Le peuple Purepecha entreprend une randonnée de trois jours à travers les montagnes et les forêts de l’Etat de Michoacan, dans l’ouest du Mexique
Je ne me fatigue pas», souffle CatellanaNambo, 80 ans, au terme d’une procession de prèsde 100 km pour le nouvel an du peuple indigène Purepecha, lors d’un rituel du feu à travers les montagnes verdoyantes dans l’Ouest du Mexique. A l’orée du village d’Ocumicho au crépuscule, deux colonnes de femmes en robes traditionnelles ouvrent la marche. Tournant sur elles-mêmes au son de la fanfare, elles avancent parmi des volutes de fumée qui donnent à cette procession du feu une touche onirique.
Chaque année depuis 1983, les communautés du peuple indigène Purepecha transportent pendant trois jours leur feu de village en village dans le Michoacan, grand producteur d’avocats, menacé comme tant d’autres par la violence de la délinquance organisée. Moment de célébration d’une culture menacée, la cérémonie permet aussi à la communauté de revendiquer la défense de ses ressources naturelles comme ses forêts, menacées par l’extension des cultures d’avocats. La tradition du «Fuego Nuevo» (feu nouveau) célèbre le début de l’année le 1er février selon la variante locale du calendrier mésoaméricain.
La procession aux flambeaux avait été oubliée pendant longtemps avant d’être ravivée par le peuple Purepecha lui-même, aidé d’historiens et d’anthropologues. «Lorsque les Espagnols sont arrivés, ils nous ont enlevé notre façon de nous habiller, notre façon de parler, mais nous essayons de retrouver les coutumes de nos ancêtres», explique CatellanaNambo, agricultrice à 80 ans. «Nous intégrons de plus en plus de jeunes, (...) les enfants parlent maintenant bien le Purepecha, et nous sommes fiers d’être des Purepechas», ajoute-t-elle. Tous les âges sont bien représentés dans la multitude colorée qui s’éparpille sur la place du village à son arrivée.
Des jeunes femmes aux cheveux tressés esquissent des pas de danse avec les membres des forces d’auto-défense en treillis, que l’on devine très jeunes malgré les visages couverts et les fusils en bandoulière. «La lutte que nous menons concerne la défense de nos forêts, qui sont en train d’être abattues», soutient Javier de la Luz, agriculteur de 66 ans de la communauté Purepecha. «D’une certaine manière, cette fête donne aux communautés le pouvoir de défendre leurs ressources naturelles».
A la nuit tombée, les villageois enflamment des torches et dansent autour du feu, qui restera allumé un an jusqu’à son voyage vers un autre village. «Les gens associent nos coutumes à des choses du passé, qui sont obsolètes, mais je pense vraiment que c’est ce dont le monde a besoin : prendre du recul et se rendre compte que nous avançons très vite», déclare Lucia Gutierrez, 41 ans.
L’étudiante sage-femme, qui vit entre le Michoacan et les Etats-Unis où habite son mari, est heureuse que ses enfants puissent eux aussi apprendre de cette culture, comme un contre-discours à celui du monde moderne. «Nous oublions ce qui importe vraiment», ajoute-t-elle. «La nature, et ces célébrations».