Les Palestiniens prisonniers d’un engrenage infernal de peur et de souffrances : Plus de 80% de Ghaza déclarée «zone interdite»

25/07/2024 mis à jour: 03:21
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Les forces d'occupation israéliennes ont transformé Ghaza en un vaste champ de ruines - Photo : D. R.

Des milliers de personnes à Ghaza, fuyant les chars et les avions israéliens, ont entamé cette semaine un nouveau cycle de déplacement, en s’exilant vers Deir Al Balah et l’ouest de Khan Younès, après le nouvel ordre d’évacuation de l’armée israélienne, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Près de 83% de la bande de Ghaza fait l’objet d’un ordre d’évacuation ou est désignée comme «zone interdite» par l’armée israélienne. Le dernier ordre d’évacuation massive de l’armée israélienne couvre environ 8,7 km² de territoire et réduit la «zone humanitaire» d’Al Mawasi de 15% par rapport à sa taille initiale, selon l’OCHA. «Des milliers de personnes se déplacent à nouveau, fuyant les raids aériens et les opérations militaires.

La situation est impossible. Le cycle de la peur et du déplacement dure depuis trop longtemps. Tout le monde est épuisé», a décrit, pour sa part sur le réseau social X, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). «La question qui hante à Ghaza : où vais-je aller ?» a poursuivi l’agence onusienne, relevant que des familles sont encore contraintes de fuir.

L’UNRWA a ainsi partagé sur X, des images de «scènes chaotiques» à Khan Younès. Une situation vécue maintes fois dans l’enclave palestinienne, avec notamment des images dans lesquelles on voit des enfants pleurer et des parents fuir dans tous les sens. «Les nouveaux ordres d’évacuation sont synonymes de nouvelles souffrances et de nouveaux déplacements», a insisté l’UNRWA, ajoutant que les habitants de Ghaza sont «épuisés», et vivent dans des «conditions inhumaines et sans aucune sécurité».

Sur le terrain, indique le site de l’ONU, les personnes fuyant Khan Younès semblent se diriger vers les zones déjà surpeuplées de Deir Al Balah et de l’ouest de Khan Younès. Ces deux zones disposent d’un nombre limité d’abris et de services et peuvent à peine accueillir l’afflux supplémentaire de personnes déplacées.

Les familles ont dû emballer ce qu’il restait de leurs biens et fuir, au milieu des bombardements et sans aucun endroit sûr où aller. Alors que des milliers de personnes continuent de fuir les chars et les avions israéliens à Khan Younès, l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) s’est déclaré alarmée, mardi, par la perspective d’un «risque élevé de propagation du virus de la polio» dans la bande de Ghaza et au-delà de ses frontières, en raison d’une situation sanitaire «catastrophique» dans l’enclave palestinienne ravagée par la guerre.

«Il existe un risque élevé de propagation du virus de la polio à Ghaza, non seulement en raison de la détection, mais aussi à cause de la situation désastreuse de l’assainissement de l’eau», a déclaré aux journalistes à Genève, par liaison vidéo depuis Jérusalem, le Dr Ayadil Saberkov, responsable des urgences sanitaires du Bureau de l’OMS dans les Territoires occupés palestiniens.

Cette alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) intervient dans un contexte de déplacements récurrents des Ghazaouis. C’est pourquoi, l’agence onusienne considère qu’il existe un risque élevé de propagation du virus de la polio à Ghaza et au niveau international, «si cette flambée ne fait pas l’objet d’une réponse rapide et optimale».

Risque élevé de maladies graves

Car faute de services de santé adéquats, la population ghazaouie est particulièrement vulnérable aux épidémies. «Je suis extrêmement inquiet à l’idée d’une épidémie à Ghaza. Et il ne s’agit pas seulement de la polio, mais de différentes épidémies de maladies transmissibles», a affirmé le Dr Saparbekov.

En attendant, des équipes de l’OMS et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) devaient arriver à Ghaza le 25 juillet. Sur place, elles vont recueillir des échantillons de selles humaines dans le cadre d’une évaluation des risques liés à la découverte du virus. Selon le Dr Saparbekov, cette évaluation, qui devrait être achevée cette fin de semaine, permettrait aux responsables de la santé de formuler des recommandations, «notamment sur la nécessité d’une campagne de vaccination de masse, sur le type de vaccin à utiliser et sur la tranche d’âge de la population qui devra être vaccinée».

