Le climat de tension autour de la guerre entre la Russie et l’Ukraine a pris une autre dimension hier avec les discours musclés, l’un de Vladimir Poutine l’autre de Biden. Ce duel à distance inédit intervient trois jours avant l’anniversaire du lancement de l’offensive contre l’Ukraine, qui a provoqué une crise économique mondiale et conduit les pays occidentaux à apporter un puissant soutien militaire à Kiev. Vladimir Poutine a annoncé que la Russie suspendait sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire, aggravant la rupture avec l’Occident, qu’il accuse d’avoir provoqué une escalade du conflit en Ukraine. Les Etats-Unis ont qualifié la décision de suspendre cet important traité d’«irresponsable», tandis que la France et le Royaume-Uni, deux autres puissances nucléaires, ont respectivement appelé Moscou à «revenir sur sa décision irréfléchie» et à «faire preuve de responsabilité».
Le président russe a accusé hier l’Occident de vouloir «en finir» avec la Russie en Ukraine, où il a juré de poursuivre son offensive militaire de façon «méthodique». Affirmant que son objectif était d’assurer la «sécurité» de la Russie, M. Poutine a juré de remplir «pas à pas, soigneusement et méthodiquement» les objectifs de cette offensive. L’Occident veut «infliger une défaite stratégique à la Russie, c’est-à-dire en finir avec nous une bonne fois pour toutes», a tonné M. Poutine, accusant Washington et ses alliés européens de porter «la responsabilité de l’attisement du conflit ukrainien et ses victimes». «Mais ils ne sont pas sans savoir qu’il est impossible de défaire la Russie sur le champ de bataille», a ajouté le maître du Kremlin, avant de remercier «tout le peuple russe pour son courage et sa détermination» et de réclamer une minute de silence pour les nombreux soldats russes tués en Ukraine. Evoquant les sanctions internationales qui frappent la Russie, M. Poutine a estimé que les Occidentaux «ne sont arrivés à rien et n’arriveront à rien», alors que l’économie russe a résisté mieux qu’anticipé par les experts. «Nous avons assuré la stabilité de la situation économique, protégé les citoyens», a-t-il noté, estimant que l'Occident avait échoué à «déstabiliser notre société». Il a ajouté que «ceux qui ont choisi de trahir la Russie doivent être tenus responsables devant la loi». M. Poutine présente cet affrontement comme un choc civilisationnel entre une Russie attachée aux valeurs «traditionnelles» et un Occident «décadent». Il a aussi accusé les Occidentaux d’avoir érigé «la perversion et la maltraitance des enfants, jusqu’à la pédophilie, (...) comme la norme». Même «les prêtres sont obligés de bénir les mariages entre homosexuels !» s’est-il indigné.
Sans même attendre la fin du discours de M. Poutine, la Maison-Blanche a dénoncé l’«absurdité» de la rhétorique anti-occidentale du président russe. Ce discours sur l’état de la nation au ton martial est intervenu quelques heures avant une autre allocution très attendue, celle du président américain Joe Biden, en visite en Pologne après une visite surprise en Ukraine lundi, où il a promis encore des armes aux Ukrainiens. Il devait rencontrer aussi les dirigeants de neuf pays européens issus de l’ancien bloc communiste ayant rejoint l’Otan et s’entretenir par téléphone avec les dirigeants du Royaume-Uni, de la France et de l’Italie. Ce duel à distance inédit intervient trois jours avant l’anniversaire du lancement de l’offensive contre l’Ukraine, qui a provoqué une crise économique mondiale et conduit les pays occidentaux à apporter un puissant soutien militaire à Kiev.
De son côté, Moscou peut compter sur l’appui de la Chine, dont le chef de la diplomatie est attendu en Russie. La Chine a appelé hier à «promouvoir le dialogue» en Ukraine, se disant «très inquiète» du conflit qui «s’intensifie et devient même hors de contrôle». La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, de son côté, doit se rendre à Boutcha et Irpin avant de rencontrer M. Zelensky. Avec le président Biden, elle a discuté de leur étroite coordination en cours sur le soutien à l’Ukraine, y compris l’assistance sur les questions de sécurité, économiques et humanitaires. «Nous avons fourni un soutien financier, militaire, humanitaire et civil» à Kiev, a elle-même rappelé Mme Meloni lundi soir lors d’un point presse à Varsovie. «Evidemment, l’Ukraine peut compter sur l’Italie parce que comme nous l’avons montré depuis le début (...), nous avons été là et nous continuerons à l’être», a-t-elle souligné. Sur le plan militaire, l’Italie doit livrer à Kiev au printemps le système de défense sol-air de moyenne portée Mamba, en collaboration avec la France et l’Italie.
Sur le terrain, les forces russes ont redoublé d’efforts ces dernières semaines pour avancer dans l’est, notamment autour de la ville de Bakhmout. Confrontée à des vagues d’assaut et des frappes systématiques contre son infrastructure énergétique, l’Ukraine réclame de ses alliés des livraisons d’armes de plus en plus sophistiquées. Les Occidentaux ont accepté de lui fournir des chars lourds, mais pas d'avions de chasse jusque-là. Lundi, M. Biden a annoncé que son pays accroîtrait une fois de plus cette aide de 500 millions de dollars. Il a déclaré hier que «l’Occident ne complote pas pour attaquer la Russie», lors d’un discours en Pologne, ajoutant que des million de citoyens qui veulent vivre en paix avec leurs voisins ne sont pas ennemis. Il a assuré qu’un an après le début de l’offensive russe en Ukraine, l’Otan était «plus forte que jamais». «Notre soutien à l’Ukraine ne faiblira pas», «l’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie, jamais» et «reste libre», a-t-il plus tard martelé, parlant de «la volonté de fer de l’Amérique».