« (…) Le dialogue inter-Maliens recommande (de ...) proroger la durée de la transition de deux à cinq ans» et de «susciter la candidature du colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle», a déclaré le rapporteur du comité de pilotage des consultations, Boubacar Sow.
Les soutiens de la junte à la tête du Mali ont ouvert vendredi la voie à plusieurs années supplémentaires de régime militaire et à une candidature du chef de cette junte à une future Présidentielle, rapporte l’AFP. Des centaines de participants à des consultations nationales censées proposer des solutions à la profonde crise sécuritaire et politique traversée depuis des années par le Mali ont adopté des «recommandations» en ce sens à Bamako.
L’application de ces préconisations ne fait guère de doute de la part des militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 et ont conforté par un second putsch en 2021 leur emprise sur ce pays confronté au jihadisme et aux agissements d’une multitude de groupes armés. «J’engage les organes de la transition à prendre les dispositions qui s’imposent pour la mise en oeuvre diligente» de ces propositions, a déclaré le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, à la clôture d’une semaine de ce «dialogue inter-Maliens» retransmise par la télévision d’Etat. Le «dialogue» a été boycotté par une grande partie de ce qui reste de l’opposition.
«Au titre des questions politiques et institutionnelles, le dialogue inter-Maliens recommande (de ...) proroger la durée de la transition de deux à cinq ans» et de «susciter la candidature du colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle», a déclaré le rapporteur du comité de pilotage des consultations, Boubacar Sow. Ces propos ambigus peuvent suggérer un maintien au pouvoir des colonels pendant au minimum deux années et au maximum cinq années de plus, ou bien pendant trois années supplémentaires à partir de fin mars 2024 et donc jusqu’en 2027.
Les militaires se sont engagés en 2022 à rendre le pouvoir aux civils en mars 2024 après des élections, à l’issue de deux années d’une période dite de «transition ». Ils ont manqué à cet engagement pris à l’époque sous la pression de la Communauté des Etats ouest-africains et de sanctions rigoureuses de la part de cette organisation. Le non-respect de cette échéance n’a surpris personne. Les militaires ont certes fait adopter en 2023 par référendum une nouvelle Constitution, mais ont accompli très peu de progrès concrets sur la voie d’élections.
«Dialogue» avec les djihadistes
Le Premier ministre nommé par les militaires, Choguel Kokalla Maïga, a déclaré en avril que des élections n’auraient lieu que quand le pays serait définitivement stabilisé.Les colonels ont depuis 2020 multiplié les actes de rupture, dont celle avec l’ancienne puissance coloniale française, et se sont tournés vers la Russie. Les voisins du Burkina Faso et du Niger, confrontés à des problématiques similaires à celles du Mali, ont à leur tour vu les militaires renverser les gouvernements en place, pousser dehors la France et se tourner vers la Russie.
Les trois pays ont annoncé leur sortie de la Communauté des Etats ouest-africains (Cedeao) et la création d’une Alliance des Etats du Sahel. Les colonels maliens dirigent le pays sans partage. Ils ont suspendu les activités des partis en avril en leur reprochant leurs critiques contre le non-respect de leurs engagements et contre le «dialogue». Le soutien à une candidature du colonel Goïta à une future présidentielle est considéré comme très probable. Les participants ont aussi recommandé d’élever au grade de général le colonel Goïta ainsi que cinq membres éminents de la junte.
Ils ont préconisé de durcir les conditions de création des partis, de réduire leur nombre et de leur couper tout financement public. Ils ont demandé la dissolution des nombreux groupes d’autodéfense et milices. Le dialogue a par ailleurs préconisé d’ «ouvrir le dialogue doctrinal avec les groupes armés dits jihadistes et mettre à contribution les érudits maliens pour définir le corpus doctrinal des débats à mener avec ces groupes », a déclaré B. Sow.
Le Mali est ensanglanté par les agissements des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique qui se sont propagés à ses voisins. Il est aussi livré aux violences intercommunautaires et criminelles. Les défenseurs des droits humains dénoncent régulièrement les exactions commises contre les civils par les forces régulières et, depuis 2022, leurs alliés de la société de sécurité russe Wagner. Les autorités démentent. Les groupes indépendantistes du nord ont repris les hostilités contre l’Etat central en 2023. La question d’un dialogue avec les jihadistes fait débat depuis des années.