A Ghaza, le séquençage génomique a montré des liens génétiques avec le virus qui a été détecté pour la dernière fois en Egypte lors d’échantillons prélevés en décembre 2023. «Sur la base de l’analyse des changements génétiques dans les isolats, le variant du poliovirus pourrait avoir été introduit à Ghaza dès septembre 2023», a ajouté le Dr Saberkov, rappelant toutefois qu’à l’heure actuelle, aucun cas de paralysie associé n’a été détecté. Cependant, la surveillance de la paralysie flasque aiguë (PFA) n’a pas fonctionné correctement et la surveillance environnementale a été suspendue depuis le 7 octobre 2023.

C’est pourquoi, l’OMS a communiqué ces informations à tous les pays voisins, notamment l’Egypte, la Jordanie et Israël, par l’intermédiaire du mécanisme du règlement sanitaire international. «Il appartient aux Etats membres de décider de la manière dont ils vont s’y prendre. Mais il est certain que l’équipe de lutte contre la polio qui travaille dans notre région fera tout son possible pour s’assurer que ces recommandations parviennent aux autorités sanitaires compétentes de leurs Etats membres, afin qu’elles puissent prendre une décision», a insisté le responsable de l’OMS.

D’autant qu’avec les dysfonctionnements d’un système de santé «paralysé», le manque d’eau et d’assainissement, les humanitaires redoutent d’avoir affaire à «un problème qui va être très difficile à résoudre». «Il s’agit d’une situation très grave à laquelle nous pourrions être confrontés à Gaza et il se pourrait que davantage de personnes meurent de différentes maladies transmissibles que de maladies liées à des blessures», a prévenu le Dr Saberkov.

Ordres fréquents d’évacuation 

Par ailleurs, les ordres fréquents d’évacuation et les attaques de l’armée d’occupation israélienne en cours détruisent encore plus le système de santé à Ghaza, rendant de plus en plus difficile pour les gens, qui ont fui plusieurs fois, d’accéder à des services essentiels.

Le complexe médical Nasser fait ainsi face à un nouvel afflux massif de blessés, dans un contexte de manque cruel d’unités de sang, de fournitures médicales et de lits d’hôpitaux, a détaillé l’OCHA. Face à l’afflux de blessés, ce centre hospitalier a lancé un nouvel appel aux dons de sang.

Des informations indiquent que rien qu’aujourd’hui le complexe a reçu des dizaines de victimes. «Selon les données du ministère de la Santé, le complexe médical Nasser a reçu 70 morts et environ 200 blessés. 40 blessés ont également été transportés à Al Aqsa, hôpital à pleine capacité», a détaillé de son côté l’OMS.

D’une manière générale, l’OMS rappelle que les hôpitaux sont débordés dans l’enclave palestinienne. Or, seuls 16 sur 36 hôpitaux sont partiellement fonctionnels, avec une capacité de 1500 lits d’hospitalisation, en baisse par rapport aux 3500 lits d’avant la guerre. En outre 8 sur 10 hôpitaux de campagne restent fonctionnels, soit 4 partiellement et 4 autres totalement. Dans le même temps, seuls 45 des 105 établissements de soins de santé primaires sont encore fonctionnels.

Ces informations interviennent alors que les évacuations médicales hors de Ghaza restent largement suspendues depuis la fermeture du point de passage de Rafah. L’OMS est d’ailleurs revenue sur la situation des enfants, qui ont été évacués plusieurs mois avant la fermeture de Rafah. 16 enfants et 25 accompagnateurs évacués par le Fonds de secours aux enfants palestiniens (PCRF) de Ghaza vers l’Egypte seront transférés vers l’Espagne le 25 juillet.

Il s’agit de 13 mineurs blessés, d’un patient atteint d’un cancer et de deux autres souffrant d’une maladie cardiaque chronique. Toutefois, le nombre de personnes devant être évacuées du territoire pour recevoir des soins médicaux pourrait s’élever à 14 000 patients.

 

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