Neuvième forum sur la coopération sino-africaine : Le pari de l’option «gagnant-gagnant»

02/09/2024 mis à jour: 02:06
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La Chine est un pays influent en Afrique - Photo : D. R.

L’Afrique, riche en ressources naturelles, est au cœur de la rivalité entre Pékin et Washington. En 2022, la Maison-Blanche a accusé Pékin de considérer l’Afrique comme «une arène importante pour défier l’ordre international».

La Chine accueillera mercredi des dirigeants de pays africains en quête de prêts et d’investissements, pour un sommet célébrant la coopération économique avec un continent de plus en plus courtisé par les grandes puissances pour ses ressources, selon des propos d’analystes cités hier par l’AFP.

La Chine, qui fait de l’Afrique un pilier de sa diplomatie, a renforcé ses liens avec le continent et investit annuellement plusieurs milliards de dollars depuis 2015 dans des infrastructures (routes, chemins de fer, ports...) ou des parcs industriels. Le Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) se tient tous les trois ans et à tour de rôle en Chine et en Afrique. Le dernier l’avait été au Sénégal en 2021. Des dizaines de délégations et de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus à Pékin jusqu’à vendredi. 

Les présidents de l’Afrique du Sud, du Nigeria et du Kenya ont notamment confirmé leur présence à ce rendez-vous diplomatique, le plus important organisé en Chine depuis la pandémie de Covid-19, selon Pékin. L’Eswatini (ex-Swaziland) est le seul des 54 pays africains à manquer à l’appel, en raison de ses liens diplomatiques avec Taïwan que Pékin considère comme une partie de son territoire.

Le forum doit s’accompagner d’une série de contrats signés entre la Chine et ses partenaires. «Les pays africains sont à un stade où ils veulent renforcer leurs relations avec la Chine dans nombre de domaines», déclare l’analyste Ovigwe Eguegu de Development Reimagined, spécialisé dans la coopération Chine-Afrique. «Ils cherchent des opportunités en matière de croissance, de développement économique et d’infrastructures», souligne l’expert.

Le géant asiatique est le premier partenaire commercial de l’Afrique, avec 167,8 milliards de dollars de biens et services échangés au premier semestre après un montant record en 2023, selon les médias d’Etat chinois. 
En outre, les prêts chinois accordés au continent étaient l’an dernier à leur plus haut niveau depuis cinq ans. L’Angola, l’Ethiopie, l’Egypte, le Nigeria et le Kenya en sont les principaux destinataires. Mais selon les analystes, le ralentissement économique en Chine rend Pékin plus frileux à prêter d’importantes sommes et plus sélectif dans les projets.

Depuis le dernier Forum organisé en Chine il y a six ans, «le monde a beaucoup changé avec notamment la pandémie de Covid, des tensions géopolitiques et désormais des difficultés économiques», a déclaré Tang Xiaoyang, professeur à la prestigieuse université Tsinghua à Pékin. 

Dans ce contexte, le «vieux modèle» de prêts massifs à l’Afrique pour y construire à tout-va des infrastructures n’est «tout simplement plus réalisable», estime-t-il. Pékin fournit une aide aux pays africains depuis l’époque des guerres d’indépendance contre les ex-colonisateurs occidentaux. Mais sa présence sur le continent s’est renforcée à mesure de la spectaculaire envolée de la Chine, devenue deuxième économie mondiale. 

L’Afrique est au cœur des «Nouvelles routes de la soie», cette initiative lancée par Pékin en 2013 qui vise à développer la connectivité commerciale de la Chine avec le reste du monde et à sécuriser ses approvisionnements. Chemin de fer au Kenya, exploitation minière en Tanzanie ou encore centrales hydroélectriques en République démocratique du Congo : une multitude de projets et des milliards de dollars de prêts et d’investissements ont vu le jour en Afrique.

Les analystes s’attendent durant le Forum à ce que les dirigeants africains courtisent la Chine pour obtenir davantage d’investissements mais aussi des «prêts plus favorables». «Certains de ces prêts sont devenus un lourd fardeau pour leurs  bénéficiaires», affirme Alex Vines, analyste au centre de réflexion britannique Chatham House. Et de citer l’exemple du Kenya, récemment secoué par des troubles qui ont fait au moins 50 morts. Ils ont été provoqués par la décision du gouvernement d’augmenter des taxes pour «assurer sa dette envers ses créanciers internationaux, dont la Chine», selon A. Vines.

Sous l’œil de Washington

Ces prêts sont largement sollicités par les pays africains qui espèrent accélérer leur développement économique. 
Les dirigeants chinois insistent eux volontiers sur le caractère  «gagnant-gagnant» de la coopération. «Nous sommes simplement des partenaires du développement (africain). Mais on en bénéficie également», résume Tang Xiaoyang, de l’université Tsinghua. La Chine a ouvert en Afrique sa toute première base militaire à l’étranger à Djibouti. Une seconde serait à l’étude, d’après des analystes.

L’Afrique, riche en ressources naturelles, est au cœur de la rivalité entre Pékin et Washington. En 2022, la Maison-Blanche a accusé Pékin de considérer l’Afrique comme «une arène importante pour défier l’ordre international».  Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a effectué en janvier une tournée d’une semaine en Afrique qui l’a mené  au Cap-Vert,  à la Côte d’Ivoire, puis le Nigeria et l’Angola. 

Sa visite intervient quelques jours après celle de son homologue chinois, Wang Yi, qui s’était rendu également au Togo, en Tunisie et en Égypte. Pékin est depuis longtemps très actif sur le continent en finançant notamment des infrastructures dans de nombreux pays. L’administration Biden a annoncé l’an dernier un plan sur dix ans afin d’encourager la stabilité et éviter les conflits au Bénin, Ghana, Guinée, Côte d’Ivoire et Togo, des pays côtiers qui sont dans le viseur des groupes djihadistes. Ce plan, encourageant notamment une réponse sociale, se démarque nettement de l’approche passée, plus centrée sur le tout-sécuritaire.

Le 2 avril 2023, à l’issue de sa tournée africaine d’une semaine qui l’a menée au Ghana, en Tanzanie et en Zambie, la vice-présidente américaine, Kamala Harris, a annoncé plus de 9 milliards de dollars de financement public-privé américain, dont une partie est destinée à soutenir l’Afrique face aux défis climatiques, tandis qu’une enveloppe de 100 millions de dollars sera allouée à la lutte contre l’extrémisme au Ghana, au Bénin, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Togo.  

En février 2020, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, avait effectué un périple en Afrique (Sénégal, Angola, Ethiopie).  A cette occasion, il a fustigé la politique chinoise sur le continent, mettant en garde contre les «promesses creuses» des régimes autoritaires et vantant le secteur privé américain comme une alternative. «Les pays devraient se méfier des régimes autoritaires aux promesses creuses. 

Ils engendrent la corruption et la dépendance», a-t-il déclaré dans un discours prononcé devant des diplomates et des chefs d’entreprise à la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba. «Ils courent le risque que la prospérité, la souveraineté et le progrès dont l’Afrique a tant besoin et qu’elle souhaite désespérément ne se réalisent pas», a-t-il prévenu, sans toutefois citer nommément la Chine, le premier partenaire commercial de l’Afrique. 

Le discours du chef de la diplomatie américaine à l’époque intervient  alors que Pékin a développé une présence massive sur le continent africain : pas moins de 60 milliards de dollars en nouveaux financements ont été promis lors du sommet Chine-Afrique de 2018.                                                        

 

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