Météo : Pourquoi la plupart des orages tropicaux sont-ils radioactifs ?

16/10/2024 mis à jour: 07:33
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Vue d'artiste des rayonnements gamma émis lors des tempêtes tropicales.

Les nuages sont les berceaux de puissants phénomènes, dont les éclairs, et dans certaines conditions même, de la radioactivité. «On sait depuis 30 ans que les orages peuvent produire des flashs de rayons gamma», rappelle Steve Cummer, ingénieur de la Duke University. Mais les satellites de la Nasa, qui ont révélé ces sursauts de radioactivité, ne permettent pas leur suivi précis. 

C’est un avion espion modernisé, appartenant lui aussi à la Nasa, qui a rendu possible l’étude minutieuse de ces rayonnements. L’équipe de Steve Cummer a eu l’occasion d’utiliser ce laboratoire volant à plusieurs reprises pour survoler les nuages de grandes tempêtes tropicales. Leur objectif ? Trancher sur la fréquence de ce phénomène. Leurs résultats sont sans équivoque : ces rayonnements gamma sont la règle, pas l’exception, au sein des tempêtes tropicales. Sur 9 des 10 vols de l’avion ER-2, les chercheurs ont rendu compte de bouillonnements de radiations gamma dans les nuages. «Il s’avère que pratiquement tous les gros orages génèrent des rayons gamma tout au long de la journée sous des formes différentes.»  Leurs travaux ont abouti à deux études, publiées dans la prestigieuse revue Nature. 


Les satellites de la Nasa se détournent des rayonnements gamma terrestres

La perception de rayonnements gamma d’origine terrestre n’est pas une découverte récente. Dès les années 1990, des satellites de la Nasa, conçus pour détecter les particules de haute énergie qui arrivent de l’espace, signalent des émissions de rayonnement gamma provenant d’ici même, sur Terre. Rapidement, les chercheurs attribuent cette radioactivité aux orages. Mais impossible de déterminer la fréquence de ces émissions. En cause : les satellites de la Nasa eux-mêmes. «Ces engins ne sont pas conçus pour voir les rayons gamma terrestres, mais pour détecter ceux qui proviennent des profondeurs de l'espace. 

Pour détecter les rayons gamma terrestres, ils doivent donc se trouver au bon endroit et au bon moment, directement dans la ligne d'émission des rayons gamma», précise Steve Cummer, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. De plus, les satellites se trouvent à plus de 500 km des orages. Dans l’éventualité où leur orientation aurait coïncidé avec une tempête tropicale, encore fallait-il que l’émission soit assez puissante pour que les appareils la détectent. «En nous approchant beaucoup plus près avec l'avion ER-2, nous avons découvert qu'il y en avait beaucoup plus !», s’enthousiasme le chercheur. 


Un avion espion modernisé pour contribuer à des travaux scientifiquesEn effet, les scientifiques ont pu survoler de près les nuages de grandes tempêtes tropicales grâce à la mise à disposition d’un avion espion U2 modernisé, appartenant à la Nasa. «Ces avions étaient des avions espions pendant la guerre froide et sont capables de voler très haut - deux fois plus haut que les avions de ligne - et très vite», précise le scientifique.


A 20 kilomètres d’altitude, l’appareil a côtoyé les sommets des nuages, au plus près de la source des rayonnements gamma. «C’est la plateforme d’observation idéale pour les rayons gamma émis par les nuages», s’exclame Nikolai Østgaard, co-auteur des études. Mais d’où proviennent ces radiations ? 


Comment ces rayons gamma sont-ils créés ?

La physique qui sous-tend l’émission des rayonnements gamma au sein des nuages est connue des chercheurs. A mesure que l’orage se développe, des courants entraînent eau et glace dans un tourbillon qui crée une charge électrique, un peu comme l’on frottait un ballon sur sa chemise. Les particules chargées s’accumulent aux extrémités du nuage : les charges positives au sommet, et négatives à la base.Le champ électrique qui en résulte peut-être aussi puissant que 100 millions de piles AA empilées bout à bout. 
Là, les particules chargées telles que les électrons accélèrent, leur vitesse avoisine alors parfois celle de la lumière. Lorsqu’elles entrent en collision avec une molécule d’air, elles créent alors un rayonnement gamma. Ce champ électrique est aussi à l’origine des éclairs. L’air isole les charges positives des charges négatives jusqu’à ce que l’énergie accumulée ne soit trop forte : se produit alors l’éclair.


Les nuages orageux, des marmites bouillonnantes de radiations gamma--

«De manière générale, il existe deux catégories de rayons gamma : les «lueurs» lentes et relativement régulières et les éclairs rapides qui peuvent se présenter sous plusieurs formes», indique Steve Cummer. Jusqu’à présent, les lueurs étaient perçues comme des rayonnements quasi-stationnaires, mais les nouveaux travaux de ces chercheurs américains relatent plutôt d’un phénomène «semblable à une énorme marmite bouillonnante de lueurs gamma». Ces émissions agiraient comme la vapeur d’eau, qui s’échappe d’une casserole et limite la quantité d’énergie qui peut être accumulée à l’intérieur, d’après les scientifiques. D’autres rayonnements, plus intenses, coïncident avec les observations des satellites de la Nasa, et se produisent conjointement à une décharge de foudre. «Cela suggère que le champ électrique important créé par la foudre suralimente probablement les électrons déjà à haute énergie, leur permettant de créer des réactions nucléaires à haute énergie», ajoutent les chercheurs. 

Ces études ont également permis de découvrir deux nouveaux types de rayonnement gamma. L'un est incroyablement court, moins d'un millième de seconde, tandis que l'autre est une séquence d'environ 10 sursauts individuels qui se répètent sur une période d'environ un dixième de seconde. Ils apparaissent spontanément et ne sont pas associés à l’apparition d’éclairs. «Enfin, si quelqu'un s'inquiète de se transformer en Hulk à cause de toutes ces radiations gamma, ajoute Steve Cummer, il ne devrait pas s'inquiéter. 

 La quantité de radiation produite ne serait dangereuse que si une personne ou un objet se trouvait tout près de la source d'origine», rassure-t-il. Ses prochains travaux devraient à présent porter sur le lien entre les éclairs et ces rayonnements gamma. 

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