Les spéculateurs ne désarment pas

17/03/2022 mis à jour: 07:29
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Les vocables «complot», «sabotage», «criminalisation» de faits et de pratiques relevant de la sphère politique, économique et commerciale sont devenus des éléments de langage nouveaux au niveau de la communication institutionnelle pour expliquer, justifier les manquements jugés graves dans la gestion des affaires publiques, les défaillances des circuits de distribution, les pénuries et la volatilité des prix de certains produits de première nécessité. 

Des Conseils des ministres, des conseils de gouvernement, une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les causes des perturbations du marché de la consommation et de situer les responsabilités ont été dédiés à la lutte contre la spéculation, qui a pris des proportions alarmantes menaçant la sécurité nationale et la cohésion sociale. Des états généraux des collectivités locales ont même été convoqués il y a peu, avec grand fracas et déballage public, sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune, pour se pencher sur ce mal endémique qui ronge le pays et qui a pour nom : la bureaucratie paralysante et son pendant, le phénomène de la corruption. 

Face aux walis et aux cadres de l’Etat, le président Tebboune avait menacé de frapper d’une main de fer les comportements déviants à tous les niveaux de responsabilité, jurant que l’impunité ne sera plus de mise, que des comptes seront exigés de tous et de chacun. Dans le sillage de ces assises où le voile avait été levé sur une face hideuse et choquante de la gestion des collectivités locales, en braquant les projecteurs sur «les zones d’ombre», quelques têtes de chefs de daïra et de fonctionnaires de rang subalterne seront sacrifiées. 

Face au dérèglement des circuits de distribution des produits de large consommation qui hante le quotidien des Algériens avec le retour du spectre des pénuries et la valse des prix affectant même le plat du pauvre : la pomme de terre, les mesures pratiques prises par les pouvoirs publics en injectant dans le marché des quantités additionnelles des produits soumis à tension et en durcissant les lois contre la spéculation se sont révélées insuffisantes pour réguler le marché. Les menaces récurrentes non suivies d’effet du ministre du Commerce de «couper les têtes» des spéculateurs sont devenues virales sur la Toile. 
 

Pendant que la puissance publique renforçait l’arsenal juridique de lutte contre la spéculation, organisait des opérations coup-de-poing ciblant des entrepôts du commerce informel, les spéculateurs ne désarment pas, multiplient les gestes de défiance contre l’autorité de l’Etat en plombant les prix des produits soumis à une forte spéculation. Les réseaux de la spéculation et de la contrebande sont-ils donc à ce point si puissants pour pousser l’Etat à la défensive, comme cette opération de déstockage de la pomme de terre à laquelle recourent les services du commerce en situation de crise pour tenter de réguler le marché et qui se révèle, à chaque fois, n’être qu’un simple coup d’épée dans l’eau ? 

Elle ne règle ni le problème de la disponibilité, car ne couvrant pas les besoins du marché, ni celui de la maîtrise des prix. La fonction de l’Etat régulateur ne doit pas être confondue avec le rôle de pompier. Il ne suffit pas d’édicter des lois, aussi répressives soient-elles, si en amont les politiques publiques manquent de pertinence, les hommes qui ont la charge de leur exécution et suivi n’ont pas les compétences requises et la culture de servir l’Etat et le citoyen, si l’offre est insuffisante par rapport aux besoins exprimés et les mécanismes de contrôle défaillants. 

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