Migrants : Dans un parking parisien, la survie à l’abri des regards

09/03/2023 mis à jour: 06:15
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Des tentes de migrants dans un parking transformé par l'association Utopia 56 en abri provisoire, près de l'Arc de Triomphe à Paris, le 1er mars 2023

Son bébé pourrait bien naître et grandir là, au milieu des tentes, et c’est sa plus grande hantise. L’Ivoirienne Ange, enceinte de huit mois, fait partie des exilés à qui «on interdit même la rue». Elle dort donc cachée dans un parking parisien, transformé en campement. Tous les soirs depuis quelques semaines, Ange, qui a refusé de donner son nom pour «ne pas inquiéter la famille», s’engouffre dans le parking à deux pas de l’Arc de Triomphe, monte péniblement la rampe circulaire réservée aux voitures et prend place dans l’une des quarante tentes de la plateforme, où vivotent environ 70 migrants à l’abri des regards. Une kitchenette improvisée, deux toilettes, quelques prises électriques, un emplacement de voiture qui sert de débarras à des valises, pour certaines montées sur des chariots à roulette. Surtout, une température supportable, alors qu’elle est négative à l’extérieur, en ce 1er mars. «C’est mieux que d’être dehors», résume la jeune femme de 29 ans, qui a «toujours été à la rue» depuis son arrivée en France en décembre. «Etre hébergée, c’est mon plus grand souhait. Mais quand j’appelle le 115 (le numéro d’urgence dédié aux sans-abri, Ndlr), on me dit que c’est plein.» La veille encore, pour sa grossesse, elle s’est rendue à l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière. «Mais le médecin ne peut rien faire. Tout ce que je souhaite c’est que ma fille ne dorme pas dehors», dit-elle, assise dans sa tente. Le lieu, mis à disposition de l’association Utopia 56 par un particulier, est aussi insolite que symptomatique de la «volonté politique d’‘invisibiliser’ les personnes exilées», estime Nikolaï Posner, un responsable de l’organisation. «Ce n’est pas un hôtel 4 étoiles, c’est un lieu de transition, qui permet d’offrir un peu de dignité à ces personnes (...) pour qu’elles puissent se reposer et se concentrer sur leur reconstruction», justifie-t-il. Utopia 56 estime qu’un «harcèlement policier est mis en place pour que les personnes ne s’installent pas sur l’espace public». «Aujourd’hui on leur interdit même d’être à la rue», dénonce-t-il. L’association estime à «des milliers» le nombre d’exilés cachés dans des squats ou des lieux comme ce parking, depuis les démantèlements des campements dans le nord-est parisien, synchrone de la volonté des autorités de ne plus laisser s’installer d’autres «points de fixation», depuis 2020. Résultat : «Nous recensons 400 migrants à la rue en ce moment sur la région parisienne, alors que les arrivées restent significatives. On est conscients que c’est très sous-estimé», convient Delphine Rouilleault, directrice de France terre d’asile, dont les comptages font référence pour les autorités. Une volonté de «disperser» qui s’accompagne d’une autre «réalité», abonde Pascal Brice, le patron de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe les principales organisations d’aide aux sans-abri: «On a des hôtels qui mettent fin à leur conventionnement d’hébergement d’urgence et qui remettent des personnes à la rue afin d’accueillir les visiteurs pour les Jeux olympiques». «Construire un meilleur accueil passe par une meilleure répartition sur le territoire», défend le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) Didier Leschi, assurant que «75% des demandeurs d’asile sont mis à l’abri», dont 1800 personnes «orientées en région chaque mois». Reste que des centaines de personnes demeurent sans solution, comme Khadija Koné, maman Ivoirienne de 26 ans. Tous les soirs depuis deux mois, le même rituel: errer dans les rues le jour, jusqu’à ce que le portail du parking s’ouvre vers 20 heures. «La rue, c’est très dur», bafouille-t-elle, dans la tente qu’elle partage avec sa fille de 3 ans. Son t-shirt bleu, son pantalon kaki, son gilet, c’est «tout ce qu’(elle) possède», après avoir fui les «maltraitances» en Libye et en Tunisie. Sima Hamala, un primo-arrivant malien de 27 ans, trouve que le lieu, aussi sommaire soit-il, offre «l’essentiel: être à l’abri, pouvoir se reposer, avoir un café chaud».

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