En France, il ne se passe pratiquement plus un jour sans que l’Algérie soit frontalement attaquée. Ces attaques, d’une grande violence et souvent tintées de racisme, émanent aussi bien de l’extrême droite que de la droite.
La polémique fait rage depuis quelques semaines en France. C’est devenu presque coutumier. Un réflexe. A chaque période de crise entre Alger et Paris, l’Algérie est propulsée au centre de vrais-faux débats. La droite et l’extrême droite ne ratent aucune occasion pour enfourcher leur cheval préféré pour déverser leur haine contre les Algériens et leur pays, l’Algérie. Les représentants de ces deux courants politiques n’hésitent pas à remettre au-devant de la scène leur exigence d’une renégociation des Accords algéro-français de 1968, jugés «trop avantageux» pour les ressortissants algériens. Ce refrain, désormais repris au plus haut niveau de l’Etat français, est régulièrement chanté par des médias grand public de ce pays. Ce mouvement d’ensemble prend des allures de vraie campagne anti-algérienne.
Pour sa première intervention devant les députés où il présentait sa déclaration de politique générale, le Premier ministre français, Michel Barnier, a appelé à son tour à la révision des Accords de 1968. Dans son discours du 1er octobre, il n’a pas cité directement ce texte. Mais tout le monde aura compris le message. Selon lui, «certains accords bilatéraux ne correspondent plus aux réalités d’aujourd’hui». Michel Barnier, encouragé par les applaudissements des élus de la droite et de l’extrême droite, a fait également savoir qu’il veut «conditionner davantage l’octroi de visas avec l’obtention de laissez-passer consulaires nécessaires aux reconduites à la frontière» des étrangers, notamment les Algériens, qui font l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français).
C’est son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau qui explicite ses déclarations (celles de Michel Barnier). Pour ce dernier, l’Accord de 1968 «est déséquilibré». «Très avantageux pour l’Algérie, très désavantageux pour la France. On doit avoir le courage de le mettre sur la table», juge-t-il. Bruno Retailleau a poursuivi entre-temps sa «croisade» contre l’immigration originaire d’Algérie.
C’est même pour lui un point de fixation. Dans une déclaration jeudi 3 octobre sur RTL, il a même promis d’aller au «bras de fer» avec l’Algérie sur la question des laissez-passer consulaires. Le responsable français s’est néanmoins montré disposé à dialoguer avec le Maroc, qu’il «respecte énormément». Nicolas Pouvreau-Monti, directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), lui emboîte le pas. Il affirme que le Premier ministre français évoquait les Accords de 1968 et les laissez-passer que, selon lui, «l’Algérie refuse d’accorder à ses ressortissants faisant l’objet de mesures d’expulsion du territoire français».
Nouvelle agitation
Que visent ces attaques groupées ? S’agit-il d’une volonté d’exercer des pressions sur l’Algérie en cette période de froid glacial qui caractérise les relations entre les deux pays ? Les lobbies pro-marocain ou pro-sioniste y sont-ils pour quelque chose ? Que reste-t-il réellement des Accords de 1968, qui ont fait l’objet de plusieurs réajustements depuis leur signature ? La réponse est apportée par le diplomate Abdelaziz Rahabi. Dans son compte sur le réseau X, il exprime son courroux contre cette nouvelle agitation française. «Quelle est l’utilité des Accords de 68 qui sont eux-mêmes une violation et une régression des Accords d’Evian. Ils ont fait de l’Algérie un sujet de débat central et récurent en France. Notre dignité doit être au-dessus d’avantages insignifiants», écrit-il.
En décembre 2023, la droite française a soumis à l’Assemblée une résolution pour dénoncer les Accords de 1968. Proposée au vote, l’initiative a été rejetée par une majorité des députés français : 151 voix contre et 114 voix favorable à l’abrogation de cet accord. Le débat, à l’époque, entre les députés du parti Les Républicains (LR) et, de l’autre, ceux de la gauche, a montré l’extrême sensibilité de ce dossier pour une partie de la classe politique française qui refuse toujours de digérer l’indépendance de l’Algérie.
Mais il a permis de rappeler des vérités historiques sur les meneurs de cette agitation anti-algérienne, qui sont souvent des descendants de défenseurs de «l’Algérie-française» qui tentent de reprendre la «cause» perdue de leurs aînés.
Cette entreprise de la droite française n’avait pas été soutenue par le gouvernement français, conduit par Elisabeth Borne à l’époque.
Ce dernier avait préféré, alors, de parler de renégociation des accords. C’est ce qu’avait souligné le ministre délégué au Commerce extérieur, Olivier Becht. Selon lui, «une dénonciation serait contre-productive, avec le risque de provoquer une réaction des autorités algériennes qui aurait de sérieuses conséquences et pourrait conduire à geler le dialogue migratoire».
Elisabeth Borne, pour sa part, avait évoqué des discussions entre les deux pays concernant ce texte. «Dans les conclusions du quatrième Comité intergouvernemental de haut niveau France-Algérie [CIHN], qui s’est tenu en octobre 2022, nous avions évoqué l’ouverture de discussions en vue d’un quatrième avenant à cet accord. Nous avons des demandes et le gouvernement algérien en a de son côté. C’est donc effectivement à l’ordre du jour», avait-elle déclaré. Comme le montrent les faits, le tintamarre fait autour de des Accords de 1968 ne se justifie absolument pas.