Notre football professionnel est actuellement dans une crise quasi chronique

24/07/2024 mis à jour: 17:00
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Notre football est actuellement dans une crise quasi chronique, car «l’argent du football professionnel n’est pas encore orienté ou utilisé dans un esprit d’entreprise et d’une culture d’actionnariat pour parvenir au vrai professionnalisme», comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.

D’emblée, ce qui pose trois épineuses questions : «Pourquoi ne parviennent-ils pas à diversifier les sources de financement, dont l’Etat et ses démembrements restent les principaux pourvoyeurs, au point où ces clubs se retrouvent tout simplement échec après échec depuis le lancement du professionnalisme en 2010 ?» Alors, qu’en tant que sociétés sportives par actions (Sspa), elles doivent adopter les outils de management de l’entreprise, et par conséquent, elles deviennent un sujet commercial, fiscal, parafiscal et financièrement autonome, notamment avec leurs propres organes sociaux. On pourrait élargir la question et la poser en ces termes : Sinon sont-ils vraiment prêts pour la relance et le développement du football professionnel ? Gère-t-on un club sportif professionnel comme on gère une entreprise ?


Oui, nous voulons que le football professionnel devienne une véritable industrie du sport algérien et la  locomotive de toutes les disciplines sportives au sein de chaque club sportif professionnel. 


Cela est une nécessité vitale pour l’économie nationale, notamment pour attirer les investisseurs, les actionnaires et partenaires économiques, et par conséquent, faire appel à la Bourse dans une stratégie de financement de leurs investissements durables. Aucune Sspa apparemment n’est préposée à ce jour d’un quelconque projet économique, commercial ou sportif, voire la concrétisation d’un partenariat porteur de perspectives de développement de notre football national. Alors que l’enjeu est énorme, à savoir d’un projet sportif et économique qui reste inévitable pour la jeunesse et l’équipe nationale, une force constituante et mobilisatrice de la société. 

On peut dire encore une fois que le football professionnel, c’est aussi de l’économie, qui s’ajoute au produit intérieur brut du pays (PIB). A cet effet, le budget des clubs professionnels doit obéir aux règles, principes, procédures et normes de la comptabilité et de la gestion financière des sociétés commerciales. En conséquence, la question qui se pose quatorze ans après l’instauration du professionnalisme en Algérie : pourquoi ne parviennent-ils pas à diversifier les sources de financement, dont l’Etat et les entités publiques sont les principaux pourvoyeurs  au point de se retrouver tout simplement fortement  endettés et déficitaires ?  
D’où l’urgence de préparer un double projet de réforme : sportif professionnel et économie du sport visant la performance économique et l’équilibre financier au même titre que le résultat sportif dans le processus des réformes économiques de notre pays. Comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.


En effet, la situation dans laquelle se trouve, aujourd’hui, la professionnalisation des clubs nous montre l’échec du professionnalisme en Algérie, notamment l’impuissance à gérer le modèle sportif professionnel, car les clubs évoluant au sein du sport professionnel ont encore l’esprit du modèle dit sport amateur décrété «pro». Et, à ce titre, les clubs professionnels visent plus de subventions étatiques que la performance sportive et économique. Ainsi, l’argent alloué aux clubs de football professionnel n’est pas encore orienté ou utilisé dans un esprit d’entreprise et de culture économique qui devrait notamment participer à la libération de l’environnement des sociétés sportives par actions (Sspa) et leur adaptation aux règles et mécanismes de l’économie facteur-clé de toute dynamique d’investissement et de financement des sociétés commerciales. Il va sans dire que les clubs sportifs en sociétés sportives par actions (Sspa) doivent tirer parti du sport dans leur gestion, c’est-à-dire  non pour gagner seulement des titres et encore moins de l’argent. 


