Malgré une nourriture suffisante : Ces orques meurent mystérieusement de faim

01/12/2024 mis à jour: 03:34
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La population des orques résidentes du Sud stagne depuis plus de 50 ans

C’est une découverte surprenante que viennent de révéler des scientifiques dans une nouvelle étude publiée dans PLOS ONE : selon eux, les affirmations indiquant que les orques résidentes du Sud, menacées d’extinction, se mourraient à cause du manque d’accès aux saumons, sont tout simplement fausses.

 Ce qui engendre une autre question : pourquoi ces orques meurent-elles de faim les unes après les autres depuis des années ? Peut-être avez-vous déjà entendu parler des orques résidentes du Sud ? En 2018, les images de l’une d’entre elles, Tahlequah (aussi appelée J35), avaient fait le tour du monde. 

Cette femelle avait refusé d’abandonner son bébé mort, le poussant et le maintenant à la surface pendant 17 jours, sur près de 1600 km, le long des côtes du nord des États-Unis et du Canada.Les orques résidentes du Sud sont particulièrement étudiées par les scientifiques. Il s’agit en effet de la plus petite des quatre communautés résidentes d’orques dans le Nord-Ouest Pacifique. 

Divisées en trois pods (groupes familiaux chez les orques), elles passent leurs étés et leurs automnes au large de l’île de Vancouver, dans la mer des Salish.Il s’agit également de la seule population d’épaulards classée comme espèce menacée par l’United States Fish and Wildlife Service, ce qui lui vaut une protection en vertu de l’Endangered Species Act. 

Il faut dire que leur population stagne depuis plus de 50 ans, après que 45 de ses membres ont été tués ou capturés pour atterrir dans des parcs aquatiques. Leur population totale a culminé à 98 individus dans les dernières décennies, avant de chuter inlassablement, tombant à 73 orques à la fin 2021. Cette année encore, les naissances se sont faites rares : avant septembre, un unique bébé avait été observé, pour mourir de faim quelques mois plus tard, au printemps. Le mois dernier, un nouveau petit avait été vu, nageant aux côtés de sa mère. Mais celui-ci a ensuite été observé mi-octobre en mauvaise santé, très faible et squelettique, poussé et maintenu à la surface par d’autres membres de sa famille. Les scientifiques ne savent pas s’il est toujours en vie.


Des saumons pourtant bien présents

Afin de mieux comprendre les difficultés rencontrées par cette population, Burak Saygili et Andrew Trites, deux scientifiques spécialistes des mammifères marins de l’Université de la Colombie-Britannique, ont consulté des pêcheurs sportifs et des équipes d’observation des baleines pour en savoir plus sur l’accès des orques au saumon royal, leur source principale de nourriture. Si des scientifiques suggéraient que le problème venait du manque d’accès au saumon, il n’en serait finalement rien. 

Les pêcheurs sportifs et les équipes d’observation des baleines ont en effet affirmé à Burak Saygili et Andrew Trites avoir régulièrement vu des orques résidentes du Sud nager au milieu desdits poissons. «Cela nous a vraiment surpris. Vous examinez très attentivement vos données, car vous êtes sûr d’avoir commis des erreurs quelque part. Vous vérifiez tout trois fois, puis vous enchaînez avec un examen par vos pairs, et vous obtenez toujours les mêmes chiffres», a déclaré au Guardian Andrew Trites, co-auteur du rapport et directeur de l’unité de recherche sur les mammifères marins de l’université.


Différentes causes possibles

Selon les chercheurs, cela pourrait indiquer que, même si les orques trouvent les saumons, elles ont en revanche du mal à les attraper. Parmi les hypothèses émises pour expliquer cette difficulté : le bruit émis par les bateaux. Car, comme ils le notent, la zone dans laquelle vivent ces cétacés connaît un trafic maritime bien plus important que les régions plus au nord, où les orques résidentes du nord prospèrent. L’étude souligne : «Le bruit du trafic maritime peut masquer la communication entre les orques et interférer avec leur capacité à chasser. 

La présence de gros navires peut également entraver leurs efforts de recherche de nourriture. Les épaulards sont plus susceptibles de rencontrer un plus grand nombre de navires dans la mer des Salish que dans les eaux du nord de l’île de Vancouver, ce qui pourrait signifier que le saumon est moins accessible aux résidents du sud qu’à ceux du nord, malgré une plus grande abondance.» Une autre explication serait leur difficulté à se nourrir lors des périodes où elles ne sont pas dans la mer des Salish, en hiver et au printemps. «Si vous demandiez son avis à quelqu’un avant la publication de nos résultats, c’était évident : il n’y avait tout simplement pas assez de poisson pour les orques du sud, a raconté Andrew Trites. Mais il semble que l’accès à la nourriture dans la mer des Salish, où nous avons mis en place toutes ces protections et restrictions, ne soit pas vraiment le problème. Lorsque vous pensez à la nourriture des épaulards résidents du sud, vous devez penser à la nourriture tous les jours de l’année, pas seulement lorsqu’ils sont dans la mer des Salish en été et en automne. Qu’en est-il de l’alimentation en hiver et au printemps ? C’est là que pourrait être le goulot d’étranglement. Nous passons donc peut-être tellement de temps à nous concentrer sur notre propre jardin que nous ne réfléchissons pas à ce qui se passe lorsqu’ils ne sont pas dans notre jardin.»


L’énigme se poursuit

Le mystère entourant la mortalité de ces orques s’épaissit d’autant plus, lorsqu’on regarde la situation des autres mammifères marins de la région, qui, eux, prospèrent. «Quand on étudie les mammifères marins de la mer des Salish, les seuls qui sont en difficulté sont les résidents du Sud, a détaillé Andrew Trites. Les eaux riches en nutriments des Salish abritaient autrefois de nombreuses populations de baleines, jusqu’à ce que la chasse à la baleine effrénée pousse presque les espèces de baleines à bosse et de rorquals communs vers l’extinction locale. La fin des massacres généralisés a toutefois permis aux populations de rebondir. 

Les eaux abritent désormais un nombre record de phoques communs, ainsi que des populations saines d’otaries et de marsouins.» Avant de conclure : «Et donc la seule exception sont les épaulards résidents du Sud. Est-ce un problème avec la mer des Salish ? Ou bien apportent-ils leurs problèmes avec eux ?» Pour le moment, le mystère reste entier.

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