des forces israéliennes», en précisant que «les organisations», sans citer leur nom, «refusent de faire partie de convois militarisés, publics ou privés, par crainte d’être prises pour cible en tant que parties au conflit».

Selon un ancien haut responsable de l’aide humanitaire sous l’administration Biden, Jeremy Konyndyk, aujourd’hui président de Refugees International, cité par le journal,  «il y a une raison pour laquelle les humanitaires ne fonctionnent pas de cette manière (...) Les Etats-Unis, au plus fort de la guerre contre le terrorisme, ont parfois expérimenté des contrats avec des entreprises militaires et ce type de distribution d’aide militarisée était toujours un désastre (…) Les entrepreneurs financés par les Etats-Unis qui ont adopté une approche de sécurité armée ont été souvent touchés parce qu’ils étaient considérés comme des combattants». 

The Guardian a évoqué l’homme d’affaires israélien, patron de la société GDC (Global Delivery Company), comme «candidat pour le contrat de livraison d’aide à Ghaza», en précisant que «le cabinet israélien n’avait pas officiellement pris de décision» en début de cette semaine au motif  qu’elle «relève» du ministère de la Défense et l’armée. «Des mécanismes d’aide» ont été discutés dimanche dernier  par le cabinet, mais aucune décision finale n’a été prise, selon un responsable informé de la réunion.

Mais dans son édition de mardi dernier, le journal hébreu Yedioth Ahronoth a confirmé que l’armée israélienne avait retenu GDC pour le transport, la sécurité et la distribution de l’aide humanitaire  à Ghaza et que le patron a déclaré à l’auteur de l’article que «si le contrat était attribué à GDC, les livraisons d’aide à Ghaza seraient effectuées par une société de sécurité britannique travaillant actuellement en Irak, dont il a dit ne pas pouvoir donner le nom jusqu’à ce que l’accord soit finalisé.

Ce sont des forces spéciales britanniques. Ils savent ce qu’ils font», a-t-il déclaré au journal britannique The Guardian, en soulignant que «le partenaire de mise en œuvre britannique aurait besoin de 30 jours pour se déployer une fois le feu vert donné.    

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