On ne s’explique pas comment une wilaya réputée agricole et particulièrement productrice de maraîchages, d’agrumes et de viandes, n’arrive pas à répondre à la demande de sa population.
Dix marchés de solidarité ont été ouverts dans les sept daïras d’El Tarf. En préparation depuis la fin de mars, trois de ces «aswak errahma» (marchés de la miséricorde) ont été inaugurés le 31 mars, celui de Bouteldja, d’El Tarf et d’El Kala.
Ce jour-là, les autorités ont fait en sorte que les apparences soient sauves. Il y a eu, en effet, des commerçants qui ont joué le jeu et pour la foule on a annoncé une distribution de semoule et d’huile de table.
Au terme de la première semaine du mois de jeûne, ces espaces offerts sans contrepartie aux commerçants toutes catégories confondues, avec ou sans registre de commerce, fixes et ambulants, pour qu’ils y appliquent des prix abordables et contrer la hausse vertigineuse qui, comme de coutume, touche les produits alimentaires, le constat est amer.
«Il y a le souk mais pas la rahma», peut-on lire sur les réseaux sociaux, particulièrement sur ceux de la page de la direction du commerce et de la promotion des exportations d’El Tarf, où visiblement, de nombreux commentaires, certainement pas très élogieux, ont été supprimés. En effet, peu de commerçants ont joué le jeu.
Les stands, les chapiteaux, les carreaux préparés ou encore plus sommairement de simples espaces sont restés vides. Quelques marchands de fruits et légumes, des étals d’épicerie qui proposent des produits alimentaires sans la semoule, sans l’huile et sans rabais, des petits vendeurs de diouls et de galette et de la viande en plein air.
Voilà le décor dans les souks où nous avons constaté une relative affluence, comme ceux d’El Kala, d’El Tarf, de Bouteldja et de Ben Mhidi. Les témoignages que nous avons réunis pour les autres communes nous parlent de désertion complète et de vide total. Pas même ces camionnettes ambulantes qui ont la réputation de vendre moins cher. La vente directe du producteur au consommateur est tolérée, mais les agriculteurs ne se bousculent pas, ils ont mieux à faire.
Des produits de moindre qualité
Avant tout, rappelons que ces «aswak errahma» ne sont pas une nouveauté et que l’expérience a prouvé qu’ils n’ont pas contribué efficacement à soutenir le pouvoir d’achat des ménages en érosion constante. Pour les consommateurs, ce sont les mêmes prix que partout ailleurs, sinon les produits sont de moindre qualité et pas très frais.
Pour certains, le seul avantage qu’ils pourraient éventuellement offrir est de trouver ce qu’on cherche en un seul lieu et éventuellement d’arracher un sac de semoule ou un bidon d’huile lors des arrivages.
Les commerçants ne le cachent pas. Ils n’ont rien à gagner en s’installant sur le souk au risque de perdre leurs clients habituels et celui de ne pas pouvoir payer l’employé qu’il faudra forcément recruter.
Ils craignent encore de devenir les cibles de la chasse aux sorcières lancée contre les spéculateurs, car une armée de contrôleurs est sensée surveiller de près les marchés de la miséricorde. Selon les chiffres de la direction du commerce et de la promotion des exportations, 54 inspecteurs ont été mobilisés à cet effet.
On a donc parfaitement compris que ces souks ne sont utiles ni pour les commerçants ni pour les consommateurs que c’est en fait une réponse routinière totalement inefficace contre la hausse des prix.
Par contre, on ne s’explique pas comment une wilaya comme El Tarf réputée agricole et particulièrement productrice de maraichages, d’agrumes et de viande n’arrive pas à répondre à la demande en produits agricoles. Si, on sait pertinemment que les filières sont entre les mains de spéculateurs et d’affairistes de l’informel contre lesquels l’État a montré qu’il ne peut plus rien.