Nous faisons aujourd’hui nos adieux à notre vieux compagnon de route, le quotidien Liberté. Un concurrent à gros tirage avec plus de 50 000 exemplaires/jour, le deuxième ou le troisième à l’échelle nationale. Ses prouesses journalistiques, le professionnalisme de la rédaction, ses prises de position, nous amenaient, nous à El Watan, à nous remettre en cause et à parfaire au quotidien le travail pour la confection du journal.
Nous entretenions un esprit d’émulation dans un cadre amical et confraternel qui a porté ses fruits pour les deux entités. L’Algérie pouvait s’enorgueillir d’avoir dans son patrimoine de prestigieux titres de la presse indépendante, El Watan, Liberté, El Khabar, Le quotidien d’Oran, Le Matin. De «grosses cylindrées» qui aujourd’hui connaissent d’énormes difficultés financières et risquent même de connaître le sort de Liberté.
La mise à mort de Liberté a provoqué un tollé auprès de l’opinion publique nationale et internationale. Mais le gouvernement n’a pas jugé utile de réagir à cette catastrophe, estimant sans doute que l’affaire de Liberté est d’ordre privé et ne concerne donc que le principal propriétaire, Issad Rebrab, qui a décidé de sa fermeture. D’aucuns ont vite compris que le pouvoir en place se réjouit de la disparition d’un organe de presse indépendant considéré comme hostile.
Car, en principe, une société ne peut mettre la clé sous le paillasson sans une raison valable, comme la faillite financière. Et surtout pas une société de presse ! En Europe, comme l’ont fait remarquer certains confrères, les Etats se sont précipités pour éviter la banqueroute à de nombreux titres.
En France, par exemple, plus de 1,5 milliard d’euros sont distribués annuellement aux publications comme Le Monde, Libération, Le Figaro… En Grande-Bretagne, en Allemagne et en Belgique, des aides indirectes et multiformes sont consacrées à la presse. Ce sont de grandes démocraties qui considèrent la liberté de la presse comme un pilier de l’Etat.
La Constitution algérienne dans sa dernière mouture consacre également la liberté de la presse comme élément constitutif de l’Etat. Mais cette disposition est souvent bafouée par le pouvoir en place.
Les exemples ne manquent pas. El Watan a été privé de la publicité de l’ANEP en pleine pandémie de la Covid-19 à la suite de la publication en première page d’un article sur les déboires judiciaires des enfants du défunt chef d’état-major, le général Gaïd Salah.
Un jeune journaliste de Liberté a été placé sous contrôle judiciaire à cause d’un entretien avec le PDG de Sonatrach. Des responsables politiques de l’opposition ont été poursuivis en justice pour des déclarations faites à la presse, etc.
La presse marocaine s’est gaussée de la disparition de Liberté, elle aura encore à se réjouir davantage avec la disparition d’autres titres aussi prestigieux. La balle est dans le camp des pouvoirs publics pour redorer le blason de la presse nationale, d’autant que de nombreuses solutions existent.
Y compris celle de faire renaître Liberté sous une autre forme. Les Algériens sont réputés à travers l’histoire pour une chose : ils ne renoncent jamais à leur LIBERTÉ.