Les sommes astronomiques réclamées par les Douanes et le Trésor public

03/02/2022 mis à jour: 18:49
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L’ex-ministre de l’Energie et ex-directeur général de Sonatrach, Chakib Khelil / Photo : D. R.

Le Trésor public a réclamé le paiement solidaire d’un montant de plus de 127,297 milliards de dinars, alors que les Douanes d’Oran, d’Alger, de Mostaganem, de Skikda et d’Arzew ont demandé le paiement de plus de 37,67 milliards de dinars.

Le procès de l’affaire liée au marché de réalisation du complexe gazier GNL3 d’Arzew, obtenu par Saipem, une filiale du géant italien Eni, en 2008, devant le pôle financier de Sidi M’hamed à Alger, s’est poursuivi mardi avec un lourd réquisitoire, mais aussi de longues plaidoiries de la défense, clamant la relaxe pour la vingtaine de prévenus et plusieurs sociétés, notamment italiennes, poursuivies en tant que personnes morales.

Ainsi, les maîtres Fatima Ladoul et Mourad Zeguir, composant le collectif de la défense de Saipem, ont axé leurs interventions sur le volet technique et tenté de montrer qu’il «n’y a eu ni indus avantages ni surfacturation». Pour eux, Saipem «n’est pas tombée du ciel». Elle a soumissionné pour un projet et l’a obtenu après élimination du premier soumissionnaire. «Quelle est sa responsabilité ? Elle a accepté de revoir ses prix à la baisse pour les porter au même niveau, puis plus bas que ceux proposés par Petrofac», déclare Me Ladoul.

Selon elle, la comparaison faite par l’expertise entre le prix de l’usine de Skikda, réalisé par l’américaine KBR, et celui de l’usine d’Arzew «ne peut avoir lieu. L’expertise repose sur le prix initial des deux usines, alors que la forme de paiement choisie n’est pas la même. Pour Skikda, il y a eu une partie fixe et une autre variable, ce qui a engendré à la fin du marché des hausses considérables. Cependant pour le complexe d’Arzew, le prix était forfaitaire. Il ne pouvait pas connaître de changement et Sonatrach a fait d’importants gains».

Sur la question de surfacturation, l’avocate explique : «Il s’agit de la réalisation d’une usine clé en main, le montant global a été arrêté selon la formule forfaitaire. Les factures sont payées en fonction de la réalisation des 15 jalons de l’ensemble du projet. Elles ne sont en réalité que formelles, non domiciliées et ne peuvent être utilisées pour transférer les fonds. C’est le marché qui a été domicilié, le montant global ne peut être dépassé et le transfert financier reste lié à l’avancement des travaux.

Cela veut dire qu’il n’y a ni fausse déclaration, ni surfacturation.» Me Zeguir, pour sa part, a relevé qu’en vertu de l’article 189 du code de procédure pénale, «on ne peut poursuivre quelqu’un en Algérie s’il a été jugé dans un autre pays, pour les mêmes faits. Or, les dirigeants de Saipem ont été innocentés, par la justice italienne, pour les faits qui leur sont reprochés y compris pour cette affaire».

Pour lui, «Sonatrach qui était présente en tant que partie civile en Italie, ne peut venir aujourd’hui se constituer partie civile», précisant, que Saipem a «assaini» tous ses contentieux internationaux avec Sonatrach, dont GNL3, en signant «un accord à l’amiable» au mois de février 2018. Me Zeguir revient sur l’histoire d’Eni, société mère de Saipem, et sa relation avec l’Algérie.

«C’est Petrofac qui était l’enfant gâté de cette affaire»

«Par ce dossier, on veut montrer qu’il y a une injustice, mais en réalité c’est Petrofac qui était l’enfant gâté de cette affaire. Techniquement, Petrofac, n’avait pas les capacités techniques et ne pouvait réaliser le complexe. Elle n’a jamais construit de telles usines ailleurs. Saipem est allée loin, en baissant le prix à 55 071 DA la tonne, alors que Petrofac avait proposé 55 225 DA la tonne.

