La relance éventuelle de l’accord conclu en 2015 sur le nucléaire est devenue de plus en plus «inutile» pour l’Iran, a déclaré hier le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, cité par l’AFP. «Aujourd’hui, plus on avance, plus le JCPOA (acronyme de l’accord sur le nucléaire en anglais, ndlr) devient inutile», a-t-il affirmé lors d’un discours devant les étudiants de l’Université de Téhéran.
L’accord de 2015 encadrant les activités nucléaires de Téhéran en échange d’une levée des sanctions internationales a volé en éclats à la suite du retrait de Washington en 2018, décidé par le président de l’époque, Donald Trump. Son successeur, Joe Biden, a tenté de le ranimer mais les négociations engagées entre Téhéran et les cinq pays toujours signataires (Chine, Russie, Royaume-Uni, France et Allemagne), avec la participation indirecte des Etats-Unis, sont au point mort depuis l’été 2022.
«Etant donné que les lignes rouges (de l’Iran) ont parfois été ignorées par l’autre partie, nous ne sommes pas actuellement sur la voie de revenir à l’accord», a indiqué le chef de la diplomatie iranienne. «Bien entendu, cela ne signifie pas que nous ayons laissé l’accord de côté. Si l’accord sert nos intérêts, (nous l’accepterons) avec tous ses défauts», a-t-il ajouté.
Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a appelé en octobre la communauté internationale à ne pas faillir en Iran comme elle l’a fait en Corée du Nord, aujourd’hui dotée de la bombe atomique. Il a constaté en effet ces derniers temps «un déclin de l’intérêt des Etats membres», une «banalisation» du dossier qui se retrouve éclipsé par un agenda international chargé.
«Banalisation»
L’Iran a décidé en septembre de retirer l’accréditation de huit inspecteurs, un geste «sans précédent», selon l’AIEA. Les puissances occidentales s’en sont tenues à une «déclaration conjointe» soutenue par une soixantaine de pays, exhortant l’Iran à «agir immédiatement» pour résoudre les contentieux avec l’AIEA. Une prise de position jugée inacceptable par le gouvernement iranien. L’organisation onusienne a déploré par ailleurs depuis des mois la déconnexion de nombreuses caméras de surveillance et l’absence d’explications au sujet des traces d’uranium découvertes sur deux sites non déclarés.
«Nous devons déployer tous nos efforts (...) pour empêcher un pays qui a la capacité de développer des armes nucléaires de passer à l’acte», a déclaré le directeur général de l’AIEA, dans un message vidéo adressé au James Timbie Forum, conférence sur la non-prolifération organisée cette semaine par le département d’Etat américain. «Nous avons constaté un échec de ce type en Corée du Nord, (pays) qui a franchi la ligne rouge en 2006» en procédant à son premier essai nucléaire, a-t-il rappelé dans cette allocution.
Les inspecteurs de l’AIEA, dont le siège se trouve à Vienne, en Autriche, ont été expulsés de Corée du Nord trois ans plus tard. Ils surveillent désormais les activités de ce pays depuis l’étranger. Cette situation «a accru les incertitudes et dangers dans la péninsule coréenne et en Asie», a indiqué Rafael Grossi.
«C’est pour cela que nos efforts actuels en Iran sont si fondamentaux et pourquoi le soutien de la communauté internationale, et bien sûr des Etats-Unis, est indispensable.» «Nous sommes les yeux et les oreilles du monde» dans le pays, a-t-il souligné.
Fin février, l’AIEA a indiqué dans son rapport avoir détecté en Iran des particules d’uranium enrichi à 83,7%, soit juste en deçà des 90% nécessaires pour produire une bombe atomique. Elles ont été découvertes à la suite de la collecte d’échantillons en janvier dans l’usine souterraine de Fordo, a précisé l’instance onusienne, qui confirme ainsi des informations données par des sources diplomatiques.
Ainsi, elle a demandé «des clarifications» et «les discussions sont toujours en cours» pour déterminer l’origine de ces particules. Quelques jours auparavant, Téhéran a affirmé «n’avoir pas fait de tentative pour enrichir au-delà de 60%».
Israël voit en le programme nucléaire iranien une menace pour son existence. Ainsi, l’Etat hébreu a toujours indiqué qu’il ne laisserait jamais la République islamique obtenir la bombe et qu’il utiliserait la force si nécessaire pour l’en empêcher.
Les deux pays sont engagés depuis plusieurs années dans une guerre de l’ombre. Téhéran a accusé Israël d’être derrière des sabotages ayant visé ses activités d’enrichissement d’uranium ou l’élimination de plusieurs chercheurs liés à son programme nucléaire.