Une commémoration marquée par un lourd souvenir raconté par les témoins d’alors.
Les massacres d’Ouled Yaïch (Blida) perpétrés par le colonisateur français dans la nuit du 17 septembre 1956, en représailles aux pertes infligées aux soldats français par les moudjahidine dans une bataille survenue le même jour, sont un autre témoin de la barbarie du colonialisme français, qui n’a pas hésité à exterminer tout un village.
«Toute trace de vie a disparu dans le village d’Ouled Yaïch, après le passage des forces coloniales qui ont assassiné tous les habitants et brûlé les maisons et échoppes, en représailles à une embuscade des moudjahidine, qui s’est soldée par 35 morts et blessés, dans les rangs français», a raconté un natif de la région, le chercheur en histoire, Khaled Taleb, à la veille de la commémoration du 67e anniversaire de ce carnage. «Même les animaux n’ont pas été épargnés par les représailles du colonisateur français qui les avait brûlés avec les fourrages», a ajouté le chercheur, dont le frère, le chahid Noureddine Taleb (1936-1960), avait participé à l’embuscade qui a précédé les massacres.
Les avions ennemis ont bombardé tout le village, et son siège a duré toute une semaine, au bout duquel Ouled Yaïch ne fut plus qu’un autre nom ajouté à la longue liste des villages martyrs détruits par la France coloniale pour venger ses pertes humaines et matérielles sur les champs de bataille.
Citant son frère, le chahid Noureddine, tombé au champ d’honneur dans un accrochage avec les forces françaises sur la route de Médéa, et un autre moudjahid décédé, Abdallah Bengenna, chef de l’un des trois groupes ayant participé à l’opération, M. Taleb a raconté que les habitants du village avaient appelé les moudjahidine de la région à l’aide, suite aux exactions répétées de la France coloniale dans la région, dont notamment le détournement de leurs terres au profit des colons.
La situation s’est particulièrement aggravée à une semaine du massacre, lorsque les forces coloniales ont tué un moudjahid de la région, Mohamed Boudjemaâ, dit «Moha Mahfoud», dont la dépouille fut mutilée et jetée dans la décharge du village pour intimider les habitants. Ce crime constitua la «goûte qui a fait déborder le vase» pour les habitants du village qui appelèrent alors les moudjahidine pour les défendre contre l’oppression et l’arrogance des soldats français.
Ouled Yaïch, bastion de lutte pour la liberté
Selon les données fournies par la direction des moudjahidine et des ayants droit, le village d’Ouled Yaïch constituait, à l’époque, un véritable bastion de militantisme et de la lutte pour la liberté. Il abritait notamment un centre de formation au maniement des armes et à la fabrication des bombes.
Le 14 octobre 1954, le village accueillait la dernière rencontre nationale ayant réuni le commandement du groupe des 22, le commandement des centralistes et les cadres révolutionnaires de la Mitidja, au nombre de 35 participants, sous la direction de Mohamed Boudiaf. Lahouel Hocine, Didouche Mourad, Dakhli, Bouchbouba, Kritli Mokhtar, Boualem Kanoun, Mohamed El Aïchi et Tayeb Barzali, entre autres, ont participé à cette réunion qui s’est soldée par des décisions cruciales pour l’avenir de la Révolution.
Durant le 2e semestre de 1955 et le 1er de 1956, la région constitua un centre de transit pour les armes. Ayant eu vent de certains secrets du village, la France coloniale lâcha sa soldatesque contre les habitants, qui furent agressés, humiliés et même tués, avant la décision prise par les chefs de la Révolution de venger leur honneur, lors d’une réunion tenue, le 17 septembre 1956, dans les monts de Kinaâ, à Soumaâ, dans les environs d’Ouled Yaïch.
Une embuscade a été tendue contre une patrouille de l’armée française au crépuscule de cette journée même. 39 moudjahidine divisés en trois groupes, parmi lesquels le chahid Noureddine (frère de M.Taled), arrivèrent au village. Ils se répartirent entre le douar Ouled Yaïch et le village des colons Dalmatie. Sept parmi eux furent désignés pour assurer la garde. L’embuscade eut lieu vers 20h30, au passage de 35 soldats français.
Ils furent tous terrassés, entre morts et blessés. Néanmoins, l’arrivée inattendue de patrouilles françaises sur les lieux empêcha les moudjahidine de s’emparer des armes et munitions de l’ennemi, et causa la mort de l’un d’entre eux, suite à un échange de tirs. La riposte coloniale contre cet affront des moudjahidine ne se fit pas attendre, car durant la même nuit, les forces françaises débarquèrent en grand nombre dans le village, en provenance de différentes régions voisines, dont Soumâa, Boufarik, Oued El Alleug et Blida.
Leur vengeance contre les habitants fut sauvage et brutale, ils décimèrent tout sur leur passage, même les animaux, et tout le village fut brûlé, les quelques rescapés de ce carnage ont pris la fuite. Des fosses communes furent creusées par les habitants de la région pour enterrer les victimes du carnage du 17 septembre. Un des survivants, Yaïch Achour Cherif, est tombé en martyr sous les balles assassines du colonialisme, en tentant d’enterrer trois de ses enfants, également, tombés au champ d’honneur. Ils furent tous les quatre enterrés dans la même fosse.