Malgré les décisions du procureur de la CPI et les mises en garde de la CIJ : Washington n’écarte pas l’expédition de bombes vers Tel-Aviv

20/06/2024 mis à jour: 21:49
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Photo : D. R.

Alors que le Premier ministre israélien annonçait, mardi dernier, les assurances de l’administration Biden pour lever les restrictions sur les livraisons d’armes à Israël, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a précisé hier que son pays «continuait d’évaluer la livraison de cargaisons de bombes de 907 kg à Israël».

Les échanges troublants entre le Premier ministre israélien et le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, durant ces deux derniers jours, laissent croire que rien ne va plus entre l’Etat hébreu et Washington, son allié indéfectible, alors que la machine de guerre génocidaire sioniste ne connaît pas de répit à Ghaza et que des informations sur «des décisions imminentes» de la Cour pénale internationale (CPI), liées aux mandats d’arrêt internationaux réclamés par le procureur en chef, de cette juridiction, contre Netanyahu et son ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Mardi dernier, Netanyahu a jeté un pavé dans la mare en déclarant, après sa rencontre, les 10 et 11 juin),  avec Antony Blinken à Tel-Aviv, ce dernier lui a confirmé que l’administration américaine s’efforce de résoudre la question du blocage de la fourniture d’armes et de munitions à Israël.

Dans une déclaration enregistrée et diffusée sur les réseaux sociaux, Netanyahu a expliqué : «Lors de la récente visite du secrétaire Blinken en Israël, nous avons eu un dialogue franc, et j’ai dit que j’appréciais grandement le soutien que les Etats-Unis ont apporté à Israël depuis le début de la guerre.

Mais j’ai également dit qu'il était inconcevable qu'au cours des derniers mois, l'administration ait refusé des armes et des munitions à Israël (…) Il m’a assuré que l’administration s’efforçait jour et nuit pour lever les goulots d’étranglement (…) J’espère certainement que c’est le cas. Cela devrait être le cas.» Netanyahu va même rappeler aux Américains que «pendant la Seconde Guerre mondiale, Churchill a dit aux Etats-Unis : ‘Donnez-nous les instruments et nous ferons le travail.»

Et d'ajouter :  «Je dis : ''Donnez-nous les instruments et nous finirons le travail encore plus vite''». Il s’agit là d’une des critiques israéliennes,  les plus sévères à l’égard de Washington, qui depuis plus de 8 mois, n’a jamais cessé d’aider militairement et politiquement l’Etat hébreu, dans sa guerre génocidaire contre Ghaza. Seule une expédition de 3500 bombes pour des avions de combat, en majorité de 2000 livres (907 kg), appelées «bombes à destruction massive», a fait l’objet d’une suspension  afin de freiner toute offensive terrestre à Rafah.

«Biden n’a fixé aucune ligne rouge à Israël»

Les bombes de 2000 livres, faut-il le rappeler, avaient été utilisées pour raser une grande partie de Ghaza, dès le début de la guerre génocidaire menée par l’entité sioniste. Ce qui a suscité de violentes critiques de la communauté internationale. Biden, avait, rappelons-le,  qualifié l’invasion de Rafah de «ligne rouge», avant que certains responsables ne remettent en cause ses affirmations. «Le Président n’avait fixé aucune ligne rouge à Israël dans le cadre de son offensive contre Ghaza», avaient-ils déclaré.

Et malgré la pression de nombreux démocrates pour conditionner le soutien militaire à Israël, Biden a continué à approvisionner l'Etat hébreu en armement et équipement, faisant fi des injonctions de la CIJ, la plus haute juridiction de l’Onu, qui a considéré avérés les risques de génocide à Ghaza, et mis en demeure Israël d’arrêter son offensive militaire à Rafah, et de protéger la population civile palestinienne.

Au début du mois en cours, le ministère israélien de la Défense a annoncé avoir signé avec Washington un accord pour l’achat de 25 avions de combat américains F-35, d’une valeur de 3 milliards de dollars, alors qu’au mois d’avril dernier, le président américain a entériné l’octroi  à l’entité sioniste d’une enveloppe de 26,4 milliards de dollars, dont 14 milliards de dollars d’aide militaire.

Il  faut dire la déclaration de Netanyahu a vite fait réagir Washington. «Nous ne savons vraiment pas de quoi il parle», a déclaré, selon le site américain Axios,  la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, mardi dernier, en précisant qu'«une seule expédition d’armes avait été suspendue depuis le début de la guerre», ajoutant qu’«au-delà de la livraison suspendue, tout le reste bouge».  Hier, c’était au tour du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, de répondre à Netanyahu.

Lors d’une conférence de presse, animée conjointement avec le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à Washington, Blinken  et selon le site Axios, est revenu,  sur  «les relations de sécurité entre les Etats-Unis et Israël», qui selon lui,  «vont au-delà de la guerre à Ghaza et que les Etats-Unis veilleront à ce qu’Israël dispose de ce dont il a besoin pour se défendre contre l’Iran et le Hezbollah». Bien plus.

