Le troisième tour des élections françaises

17/05/2022 mis à jour: 02:52
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Le rideau est tombé sur le deuxième tour de l’élection présidentielle française 2022, dont j’avais anticipé le résultat, le 16 avril 2022, dans ce quotidien et prévoyais, avec justesse, la victoire d’E. Macron, pour toutes les raisons invoquées et auxquelles j’ajoute que socio-ethnologiquement, la France n’est pas prête à voter pour une femme !

Le point crucial n’était pas d’anticiper sa victoire, mais le score probable de cette dernière, pour laquelle j’avais proposé trois points d’écart (57% - 43%) entre les deux candidats, sur la base du fait que le report habituel du «peuple de gauche», allait se réaliser même partiellement.

L’excellente campagne du candidat de «la France insoumise», J. L. Mélenchon, sorti glorieusement à la troisième place, avec une différence d’environ 400 000 voix de moins, pour prétendre à de la deuxième, annonçait la couleur ! Ceci étant dit, le fait de donner une consigne de vote «ambiguë», pour le tour final, en déclarant à plusieurs reprises «aucune voix pour M. Le Pen !», il va favoriser l’abstention, d’au moins 20% de son électorat.

Le paysage politique français, sorti des urnes, avec une abstention record de plus de 28%, une victoire nette de 58,2% en faveur d’E. Macron et de 41,8% pour M. Le Pen, se compose donc, respectivement, de trois blocs distincts et opposés, à savoir le centre droit majoritaire, l’extrême droit, au deuxième rang et enfin l’abstention (13 millions), en plus des votes nuls et blancs (plus de 3 millions) soit quelque 16 millions.

Comment donc cette distribution politique va se traduire, en termes d’élections législatives, en juin prochain ? En général, les élections législatives, en France, se caractérisent par un vote sur les députés du parti du Président ou de ses «apparentés», à travers un système de vote majoritaire dit «triangulaires», qui favorise les alliances locales et la «cuisine politique» des états-majors des partis, qui se traduisent toujours par la neutralisation du vote de l’extrême droite, faute d’un mode de scrutin proportionnel.

Mais l’ascension inattendue du parti de «la France insoumise», à la troisième place du premier tour, quelque 20%, sans l’apport des autres partis de gauche et des écologistes, peut se traduire, aux législatives, par un vote massif, pour ce parti et lui donner une majorité parlementaire absolue ou une coalition dans laquelle il serait majoritaire !

Dans ce cas de figure, une nouvelle période de cohabitation (1) pourrait s’ouvrir (non prévue dans l’esprit de la 5ème République), puisque le président de la République est obligé de désigner un Premier ministre issu de la majorité parlementaire ou de dissoudre le Parlement. J. L. Mélenchon a déjà annoncé la couleur, en demandant que «le peuple doit m’élire Premier ministre», scénario de «cohabitation» déjà usité par trois fois en France !

A l’évidence, l’écart des présidentielles, entre E. Macron et M. Le Pen, (58,2%- 41,8%) est décisif dans la recomposition du paysage politique français, constitué de trois blocs sociopolitiques et les combinaisons électoralistes, entreprises par les états-majors des partis en lice, seront très certainement âpres.

En effet, même arrivée en deuxième position aux présidentielles, l’extrême droite ne pourra pas transformer ce potentiel, pour obtenir un nombre significatif de députés même pour former un groupe parlementaire influent au Parlement, du fait du mode de scrutin qui exclut la proportionnelle.

La droite classique implosée pourra compter sur ses «personnalités locales» et de ses candidats issus des structures centrales de son parti (notamment pour des raisons de son financement), pour faire le plein de députés, sans possibilité de majorité parlementaire.

La France insoumise, la gauche classique (PS-PC), l’extrême gauche et la mouvance écologique peuvent envisager de construire un groupe puissant, voire majoritaire, s’ils se mettent d’accord sur le principe du «vote utile», ce qu’ils ont refusé de mettre en œuvre au premier tour des présidentielles ! Reste le parti du président, qui va profiter de la «dynamique des présidentielles» et des alliances glanées par la débauche de certaines personnalités, promises à des portefeuilles ministériels, pour constituer un groupe majoritaire au parlement ou une éventuelle «coalition majoritaire».

Il semble impossible que le président dissolve le Parlement, erreur fatale commise par J. Chirac antérieurement, ce qui remettrait en course l’extrême droit et surtout le parti «la France insoumise» ! En d’autres termes, le troisième tour des élections en France va se jouer dans un «mouchoir de poche» et une analyse combinatoire est nécessaire pour le président E. Macron, pour tirer profit du chaos politique qu’il a initié et qu’il veut achever vis-à-vis des partis classiques, de droite comme de gauche, qui ont structuré la France depuis 1958 et la constitution de la cinquième république.

Toutes les clés politiques sont désormais entre les mains du président E. Macro mais il devra manœuvrer en tenant compte des écarts issus de son élection et du «parti elliptique de l’abstention, du vote nul et blanc» pour gérer l’après-élections, qui se présente déjà difficile tant la fracture entre les deux France est profonde.

Rassembler les Français après ces présidentielles va constituer un leitmotiv, une action prioritaire, durant le dernier mandat présidentiel. En Algérie, un adage populaire dit « Khelatha tasfa», ce que l’on pourrait traduire par «mélange-la, elle se purifiera» ! Dr Mourad Goumiri

(1) Première cohabitation.

La première cohabitation entre en vigueur dans les faits en 1986, lorsque le président F. Mitterrand nomme J. Chirac, chef du gouvernement à la suite de la victoire de la droite aux élections législatives. La première cohabitation va durer jusqu’en 1988, date de la réélection de F. Mitterrand qui a dissous l’Assemblée.

Deuxième cohabitation.

La deuxième cohabitation dure de 1993 à 1995 et est surnommée la «cohabitation de velours». F. Mitterrand nomme E. Balladur, chef de gouvernement.

Troisième cohabitation.

La troisième cohabitation intervient de 1997 à 2002, vu la victoire de la Gauche plurielle, après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée le 21 avril 1997 par le président J. Chirac qui nomme L. Jospin, chef de gouvernement.

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