Faut-il s’en étonner ? Certainement oui. D’emblée, ce qui pose l’épineuse question avec force : depuis quand l’Algérie n’a plus produit et formé de joueurs de haut niveau de la génération post- indépendance héros de l’histoire du Mondial 1982 et 1986, quand l’Afrique n’avait que droit à deux représentants. Ce qui se passe actuellement dans notre football professionnel après quatorze ans de pratique n’est pas admirable du tout au regard des gros moyens matériels et financiers mobilisés par l’Etat au profit des clubs de football professionnel et qui comptent à ce jour sur les subventions et aides des pouvoirs publics pour survivre. Alors que les clubs européens ont tellement innové dans le professionnalisme qu’ils ont révolutionné aujourd’hui le football, sport roi à travers le monde. Il n’y a qu’à bien regarder les clubs européens entre autres le Barça, Real Madrid, Manchester, Liverpool, Bayern Munich, Chelsea, Arsenal, ou encore Al Ahly d’Egypte, l’ESS Tunis, etc. Ce sont de véritables entreprises commerciales et beaucoup d’entre elles sont cotées en Bourse des valeurs. 


Aujourd’hui, à quelques exceptions près, les clubs sont «endettés et déficitaires avec des actifs nets comptables négatifs». Cela équivaut à un dépôt de bilan si du fait des pertes constatées dans les documents comptables (le bilan) l’actif net comptable de la société devient inférieur au quart du capital social de la société. L’heure serait donc de restaurer les finances du sport, qui s’avèrent incontournables dans la mesure où l’allocation des ressources et les résultats ne sont pas conformes aux objectifs de l’organisation des sociétés sportives par actions (Sspa). Ajoutons à cela l’absence d’une organisation structurelle, notamment des structures et des hommes à valeur H (énergie, intelligence, compétence managériale, intégrité et forte personnalité).
 

Dans ce contexte, faut-il rappeler que le football professionnel n’est pas un choix, mais une exigence, c’est l’un de ses principaux objectifs. A cet effet, l’intérêt de la société sportive (Sspa), du club et du joueur doit être géré dans un cadre légal et transparent. Cela représente un défi en attente pour la Fédération algérienne du football (FAF), qui est l’organe souverain qui gère le football du pays est supposée mettre en place une stratégie d’influence efficace pour instaurer et développer le professionnalisme au sein de nos clubs sportifs professionnels. Entre autres, de réfléchir aux outils nécessaires au développement et à la restructuration des clubs, ainsi qu’à la mise en place de solutions réglementaires  de bonne  gouvernance et de  gestion ; aide à la création d’emplois dans les  sociétés sportives ; financement de projet  de création ou d’amélioration d’installations sportives. Et enfin, les actionnaires doivent exercer leur métier de manager ou d’entrepreneur plus attaché à l’esprit d’entreprise et par conséquent, augmenter leur pouvoir d’action économique et financier dans les Sspa. 

Sinon à quoi sert ce fameux professionnalisme ?En effet, «en 2010, l’Etat a décrété le professionnalisme en mettant en place d’énormes subventions et aides sous forme de rente de tous bords dans le football. Quatorze ans après ce fameux  professionnalisme, les dirigeants de clubs professionnels n’ont pas encore acquis la culture du football professionnel, puisque ils passent toute l’année à gérer les salaires des joueurs et entraîneurs  et d’un championnat conçu à la charge et aux seuls moyens de l’Etat ou des entités publiques». Alors qu’il s’agit d’un support-clé de civilisation et de progrès sur lequel les instances nationales sportives qu’il faut aujourd’hui inscrire à l’ordre du jour de l’ensemble des structures et des acteurs du secteur de la jeunesse et des sports, car la conjoncture est à l’assainissement, au redressement, à la transparence, à la performance et à la rentabilité des ressources, pour la promotion de  l’éthique et la morale  sportive pour une bonne politique du sport en Algérie. 

