Quelle est la place du juriste aujourd’hui en Algérie ?
Tous les juristes avertis le confirment. Le juriste dans notre pays est considéré comme un pompier qui n’intervient que dans les cas de contentieux. Cela vient d’une petite déformation de l’information, où par souci d’économie au démarrage de l’entreprise, on préfère ne pas avoir affaire à un juriste. Ceci est une fausse information étant donné que le contentieux coûte bien plus cher. On se contente souvent de reprendre des modèles de contrats et avoir affaire au copié-collé qu’à un vrai juriste qui se chargera de créer des contrat personnalisé selon l’activité de l’entreprise. C’est une question de mentalité qui doit absolument changer.
La tendance cette année est pour la spécialisation juridique, et c’est une très bonne chose. C’est la nouvelle orientation du ministère de la Justice qui œuvre à la spécialisation des juges. Ces magistrats seront plus efficaces étant donné qu’ils seront mieux orientés à travers une spécialisation dans des domaines différents, dont le Legal business. C’est une garantie que la justice sera rendue.
Vous avez évoqué l’évolution du cadre juridique et la complexité du métier de juriste, qu’en est-il du recours à l’arbitrage juridique?
L’arbitrage juridique est un mode alternatif qui peut paraître un moyen efficace de règlement des contentieux. Les raisons sont très simples : les parties choisissent leurs propres arbitres qui pensent être les mieux placés pour résoudre leur litige juridique de plusieurs centaines de milliards. Toutefois, je suis très gêné de le dire, cet arbitrage est un gage de correction et d’honnêteté. Les parties sont presque sûres que la sentence sera donnée «convenablement», pour ne pas dire autre chose. Les entreprises ont peur de l’arbitrage traditionnel et de la justice officielle. C’est vrai que cela reste rare, mais ça existe. Ce qui peut jouer en défaveur de l’arbitrage, c’est son coût très élevé et sa lenteur, qui peut prendre plusieurs mois, voire des années.
Qu’en est-il de la formation en droit ?
Avant de parler de formation, il est important d’aborder la place de l’avocat, qui est le parent pauvre de la structure juridique. Sous d’autres cieux, il joue un rôle prépondérant dans la vie d’une entreprise, notamment qu’il est le premier à être sollicité dans la création d’un business. Je le répète, nous avons très peu de cabinets de conseils.
Maintenant au niveau de la formation, j’étais catastrophé en examinant des copies de postulants pour la profession d’avocat. Je ne m’étais jamais imaginé me retrouver face à des profils catastrophiques et que le niveau soit si faible. Cela remet en question la formation universitaire et post-université.
Pensez-vous que cette faiblesse dans la formation est un facteur d’instabilité juridique ?
Bien évidemment. Je suis persuadé que l’instabilité juridique dépend de la faiblesse de la formation d’avocat. Cela mène directement à la déstabilisation économique du pays. Nous avons une école de magistrats mais aucune école d’avocat. On nous a donné récemment le droit d’avoir une petite école pour avocat. Mais elle est située au Sud, loin de toute juridiction. Chose que nous refusons totalement. Moi, en tant que bâtonnier, j’ai refusé que les avocats qui vont être inscrits au niveau de notre barreau rejoignent cette école. Dans ce métier, nous n’avons pas le droit de faire semblant de former.