Mort de Francois Geze : Un éditeur ambivalent

31/08/2023 mis à jour: 12:00
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L’éditeur François Gèze - Photo : D. R.

Si l’Algérie retiendra de François Gèze ses positions abusives lors de la décennie noire, il aura été à la Découverte, un éditeur soucieux de mieux comprendre la soif d’émancipation dans le monde d’aujourd’hui.

L’éditeur François Gèze est décédé le 28 août à l’âge de 75 ans. Il ne laissera pas que de bons souvenir en Algérie, en raison surtout de son implication dans les années 1990 jusqu’au début des années 2000 à la triste propagande médiatique autour du «quituequi» orchestrée par certains médias français, alors que la violence du terrorisme islamiste ravageait la société qui en porte encore des séquelles.

En mettant en avant la notion de «violations des droits humains» qui seraient non respectés, il intervient dans plusieurs émissions de radio ou de télévision ou écrit de nombreux articles dans lesquels il s’engage dans une manipulation des faits sur la réalité et entache l’armée algérienne dans son combat contre les maquis du GIA.

En 2001, il publie aux éditions La Découverte le livre La Sale Guerre, de Habib Souaïdia, un ancien officier de l’ANP en exil. Près de 30 ans après, cet aspect d’un homme ambivalent restera comme un marqueur négatif d’un éditeur qui a beaucoup fait pour faire connaître la réalité de la colonisation française en Afrique, Asie et bien sûr en Algérie, ainsi que la domination impérialiste et les combats émancipateurs.

En 1982, il reprend les éditions Maspero, une maison fondée en 1959 ; qui a soutenu la lutte de Libération nationale algérienne avec constance en publiant plusieurs livres dont Les damnés de la terre, de Fanon en 1961. François Maspero lui cède la maison et Gèze la rebaptise La Découverte, mais garde la même ligne, jusqu’à conserver le logo, ce colporteur qui brandit le journal. Il en restera le principal animateur jusqu’en 2014.

La découverte : Au cœur des enjeux planétaires

Tous les sujets de contestation de l’ordre mondial y sont publiés : écologie, histoire du colonialisme, esclavage,  féminisme mouvements sociaux et révolutionnaires de par le monde, etc. Avec toujours des auteurs de haut niveau qui maîtrisent leurs sujets. Dans les colonnes d’El Watan nous avons chroniqué ces dernières années nombre d’ouvrages de cette maison essentielle pour comprendre le monde actuel dans lequel nous vivons et les enjeux cruciaux face auxquels l’humanité en souffrance lutte. Et la maison d’édition a toujours répondu avec efficacité à nos sollicitations.

François Gèze était un ancien ingénieur des mines, fils d’officier et ancien élève du prytanée militaire de La Flèche. Le journal La Croix le cite. «Je ne connaissais rien au métier d’éditeur», avait-il confié à Libération en 2015 dans un hommage : François Maspero, rencontré à la fin des années 1970, avec lequel, encore galvanisé par l’enthousiasme de Mai 68, il partageait alors un engagement contre l’impérialisme et pour la libération du «Tiers-Monde», notamment en Amérique latine. Ancien membre du PSU (Parti socialiste unifié), il est engagé très jeune dans des actions de solidarité internationale avec l’Amérique latine - d’abord le Chili de Pinochet (1973), puis à l’Argentine, où il séjourne entre 1973 et 1975 et pour laquelle il crée en France un Comité de soutien aux luttes du peuple argentin (CSPLA),  rappelle France Info.

Le 6 octobre prochain, son essai intitulé La double nature du livre - Quatre décennies de mutations dans la «chaîne du livre» sortira en librairies. Il réunit certaines de ses chroniques publiées lors de ses années d’éditeur. Peut-être y parlera-t-il de son erreur de jugement quant au terrorisme islamiste des années 90 en Algérie ?

 

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