Le Tchad est, selon l’ONU, le troisième pays le moins développé de la planète : Un an après la mort d’Idriss Déby, le difficile quotidien des Tchadiens

20/04/2022 mis à jour: 14:59
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Alain rassemble les quelques pièces accumulées après une journée de travail sous le cagnard : à peine 2000 francs CFA, environ 3 euros. Le jeune homme de 18 ans, qui vend de l’eau dans la capitale tchadienne N’Djamena, a vu son quotidien se détériorer depuis l’arrivée au pouvoir, il y a un an, de Mahamat Idriss Déby Itno.

«Cette année est particulièrement difficile parce que je n’arrive pas à écouler ma marchandise», raconte à l’AFP Alain, qui ne souhaite pas donner son nom, le t-shirt noir couvert de poussière. Il attend passivement sur une petite chaise en bois, le regard dans le vide, près d’un petit marché du quartier Ardebdjoumal, dans le 3e arrondissement de la capitale. La clientèle ne se bouscule pas pour acheter des petits sachets d’eau, qu’il vend 50 francs l’unité, soit 7 centimes d’euro. «La gestion de Déby père était meilleure que celle de son fils», poursuit-il, en baissant la voix.

Le Tchad est, selon l’ONU, le troisième pays le moins développé de la planète. La Banque mondiale estime que 42% d’une population d’environ 16 millions d’habitants vit sous le seuil de pauvreté. Quelque 5,5 millions de personnes – un tiers de la population – ont besoin d’une «aide humanitaire d’urgence», selon les Nations unies.

Augmentation des prix de l’huile et du pain, exacerbée par le conflit en Ukraine, coupures récurrentes d’électricité, vétusté des routes, baisse de la production pétrolière : le quotidien des Tchadiens ne s’est pas amélioré depuis un an et l’arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby, qui a succédé à son père, Idriss Déby, qui avait dirigé d’une main de fer pendant 30 ans ce pays enclavé d’Afrique centrale.

Le jour de l’annonce par l’armée de la mort d’Idriss Déby, le 20 avril 2021, son fils Mahamat Idriss Déby, jeune général de 37 ans, s’est vu proclamé chef d’une junte de 15 généraux et président de la République de transition. Selon un rapport de l’International Crisis Group publié en janvier 2021, contesté par les autorités, le Tchad consacre «30 à 40%» de son budget national à la défense. D’après l’Unesco, le budget de l’éducation ne représentait en 2019 que 2,37% du PIB.

«Les prix ont flambé»

Moussa Nouerma sillonne les allées du marché d’Ardebdjoumal, de grosses gouttes de sueur tombant sur son visage. Moussa, marchand ambulant originaire du sud du pays et âgé de 29 ans, tente d’écouler des cigarettes.

Non sans mal. «Cette activité n’est pas rentable mais je suis obligé de le faire pour ma propre survie», raconte-t-il, sa marchandise posée en équilibre sur sa tête. «La cherté de vie, nous la ressentons plus sous le règne de Déby fils», se plaint-il, déplorant notamment les «nombreuses coupures d’électricité», mais prenant aussi pour exemple le prix d’un simple plat de riz : «Il y a un an, il était à 250 francs (environ 37 centimes d’euro), contre 300 francs aujourd’hui (45 centimes).»

Dans les rues de N’Djamena, rien ne semble avoir changé depuis un an. Les affiches de campagne de l’ancien président Idriss Déby, qui briguait un sixième mandat en avril 2021, sont toujours placardées sur de nombreux murs.

Le long des artères poussiéreuses battues par le souffle de l’harmattan, le vent sec venu du désert, des enfants font la manche près des feux de circulation. Dans les allées du grand marché central de la ville, dans le quartier d’Ambassatna, de nombreux mendiants tendent la sébile.

Léa, âgée de 30 ans, s’arrête devant un étal pour acheter des légumes. Et reste interloquée devant les prix. «Nous n’arrivons même pas à remplir les paniers cette année, les prix ont triplé sur les marchés», s’indigne-t-elle. «Il faut que l’Etat intervienne pour réguler.»

«Pendant le mois de Ramadhan, les prix ont flambé, tout est cher», abonde Patrick, qui sillonne le marché sur une mobylette. Depuis plusieurs mois, des manifestations contre la vie chère sont organisées à N’Djamena. «La question sociale est un problème pour les autorités», redoute auprès de l’AFP Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques. «Cela peut créer des troubles.»

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