Naples pris par la fièvre du scudetto : «On l’attend depuis si longtemps»...

31/01/2023 mis à jour: 01:35
AFP
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Napoli campione d’Italia!» Dans les bouillonnants quartiers espagnols, près de la fresque Maradona, comme devant le stade portant le nom de l’idole argentine, le rêve du scudetto grandit à Naples, entre «superstition» et désir de «revanche» sur le Nord plus riche. Encore une victoire, dimanche contre la Roma (2-1). Et encore trois pas de plus vers un premier titre de champion d’Italie depuis plus de trois décennies et les deux premiers offerts en 1987 et 1990 par Diego Maradona, dont le nom, le visage, la silhouette et l’incontournable N.10 sont partout à Naples. «On a 13 points d’avance sur le deuxième (l’Inter Milan, ndlr). Maintenant, on ne peut le perdre que par notre propre faute, tout est entre nos mains», affirme à l’AFP Mirko Brandini, 18 ans, venu de Toscane avec deux amis suivre cette victoire si «importante» arrachée aux Giallorossi. Tous trois, écharpes du Napoli au cou, ont traîné longtemps autour du stade rebaptisé fin 2020 du nom de Maradona, juste après la mort de l’idole, pour savourer l’euphorie baignant la ville. La fièvre a encore monté d’un cran depuis la spectaculaire victoire contre la Juventus (5-1), le 13 janvier, match clé aux yeux de nombreux tifosi. Mais n’allez pas leur dire que l’écusson vert-blanc-rouge de champion est déjà cousu sur la tunique du Napoli.

«Une toute autre histoire»

«Il ne faut jamais dire ça, on est superstitieux à Naples», prévient Esther, venue de la côte Amalfitaine toute proche, croisée dans les quartiers espagnols devant la fresque peinte en 1990 en l’honneur de «Diego». «Ça ne se dit pas, c’est match après match», confirme, non loin, Luca Improta, un trentenaire salarié dans une entreprise de jouets. Mais lui-même a du mal à ne pas se projeter : «J’ai connu la victoire de l’Italie au Mondial (en 2006), à l’Euro (en 2021), là c’est une toute autre histoire ! On l’attend depuis si longtemps...» «Ce serait aussi une revanche sur le Nord, d’un point de vue footballistique mais aussi social, culturel», ajoute-t-il «Pour nous, gagner est difficile, pour des raisons économiques, sociales, politiques, culturelles», renchérit un autre Napolitain, Pasquale Esposito. Cet enseignant retraité, 68 ans, a lui connu les heures glorieuses de l’époque Maradona et le «moment magique» du premier scudetto. «Je travaillais à Milan. J’étais allé à Turin, à San Siro, suivre des matches et j’avais eu le plaisir de voir jouer Maradona. Mais le plus beau, c’est quand je suis revenu à Naples. Sur une barrière de péage de l’autoroute, il était écrit ‘’Bienvenue dans la ville du scudetto’’ Pour moi, qui revenais, ça a été une émotion unique», décrit-il.

«Un sacré bazar»

Giuseppe Bruscolotti était lui sur le terrain, aux côtés de Maradona, quand Naples a conquis ce premier titre de champion. «Le jeu était différent, les joueurs étaient différents, aucun parallèle n’est possible avec l’équipe actuelle. Ce qui compte, c’est que chacun fasse sa propre histoire...», souligne l’ex-défenseur, âgé de 71 ans, joint au téléphone par l’AFP. «On fait partie de l’histoire, mais eux aussi, avec leurs buts, ils sont en train d’y entrer. Il ne reste que le titre pour y entrer définitivement», ajoute-t-il au sujet de l’équipe de Luciano Spalletti, estimant que «Naples sera champion : l’histoire dit qu’un club ayant fait autant de points lors de la phase aller a toujours gagné». Daniele Bellini, le speaker officiel du stade Maradona, est lui aussi sur un nuage dans un stade «chaud» à tous les matches. «Dans les années 80, j’avais cinq, six ans quand Maradona a gagné le premier scudetto, et huit ou neuf quand il a gagné le second... On vit un rêve, et on espère ne pas se réveiller avant juin !» lance-t-il. En cas de titre, le réveil sera explosif, à grands renforts de pétards, une spécialité locale, promettent Felice De Simone et Francesco Bovenzi, deux étudiants âgés de 18 ans interrogés devant un étal plein d’écharpes et de drapeaux bleu et ciel : «Si on gagne, ça va durer au moins un an... Il va y avoir un sacré bazar ici !»

Naples, ultra-favori pour le titre de champion d’Italie 2022-23 à mi-saison, attend depuis plus de 30 ans un   scudetto que le club n’a remporté que deux fois dans son histoire quasi-centenaire, en 1987 et 1990, quand y évoluait Diego Maradona, retour sur ces deux titres.           

1987, une «page d’histoire»

Le 10 mai 1987, Naples ramène pour la première fois le scudetto dans le   «Mezzogiorno» (Midi), le sud de l’Italie, grâce à un nul contre la Fiorentina   (1-1) lors de l’avant-dernière journée dans un stade San Paolo en délire.     Jusque là, «le titre n’avait echappé que trois fois aux traditionnels clubs   du nord pour recompenser la Sardaigne (Cagliari), et les clubs de la capitale,   la Roma et la Lazio», rappelle alors l’AFP, en soulignant que «le calcio a   tourné une page de son histoire» en sacrant ce Napoli né en 1926.     Objectif rempli pour le président Corrado Ferlaino qui s’était donné trois   ans pour y parvenir quand avait débarqué, en 1984, la star Diego Maradona. Le   tout avec une équipe bâtie par Ottavio Bianchi avec une rigoureuse base   défensive au service des arabesques de la pépite argentine, au sommet de son   art à 26 ans, un an après avoir soulevé la Coupe du monde.     «Un titre de champion à Naples en vaut dix de la Juventus», lance le N.10,   alors que Naples plonge dans des festivités restées dans les mémoires.           

1990, le bouquet final

En 1990, la passion entre Maradona et Naples flanche, blessée par la   tentative de départ l’été précédent de l’Argentin vers Marseille, après la   victoire napolitaine en Coupe de l’UEFA.      Mais avant de se perdre tout à fait, Maradona fait encore chavirer la ville   avec le deuxième scudetto acquis lors de la dernière journée en battant la   Lazio Rome (1-0).      La fête est encore belle, racontée par un journaliste de l’AFP: «Dans tous   les bas quartiers du centre, Fuorigrotta, Sanità, Spagnoli, jusqu aux quartiers   residentiels et luxueux de Posillipo et du Vomero, un seul mot d’ordre: +Il   Napoli Campione, e viva Napoli+» («Naples champion, vive Naples»). Mais les pétards ont cette fois l’allure d’un bouquet final pour le Napoli   de Maradona.

Quelques semaines plus tard, l’idole argentine sera hué dans ce même stade   San Paolo lors de la demi-finale du Mondiale-90 contre l’Italie. Nouveau coup   dur pour Maradona qui, entre excès en tous genres et frasques extra-sportives,   ne retrouvera plus son niveau et partira de Naples au printemps 1991 après un   contrôle positif à la cocaïne.      «Le joueur argentin a quitté Naples lundi soir en voiture a destination de   l’aérodrome de Rome-Fiumicino, où il compte s’embarquer dans la nuit à   destination de Buenos Aires», annonce ainsi l’AFP dans la nuit du 1er au 2   avril 1991 

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