Où est donc le privilège dont elle aurait pu bénéficier ?» La défense de Saipem a contesté la constitution, en tant que parties civiles, de Sonatrach, du Trésor public et des Douanes. Pour elle, Sonatrach «est tenue par l’engagement qu’elle a signé, au mois de février 2018, pour clore ce dossier, et les services des Douanes n’ont subi aucun dommage, dans la mesure où les factures déposées à leur niveau étaient formelles et que le marché, bénéficiait d’une franchise douanière, donc non soumis au paiement des droits douaniers».

La veille, le représentant du Trésor, Me Zakaria Dahlouk, a plaidé contre l’ex-ministre de l’Energie, en fuite aux Etats-Unis, Chakib Khelil, Mohamed Meziane, ex-PDG de Sonatrach, son vice-président, Abdelhafid Feghouli, et l’ensemble des autres prévenus, poursuivis pour «dilapidation de deniers publics», «abus de fonction» et «passation de marché public en violation de la réglementation».

L’avocat a affirmé que «le préjudice engendré par cette affaire est très important» précisant : «Le changement du prix de la tonne dans le contrat de réalisation de l’usine, passant à 3575 DA la tonne a conduit à une perte évaluée à 16,797 milliards de dinars, sans compter les frais supplémentaires payés dans le cadre de l’importation des équipements ayant suscité un préjudice évalué à 307,782 millions dollars, soit 42,788 milliards DA et à 423,414 millions d’euros, soit 66,163 milliards DA. A ces sommes, il faut ajouter les montants des factures surévaluées, qui ont occasionné un préjudice de 9,767 millions d’euros, soit 1,526 milliard DA et 158 753,00 dollars.»

Pour tous ces faits, l’avocat général a réclamé le paiement solidaire de la somme 127,297 milliards de dinars à Chakib Khelil, Mohamed Meziane, Abdelhafidh Feghouli, Abbes Boumediene, Toufik Ferhat, Massimo Chiyoda, Elene Zucchelli, Gilberti Bolato, et aux sociétés Stella Corporation, Snamporogetti Saipem Contracting SPA et le paiement solidaire d’un million de dinars au reste des prévenus.

Sonatrach s’est également constituée partie civile, contre l’ensemble des prévenus, à l’exception de Saipem et ses filiales. Représentée par les Mes Abdelmadjid Sellini, Saïd Labdoun et Djamel Benrabah, la défense a expliqué qu’en «vertu de l’accord à l’amiable signé avec Saipem, Sonatrach a obtenu tous les dédommagements engendrés et de ce fait, elle ne réclamera rien à Saipem ni à ses filiales. Cependant, pour les autres prévenus, objet de poursuites, elle demande la préservation de ses droits». L’administration des Douanes a surpris par sa constitution en tant que partie civile.

Chacun des ports de Skikda, Arzew, Oran, Mostaganem et d’Alger, s’est présenté devant le juge pour réclamer aux prévenus des dédommagements. Ainsi, le port d’Oran a demandé la somme de 8,910 milliards de dinars, représentant de la valeur de la marchandise sur le marché national, et le paiement d’une amende équivalente au montant de cette même marchandise, soit, 8,910 milliards de dinars.

En tout, les Douanes d’Oran réclament la somme de plus de 17,836 milliards de dinars. Pour leur part, les Douanes d’Arzew, il est demandé la confiscation de la marchandise importée dans le cadre du projet GNL3 par le groupement Snamporogetti-Chiyoda-Saipem SPA, ou le paiement de sa valeur estimée à plus de 2,509 milliards de dinars et d’une amende du même montant. Les avocats des services des Douanes de Mostaganem ont réclamé le paiement solidaire d’une amende de 534,184 millions de dinars, et du même montant représentant la valeur de la marchandise importée. Ce qui donne un total de plus de 1,068 milliard de dinars.

Les services des Douanes d’Alger ont demandé, pour leur part, une amende de 1,021 milliard de dinars, mais aussi de la même somme représentant la valeur de la marchandise dédouanée. Ce qui donne un montant de plus de 2,042 milliards de dinars. Les services des Douanes de Skikda ont, pour leur part, demandé le paiement du montant de la marchandise, soit plus de 288,672 millions de dinars et une amende de la même valeur, soit une somme globale de plus 557,344 millions de dinars. Des montants à donner le tournis, contestés par les avocats de l’ensemble des prévenus. Le verdict sera connu le 14 février prochain. 

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