Cette situation illustre parfaitement un coup dur pour l’instauration du professionnalisme lorsque l’on sait que nos clubs professionnels continuent à être totalement «déconnectés» des réalités du professionnalisme en se contentant d’une gestion d’amateurs dans un championnat décrété «pro» «football et fric», et ce, tout en profitant de la clémence des pouvoirs publics pour survive sans pour autant à pourvoir la sélection nationale en joueurs de qualité, et ce, depuis fort longtemps.  Il est aujourd’hui impératif pour les concepteurs de l’instauration du professionnalisme en Algérie qu’un club professionnel est celui qui saura investir, créer et développer l’économie, la formation, produire de grands joueurs de qualité pour l’équipe nationale et le transfert de joueurs à l’international. 

Cela rend nos clubs de plus en plus attractifs sur le marché auprès des sponsors et des investisseurs pour générer de nouvelles sources de revenus. Il reste bien un principe de réflexion et de débats d’idées qui pourrait éclairer et arrêter les bonnes orientations ou les bonnes solutions en vue de créer et d’assurer les meilleures conditions du professionnalisme en Algérie dans le but de placer les clubs sportifs professionnels au cœur de la transition des nouvelles nécessités socio-économiques et  politiques  du pays, mais aussi et surtout du contexte de l’évolution du monde  footballistique  au moment où le football national fait face à une crise quasi chronique.  


On peut parler d’argent certes, c’est important, mais dans un esprit et de culture d’entreprise, afin d’apporter leur part de contribution dans le développement économique et social, notamment faire de nos clubs sportifs professionnels un outil pour le développement d’une économie locale qui contribue au PIB du pays par le développement des structures sportives dans les SSPA, avec l’ouverture du capital social à l’actionnariat populaire, aux investisseurs nationaux ou étrangers de venir investir dans nos clubs sportifs professionnels, car le football c’est aussi l’économie. 
 

Ainsi, tout l’argent provenant des subventions étatiques est à orienter à l’avenir vers cette finalité. En effet, «l’idée du tout Etat (beylik) et des pratiques du dirigisme étatique», engendrant aujourd’hui plus de charges et de dépenses que de revenus ou de produits et de recettes, voire les subventions étatiques qui s’évaporent sans donner de  résultat  probant, dans la création de la valeur ajoutée. En effet, les dirigeants de nos clubs passent toute l’année à gérer les salaires des joueurs et d’un championnat classique selon l’ancien modèle dit sport amateur décrété pro, à la charge et aux seuls moyens de l’État ou des entités publiques. Le niveau du championnat reste relativement faible dans la mesure où  nos clubs professionnels dans leur majorité n’arrivent pas à produire de joueurs locaux à l’équipe nationale ou encore  à exporter des joueurs de talents et à atteindre le niveau international et sont souvent éliminés prématurément des grandes compétitions, ce qui porte un coup sévère à l’instauration du football professionnel en Algérie.


Il est grand temps de s’interroger sur la gouvernance et la gestion  du football professionnel, face à une  gestion incohérente et rentière. Le dossier du professionnalisme a toujours autant de mal à avancer, notamment s’enfonce dans une confusion inconcevable dans la continuité de l’amateurisme, tiré par la dépense publique en exigeant notamment, saison après saison des subventions et des aides encore plus conséquentes auprès des pouvoirs publics ou des collectivités locales. Cela dit, rien n’a encore changé entre le football amateur et professionnel dans la mesure où le discours sportif et environnemental se résume en deux mots : «football et  argent» sans mener des missions d’intérêt général pour renforcer l’attractivité du sport pour le public et les investisseurs locaux ou étrangers pour investir dans  nos clubs professionnels constitués en sociétés sportives par actions (Spa).


Dans une économie de marché, toute société commerciale comme c’est le cas de nos clubs de football professionnels constituées en sociétés sportives par actions (Spa) sont subordonnées à l’obligation de résultat et sujettes à dégager des bénéfices, dont une partie est réinvestie dans le club et d’avoir un actif net comptable positif. Ainsi, la publication des comptes sociaux s’impose (bilan, compte de résultat et l’annexe 3) dans trois journaux au moins à grand tirage plaidant plus de transparence pour une gestion saine de nos clubs professionnels. 