Blinken a assuré Israël du soutien de son pays, tout en précisant toutefois : «Nous continuons d’examiner une expédition dont le président Biden a parlé concernant des bombes de 2000 livres en raison de notre inquiétude quant à leur utilisation dans des zones densément peuplées comme Rafah.

Cela reste à l’étude. Mais tout le reste évolue comme il le ferait normalement pour garantir qu’Israël a ce dont il a besoin pour se défendre contre multiples menaces».

Pour le média, la suspension de cette cargaison de bombes pourrait être levée, puisque des discussions dans ce sens, entre les USA et Israël,  étaient toujours en cours, à la veille d’une réunion qui devait avoir lieu aujourd’hui à Washington, avec les responsables de la Maison-Blanche et du Département d’Etat, avant qu’elle ne soit annulée hier, à la dernière minute, sans aucune explication, alors que des critiques de plus en plus importantes sont exprimées contre l’invitation de Netanyahu, à un discours devant les membres des deux Chambres, à Washington, le 24 juillet prochain.

Selon Axios, citant «deux responsables américains», sans les nommer,  qui a obtenu cette information en exclusivité, c’est la Maison-Blanche qui «a annulé»  cette «réunion de haut niveau américano-israélienne sur l’Iran, qui était prévue jeudi (aujourd’hui),  après que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a publié mardi une vidéo affirmant que les Etats-Unis retenaient leur aide militaire».

La colère de la Maison-Blanche contre Netanyahu

Le même média a expliqué que «les principaux conseillers du président Biden ont été furieux à cause de la vidéo (…) Les Américains sont furieux. La vidéo de Bibi a fait beaucoup de dégâts», a déclaré un haut responsable israélien, utilisant un surnom pour Netanyahu. Certains responsables israéliens étaient déjà en route pour Washington «lorsque la réunion a été annulée».

Pour de nombreux autres médias américains, il s’agit plus d’un report que d’une annulation. Le soutien militaire et politique indéfectible des Etats-Unis à Tel-Aviv ne peut, vraisemblablement être entaché malgré le malaise provoqué par la guerre génocidaire menée par Israël. Une guerre qui continue à faire grincer les dents des experts des Nations unies pour les droits de l’homme.

Hier, Navi Pillay, présidente de la Commission d’enquête onusienne en territoire palestinien occupé, a parlé de responsabilité d'Israël dans  «des crimes de guerre, contre l’humanité, des opérations de déportations forcées, de famine sont commis par Israël contre la population civile de Ghaza».

Dans un rapport qu’elle doit remettre à l'Assemblée générale de l’Onu, Mme Pillay a constaté que «le nombre considérable de victimes civiles à Ghaza et la destruction généralisée de biens et d’infrastructures civils étaient le résultat inévitable d’une stratégie intentionnelle visant à causer un maximum de dégâts».

La responsable a évoqué la «responsabilité» d'Israël dans «des crimes de guerre, contre l’humanité, des opérations de meurtre, de déportation forcée, de famine  et de violences sexuelles contre les Palestinien», avant de préciser : «Les Israéliens n'avaient pas tenu compte des obligations juridiques de distinction, de proportionnalité et de précautions adéquates» avant de souligner qu’«Israël a également transféré de force la quasi-totalité de la population dans de petits espaces qui ne sont ni sécurisés ni habitables (…) L'utilisation délibérée d'armes lourdes à grande capacité de destruction dans des zones densément peuplées constitue une attaque intentionnelle et directe contre la population civile».

Elle a affirmé, par ailleurs, que l’Etat hébreu «a  empêché l’arrivée les produits alimentaires de base et utilisé ces derniers comme moyen de guerre (…) pour affamer la population et a empêché également la commission d’enquête à aller à Ghaza et en Cisjordanie».

Et de rappeler  le mémorandum d’entraide avec la CPI, qui, selon elle, se basera sur son rapport, avant d’appeler à l’arrêt de la guerre, la levée de l’embargo et cesser les violations contre les enfants, contre lesquels Israël a utilisé les bombes de 2000 livres.

Abondant dans le même sens, le Bureau des droits de l’Onu a affirmé qu'Israël «utilise des explosifs qui ne font pas de distinction entre les combattants et les civils».

Autant de preuves accablantes qui s’ajoutent à celles documentées par la CIJ et servi d’arguments pour ordonner à Israël de mettre un terme à ses opérations militaire et à protéger les civils des actes génocidaires.

Ils ont servi aussi pour le procureur en chef de la CPI pour demander des mandats d’arrêt internationaux contre  Netanyahu et son ministre de la Défense, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et pour l’Onu, pour mettre Israël sur la liste noire des Etats qui tueurs d’enfants en période de conflit.

Les pays qui continuent à alimenter cet Etat paria,  en armement, à leur tête les USA, mais aussi l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne,  tombent sous le coup du droit international et risquent d’être poursuivis pour complicité de génocide. 
 

 

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