Les promesses climatiques des multinationales souvent trompeuses

14/02/2023 mis à jour: 13:57
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L’étude dénonce, notamment, les limites des mécanismes de «compensation»

Le «greenwashing» se porte bien : les engagements climatiques des grandes entreprises manquent dans l’ensemble de crédibilité et de transparence, selon un rapport publié hier, qui se penche sur les ambitions affichées de 24 multinationales de tous les secteurs.

Cette étude, réalisée par les groupes de réflexion NewClimate Institute et Carbon Market Watch, évalue les stratégies de ces géants du commerce, de l’agroalimentaire, du transport ou encore d’industries diverses qui représentaient à elles seules quelque 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2019. Elles ont en commun de mettre en avant leurs engagements en faveur du climat. Mais la réalité est souvent loin d’être à la hauteur des promesses, conclut le rapport, qui constate une absence généralisée de progrès depuis une précédente édition il y a un an. «La plupart des stratégies climatiques des entreprises sont empêtrées dans des engagements ambigus, des plans de compensation qui manquent de crédibilité et des exclusions dans le périmètre des émissions», dénonce-t-il. Ainsi, la compagnie aérienne American Airlines, qui n’a qu’une lointaine promesse de neutralité carbone pour 2050, sans objectif pour 2030, et fait tout dépendre de carburants «durables» encore très incertains. Toutefois «de bonnes pratiques reproductibles peuvent être identifiées chez une minorité». Parmi les 24 entreprises étudiées, seule la stratégie climatique du géant danois du transport maritime Maersk – qui investit dans des carburants alternatifs et des nouveaux navires – présente une intégrité jugée «raisonnable». Aucune entreprise n’atteint un niveau de «haute» intégrité.

Carrefour parmi les mauvais élèves

La stratégie de 15 autres des entreprises étudiées est jugée d’intégrité «faible» ou «très faible». Les mauvais élèves identifiés sont American Airlines, les supermarchés français Carrefour, le géant brésilien de la viande JBS et le coréen Samsung.

Ces conclusions s’appuient sur les données d’émissions des entreprises elles-mêmes et, entre autres, sur leur recours à la «compensation». Cette dernière est très utilisée puisque 23 entreprises sur 24 l’utilisent pour atteindre leurs objectifs climatiques. Elle consiste à financer par exemple la plantation de millions d’arbres ou des projets d’énergie renouvelable, qui «compenseront» ou absorberont ensuite du CO2. Le recours à ces mécanismes, peu ou mal vérifiés, qui se substitue souvent à la baisse des émissions, est sévèrement critiqué par les experts de l’ONU. Le rapport en pointe également les limites, comme le recours affiché à des capacités d’absorption du CO2 par les terres et forêts qui dépassent leurs capacités réelles. «Dans cette décennie critique pour l’action climatique, les plans actuels des entreprises ne reflètent pas l’urgence nécessaire à réduire les émissions», regrette Thomas Day, du NewClimate Institute, l’un des auteurs.

Des promesses insuffisantes

À l’horizon 2030, leurs promesses sont ainsi loin de ce qui serait nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5°C, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris. Elles s’engagent dans l’ensemble à réduire leurs émissions de seulement 15%, voire de 21% selon une interprétation optimiste, là où il faudrait deux fois plus (-43%), ont calculé les auteurs.

A plus long terme, ces multinationales affichent toutes des ambitions de «neutralité» carbone ou «zéro émissions nettes» à des horizons différents (par exemple 2050 pour Nestlé), ce qui impliquerait une réduction de 90% ou 95% des émissions pour la plupart des secteurs. Mais là encore, la réalité est décevante et le «gouffre immense», les réductions combinées prévues atteignant seulement 36%.

Le rapport dénonce aussi une tendance de certains à ne pas comptabiliser des émissions. Carrefour, encore coiffé du bonnet d’âne cette année, semble ainsi exclure plus de 80% de ses magasins (par exemple franchisés) de ses objectifs climatiques, selon le rapport. «Nous ne sommes pas d’accord», a réagi le groupe auprès de l’AFP, mettant en avant une trajectoire chiffrée de réduction, y compris sur des émissions indirectes, mais sans répondre sur la question du périmètre de magasins retenus. JBS, épinglé pour des engagements vagues, juge le rapport «trompeur» et regrette que ses clarifications auprès des ONG n’aient pas été retenues. D’autres entreprises mises en cause, contactées par l’AFP, ont aussi assuré de leur sincérité. Un porte-parole de Samsung s’est dit prêt à «écouter» les remarques. Des engagements qui ne manqueront pas d’être évalués par les experts.

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