A noter également, «la plupart de nos clubs professionnels ne s’acquittent pas régulièrement de leurs obligations fiscales et parafiscales, quoi que l’assiette de cotisation des joueurs des clubs professionnels en Algérie est fixée à 15 fois l’ancien Snmg (18 000 DA), soit 27 millions de centimes/mois (270 000 DA), alors que tous les travailleurs et retraités sont contrôlés et soumis à cotisation à la source». 

L’équité fiscale impose que chacun paye sa juste part en fonction de son revenu, et c’est injuste de voir des footballeurs qui sont payés à coups de centaines  de millions payent moins de cotisations sociales et fiscales, alors que des travailleurs et retraités après une carrière professionnelle de 32 ans  et plus   continuent  à ce jour  de déclarer  leurs  revenus à la source. Il est très important de parvenir à créer  une confiance entre l’administration et le contribuable parce que la sécurité sociale et l’impôt doivent profiter  au citoyen pour ne pas dire le contribuable.


Or, l’expérience nous montre que rien n’a encore changé entre le football amateur et le football professionnel et que les dirigeants du football n’ont en matière financière pour objectif que l’esprit de dépenser plus d’argent, c’est-à-dire l’argent pour l’argent ou aisément faire de l’argent avec de l’argent sans création de richesses et d’emplois. C’est ici, toute la triste réalité, à laquelle la situation du football algérien est aujourd’hui, en présence d’un déficit de gouvernance et de compétitivité sportive à l’international (joueurs moins performants qu’attendus). Là encore, l’équipe nationale est demeurée le fait de joueurs formés et évoluant à l’étranger, y compris le sélectionneur. 


De ce fait, s’il y a un dossier urgent sur lequel appellent des engagements fermes, c’est bien celui de l’application réelle de la pratique  du football professionnel, mais resté jusque-là non assumé dans la forme et confus dans le modèle dit sport amateur. Il est aujourd’hui fondamental d’œuvrer à imposer des règles de saine gestion des finances des clubs sportifs professionnels, car l’aspect relatif à la gestion et à l’usage des subventions publiques destinées à un club sportif professionnel impose leur rentabilité et leur contrôle rigoureux pour une gestion saine plaidant plus de transparence et une bonne économie du sport qui s’avère incontournable dans le processus des réformes économiques de notre pays. 


Aujourd’hui, il faut revenir  à la normalité  des choses  et donner la priorité  à l’application stricte du professionnalisme, dont la fédération algérienne du football  (FAF) est l’ organe souverain qui gère le football du pays est appelée donc à mettre en place l’organisation d’une économie du sport en Algérie  et d’assainir la fonction  des organes sociaux au niveau des clubs professionnels pour  améliorer leurs méthodes de gouvernance et management conformes à leur statut de droit de société, c’est-à-dire donner  la possibilité à des investisseurs potentiels, professionnels et passionnés par le sport afin de développer un climat des affaires  dans l’économie du sport pour une assise de commercialité dans le processus de leur professionnalisation. Il faut recourir également en permanence à la structure du contrôle de gestion dans le souci de rationalité  et de transparence  dans l’utilisation  de l’argent public  quand on sait que les clubs sportifs professionnels  sont toujours subventionnés par l’Etat et ses démembrements  (collectivités locales  ou sponsorisés par les entités publiques).  

Sans oublier que le football, sport roi en Algérie, a longtemps été la fierté de tout un peuple.  En effet, une très belle page glorieuse, notamment celle de la très belle légende des années 1963 à 1990, une riche histoire en événements et en performances d’un passé illustre à l’ère du modèle dit sport amateur. Sans oublier pour autant nos deux regrettés Miloud Hadefi et Tahar Benfarhat avec deux participations en Coupe du monde intercontinentale 1972 au Brésil et 1973 au Mexique et Tahar Benfarhat en sélection 
d’Afrique.    

 

 

Par M’hamed Abaci 

Financier et auteur
 

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