Les relations entre Abuja et Pretoria sont au plus bas : Nigeria et Afrique du Sud, les éternels frères ennemis de l’Afrique

05/10/2024 mis à jour: 02:12
AFP
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Malgré la rivalité politique entre les deux pays, l'Afrique du Sud reste l'un des principaux partenaires commerciaux du Nigeria en Afrique - Photo : D. R.

En septembre, Bolaji Akinyemi, ancien ministre nigérian des Affaires étrangères dans les années 1980, a affirmé sur une chaîne de télévision nigériane que la «concurrence négative» de l’Afrique du Sud avec le Nigeria entravait la progression du pays Ouest-Africain sur la scène politique internationale.

Il s’en est fallu de peu que l’équipe nigériane de basket-ball des moins de 18 ans manque une compétition internationale en Afrique du Sud le mois dernier, après que Pretoria a refusé d’octroyer un visa aux joueurs. Quelques échanges acrimonieux et une intervention diplomatique plus tard, l’équipe a finalement pu se rendre en Afrique du Sud.

Loin d’être anodin, cet incident illustre les tensions de longue date entre les deux poids lourds économiques du continent africain, dont la rivalité infuse tous les domaines.  «Les relations entre le Nigeria et l’Afrique du Sud sont au plus bas» et les tensions remontent à plusieurs décennies, explique à l’AFP Olawale Olusola, expert en relations internationales à l’université Obafemi Awolowo, dans le sud-ouest du Nigeria. 

Le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, a d’abord joué le rôle de «grand frère» durant l’apartheid en Afrique du Sud, notamment par son soutien aux mouvements anti-apartheid. Mais en 1996, le président sud-africain de l’époque Nelson Mandela a critiqué le gouvernement militaire nigérian pour l’exécution de l’écrivain et militant Ken Saro-Wiwa et de huit autres personnes. Le chef d’Etat du Nigeria, le général Sani Abacha, a riposté en boycottant la Coupe d’Afrique des Nations organisée en Afrique du Sud cette année-là.

En 2019, une vague de violence contre les Nigérians en Afrique du Sud a envenimé les tensions, des groupes de Sud-africains pillant et détruisant les propriétés et magasins appartenant à des étrangers, poussant le gouvernement nigérian à rapatrier environ 600 de ses citoyens. En représailles, des entreprises liées avec l’Afrique du Sud ont été incendiées et pillées au Nigeria.   Quelques semaines plus tard, lors d’une visite d’Etat du président nigérian Muhammadu Buhari destinée à améliorer les relations, les deux géants africains ont signé un vaste accord de coopération, sans pour autant mettre un terme aux anicroches.

Afrobeats contre Amapiano 

En août dernier, la plateforme de transport avec chauffeur Bolt a interrompu les demandes «inter-pays» entre l’Afrique du Sud et le Nigeria à la suite d’une vague de «blagues» où des résidants d’un pays effectuaient de fausses réservations auprès de conducteurs dans l’autre pays.  Toujours en août, une candidate au concours de Miss Afrique du Sud, Chidimma Adetshina, s’est retirée de la compétition à la suite d’attaques xénophobes virulentes sur ses origines nigérianes.

Elle a remporté plus tard la couronne de Miss Univers Nigeria, mais elle a évoqué devant les médias la douleur causée par ces attaques. Chidimma Adetshina a d’abord reçu le soutien de la chanteuse sud-africaine Tyla, qui s’est ensuite rétractée après avoir essuyé une avalanche de critiques sur les réseaux sociaux.

Quelques semaines plus tard, Tyla s’est elle-même retrouvée au centre d’une autre rivalité entre les deux pays, cette fois musicale. L’afrobeats nigérian et l’amapiano sud-africain sont devenus deux des genres musicaux les plus populaires en Afrique et dans le monde, les artistes des deux pays collaborant et copiant leurs styles respectifs.

En septembre, Tyla a remporté le prix de la meilleure chanson afrobeats aux MTV Video Music Awards 2024 pour son tube Water, devant les Nigérians Burna Boy, Ayra Starr et Tems. Elle avait déjà remporté un Grammy en février aux Etats-Unis pour la meilleure performance musicale africaine, damant le pion à des stars nigérianes de l’afrobeats telles qu’Asake, Burna Boy et Davido.

En septembre, Bolaji Akinyemi, ancien ministre nigérian des Affaires étrangères dans les années 1980, a affirmé sur une chaîne de télévision nigériane que la «concurrence négative» de l’Afrique du Sud avec le Nigeria entravait la progression du pays ouest-africain sur la scène politique internationale. Selon lui, le Nigeria n’a pas été invité à rejoindre le club des Brics (qui compte notamment Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) en 2023 à cause de l’ambition de l’Afrique du Sud d’acquérir un jour un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

«L’Afrique du Sud est déterminée à faire dérailler le Nigeria», a-t-il accusé, expliquant : «Le Nigeria étant exclu des BRICS, les membres des BRICS soutiendront automatiquement l’Afrique du Sud» aux Nations unies.  Malgré cette rivalité, l’Afrique du Sud reste l’un des principaux partenaires commerciaux du Nigeria en Afrique. Les exportations du Nigeria vers l’Afrique du Sud ont atteint 2,35 milliards de dollars en 2023, selon les données des Nations unies. 

 

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