Municipales en Turquie : Nouveau test de popularité pour Erdogan

01/04/2024 mis à jour: 07:56
AFP
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Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et Murat Kurum, candidat à la mairie de son parti AK (AKP) au pouvoir, saluent leurs partisans lors d’un rassemblement avant les élections locales à Istanbul, en Turquie, le 24 mars 2024Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et Murat Kurum, candidat à la mairie de son parti AK (AKP) au pouvoir, saluent leurs partisans lors d’un rassemblement avant les élections locales à Istanbul, en Turquie, le 24 mars 2024

Les Turcs ont commencé à voter dimanche pour choisir leurs maires, un scrutin d’abord vu par certains électeurs comme un vote pour ou contre le président Recep Tayyip Erdogan déterminé à reprendre son «joyau», Istanbul. 

Devant les bureaux de vote qui ont ouvert en deux temps, dans l’Est puis, une heure plus tard, dans le reste du pays, les électeurs se présentent sans enthousiasme excessif, ont constaté les correspondants de l’AFP. «Chacun s’inquiète de son quotidien, la crise engloutit les classes moyennes, on a dû changer toutes nos habitudes», soupire Guler Kaya, 43 ans, qui dit avoir renoncé à tout loisir. «Si Erdogan l’emporte, ce sera encore pire», prédit-elle. 

A Ankara, la capitale, Meliha Sonmez, qui s’apprête à voter pour le maire sortant d’opposition (CHP) Mansur Yavas, prévient : «Cette élection n’est pas que municipale. Si Erdogan perd ce scrutin, il sera affaibli, assure la retraitée sexagénaire qui a perdu 32 membres de sa famille à Hatay (sud), dans le séisme qui a dévasté la province en février 2023.» Car même si le chef de l’Etat n’est pas candidat à ces élections locales, son ombre plane sur les urnes. A 70 ans, dont 21 au pouvoir, M. Erdogan a jeté toute sa stature d’homme d’Etat dans la campagne, labourant son pays de 85 millions d’habitants aux côtés des candidats de son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur).
 

Bataille d’Istanbul

Il s’est particulièrement investi dans la bataille d’Istanbul, dont il fut maire dans les années 90 avant de conquérir le pouvoir, pour soutenir son candidat, un ancien ministre peu charismatique, Murat Kurum.  Il s’agit de reprendre la plus riche ville du pays au maire sortant (CHP, social-démocrate) Ekrem Imamoglu, qui la lui avait ravie en 2019, lui infligeant son pire revers électoral  : après annulation de son élection, M. Imamoglu avait été triomphalement réélu trois mois plus tard. Les sondages créditent M. Imamoglu d’une courte tête.  Le chef de l’Etat et le maire devaient voter à la mi-journée, dans deux arrondissements de la mégapole. S’il est reconduit, l’ambitieux Ekrem Imamoglu, que le chef de l’Etat dépeint en «maire à temps partiel» obsédé par la présidence marquera des points pour la présidentielle de 2028. «Istanbul a été abandonnée à son sort ces cinq dernières années. Nous aspirons à la sauver du désastre», a dénoncé M. Erdogan.   Pour les observateurs, le niveau de la participation, traditionnellement élevé, jouera un rôle déterminant, notamment à Istanbul si les électeurs se déplacent en moindre nombre pour soutenir M. Imamoglu. 

Les premières données officielles seront disponibles à la mi-journée. Dans la matinée, des affrontements en marge du vote dans la province à majorité kurde de Diyarbakir (sud-est) ont fait un mort et douze blessés, selon un responsable local à l’AFP. Contrairement aux municipales de 2019, l’opposition part cette fois en ordre dispersé : le CHP, son principal parti, n’a pas réussi à obtenir le  soutien des autres formations, que ce soit à Istanbul en faveur de M. Imamoglu, ou ailleurs dans le pays. Le parti pro-kurde DEM, en particulier, part en cavalier seul au risque de favoriser le parti au pouvoir, lui-même menacé par endroits par la poussée du parti islamiste Yeniden Refah.
Le CHP veut pourtant croire en ses chances. «Nous allons remporter une grande victoire demain, qui ne sera la défaite de personne», a assuré samedi le président du parti, Ozgür Ozel, déambulant dans Izmir, ville de l’ouest du pays qui devrait rester acquise à l’opposition, tout comme Ankara.

  «A la fin, c’est la Turquie qui gagnera», a-t-il martelé. Dans un pays confronté à 67% d’inflation officielle sur douze mois et au dévissage de sa monnaie (passée de 19 à 31 livres pour un dollar en un an), l’opposition peut espérer que les électeurs donnent  un avertissement au gouvernement. 

«Si Imamoglu parvient à se maintenir, il aura gagné sa bataille au sein de l’opposition pour s’imposer» comme chef de file pour la prochaine présidentielle, note Bayram Balci, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri)-Sciences Po à Paris. 

Mais à l’inverse, «s’il arrive à regagner Istanbul et Ankara, Erdogan y verra un encouragement à modifier la Constitution pour se représenter en 2028» et briguer un quatrième mandat, relève-t-il. Les bureaux fermeront à 17h (14h GMT) dans l’ouest et les premiers résultats significatifs sont attendus en fin de journée.AFP 

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