Le site est victime de son succès : Le mont Fuji face à l’éruption du surtourisme

10/09/2023 mis à jour: 22:00
AFP
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La plus haute montagne nippone culmine à 3776 mètres - Photo : D. R.

L’inscription à l’Unesco du site japonais en 2013 s’accompagnait de recommandations à contrôler les flots de randonneurs. En vain: le nombre de visiteurs au pied de ses sentiers a plus que doublé depuis 2012 pour approcher 5,1 millions de personnes en 2019.

Sentiers embouteillés, menace pour l’environnement et risques pour la sécurité des randonneurs  : l’afflux de visiteurs au mont Fuji, l’emblématique volcan japonais classé au Patrimoine mondial de l’humanité et victime du surtourisme, inquiète les autorités locales, impuissantes à endiguer le phénomène.

Près du sommet, «les encombrements étaient assez incroyables, il y avait tellement de monde qu’on ne pouvait pas avancer», raconte Koki Kariya, récemment interrogé par l’AFP lors de sa descente de la plus haute montagne nippone, culminant à 3776 mètres. «Plusieurs fois je me suis dit que ça devenait dangereux», confie cet étudiant japonais de 22 ans.

Relativement accessible, le mont Fuji, dont la célèbre silhouette conique est visible par temps clair depuis Tokyo, à une centaine de kilomètres, est victime de son succès au même titre que d’autres sites distingués par l’Unesco, comme la cité italienne de Venise ou Bruges en Belgique.

«Je pense que le mont Fuji est l’une des fiertés du Japon», dit Marina Someya, une Japonaise de 28 ans en route vers le sommet, remarquant aussi qu’«il y a beaucoup de gens, et beaucoup d’étrangers» sur les pentes du volcan pour cette première saison de randonnée - les sentiers sont ouverts seulement l’été - depuis la réouverture des frontières nippones après la crise du Covid-19.

«Le mont Fuji crie» au secours

L’inscription à l’Unesco du site japonais en 2013 s’accompagnait de recommandations à contrôler les flots de randonneurs. En vain: le nombre de visiteurs au pied de ses sentiers a plus que doublé depuis 2012 pour approcher 5,1 millions de personnes en 2019, selon les autorités de Yamanashi, l’un des deux départements que chevauche le mont Fuji.

Avec les foules s’est progressivement accrue la pression sur l’environnement, avec un recours massif aux générateurs d’électricité fonctionnant au diesel et des défilés quotidiens de camions acheminant l’eau et évacuant des montagnes de déchets. «Le mont Fuji crie» au secours, a résumé la semaine dernière le gouverneur de Yamanashi, Kotaro Nagasaki.

Si le département a interdit l’accès au pied du sentier du volcan aux véhicules individuels à essence, un flux quasi-ininterrompu de cars - 90 chaque jour en moyenne cette année en juillet et août - y déverse des flots de visiteurs. Yamanashi, disant peiner juridiquement à en restreindre l’accès, a annoncé en août son intention de réguler au moins les flux sur les pentes noirâtres du volcan en cas de trop forte affluence.

«Cette campagne de sensibilisation a permis de réduire le nombre de randonneurs» et ces mesures n’ont finalement pas été appliquées, se félicite Masatake Izumi, le «monsieur Fuji» du département, soulignant les risques accrus d’accidents en cas de forte affluence, liés aux bousculades ou aux chutes de pierre.

Le département anticipe pour cette année une fréquentation légèrement en-dessous de celle de 2019, mais réfléchit pour l’avenir à un projet de voie ferrée qui serait installée sur la route existante, seul moyen selon lui de réguler véritablement l’accès. Au-delà du cas du mont Fuji, le gouvernement japonais s’inquiète des conséquences du surtourisme dans l’ensemble du pays alors que les visiteurs étrangers sont revenus à des niveaux proches de l’avant-pandémie, et a dit cette semaine prévoir des mesures «dès l’automne» pour y faire face.

«Clairement pas préparés»

Rasyidah Hanan, une Malaisienne de 30 ans descendant la montagne, se dit favorable à une «filtration» des grimpeurs, relevant que «certains n’étaient clairement pas préparés». «Ils étaient vêtus très légèrement malgré le froid et certains n’avaient vraiment pas bonne mine», raconte-t-elle. Au départ du sentier, les promeneurs s’acquittant d’un droit d’accès facultatif de 1000 yens (6,30 euros) reçoivent un livret dispensant en japonais (un QR code donne accès à la version anglaise) des recommandations à bien s’équiper et à se reposer dans un refuge.

«Certains se rendent au mont Fuji après le travail et grimpent toute la nuit» sans s’arrêter afin d’admirer le lever de soleil depuis le sommet, explique M. Izumi. «Ces personnes sont souvent victimes de malaises dus par exemple à l’hypothermie et beaucoup doivent être acheminées vers les postes de secours», souligne-t-il.

Au pied de la montagne, randonneurs et flâneurs se pressent dans les nombreuses échoppes vendant nouilles, glaces et aimants de frigos à l’effigie du Fuji. Entre deux énormes bâtiments de boutiques et restaurants, on aperçoit la forme caractéristique d’un «torii», portail rouge érigé à l’entrée des sanctuaires shinto.

Ce lieu de culte, presque complètement escamoté, est la seule indication de la dimension spirituelle du lieu, qui depuis des siècles attire de nombreux pèlerins. Les infrastructures accueillant les randonneurs «vont à l’encontre de l’atmosphère spirituelle de la montagne», relève d’ailleurs la présentation de l’Unesco consacrée au mont Fuji. 


 

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