Les combats ont repris hier entre l’armée malienne et la rébellion touareg dans la région de Kidal (nord), bastion des séparatistes et enjeu majeur de souveraineté pour l’Etat central, vers laquelle l’armée fait mouvement, ont indiqué des responsables militaires et des élus, cités par l’AFP.
«Nos troupes ont repris les opérations sur le terrain pour sécuriser tout le terroir national», a dit un de ces officiers. «Les combats ont repris près de Kidal. On entend des bruits de roquettes», a dit un élu local s’exprimant lui aussi sous le couvert de l’anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet. Un autre élu a dit avoir vu des avions de l’armée voler en direction de Kidal et des soldats quitter Anéfis, à environ 110 km au sud, avec des armes lourdes.
Chacun des deux belligérants dit avoir pris l’avantage sur l’autre au cours de ces affrontements, généralement localisés par différentes sources à quelques dizaines de kilomètres de Kidal. Aucun bilan humain, matériel ou tactique n’a pu être établi de manière indépendante.
L’armée, qui s’est mise en mouvement en direction de Kidal à la fin de la semaine, a enregistré «des avancées très significatives» grâce à l’engagement de moyens aériens et terrestres, a-t-elle dit sur les réseaux sociaux. Elle a assuré avoir «dispersé» les forces adverses. Le Cadre stratégique permanent, alliance de groupes armés à dominante touareg, a dit de son côté sur les réseaux sociaux avoir piégé les soldats maliens et les éléments du groupe privé russe Wagner, appelé à la rescousse en 2021 par la junte au pouvoir, sur un plateau à 25 km de Kidal. «Tous (leurs) flancs sont bloqués», a-t-il dit. Les combats ont commencé samedi alors que l’armée se rapprochait de Kidal pour ce qui pourrait être le début de la bataille pour cette ville stratégique. Armée et rébellion ont affirmé avoir pris le dessus sur leur adversaire.
«Mouvements stratégiques»
Les quelques dizaines de milliers d’habitants de la ville, foyer historique des insurrections indépendantistes et carrefour sur la route de l’Algérie, s’attendent à une confrontation depuis que la rébellion touareg, après s’être soulevée en 2012 et avoir accepté de cesser le feu en 2014, a repris les armes en août. L’armée a procédé au cours des derniers jours à des frappes aériennes à Kidal contre ce qu’elle a appelé des cibles «terroristes». Plusieurs civils, dont des enfants, ont été tués, selon des résidents et les rebelles, ce que l’armée a démenti.
L’armée a annoncé jeudi sur les réseaux sociaux le début de «mouvements stratégiques dans le but de sécuriser et d’éradiquer toute menace terroriste dans la région de Kidal». Elle applique le terme de «terroristes» aussi bien aux séparatistes qu’aux djihadistes. Une importante colonne militaire stationnée depuis début octobre à Anéfis, à environ 110 km au sud, s’est mise en branle jeudi ou vendredi en direction de Kidal.
Le nord du Mali est le théâtre depuis août d’une escalade entre les acteurs présents (armée régulière, rebelles, djihadistes). Le retrait de la Mission de l’ONU, poussée vers la sortie par la junte, a déclenché une course pour le contrôle du territoire, les autorités centrales réclamant la restitution des camps, les rebelles s’y opposant et les djihadistes tâchant d’en profiter pour affermir leur emprise.
L’évacuation par la Minusma de son camp de Kidal s’annonçait comme la plus inflammable. L’insoumission de Kidal et de sa région, où l’armée a subi d’humiliantes défaites entre 2012 et 2014, est un motif ancien d’irritation à Bamako, y compris pour les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 et qui ont fait de la restauration de la souveraineté territoriale leur mantra. Le gouvernement a affirmé sa détermination à reprendre pied à Kidal, où l’Etat central est absent. La Minusma, contrainte par la dégradation sécuritaire, a accéléré son désengagement et a quitté la semaine dernière son camp de Kidal. La rébellion séparatiste en a aussitôt pris le contrôle.
La précipitation du décrochage de la Minusma a irrité la junte, qui voulait faire concorder ce départ avec l’arrivée sur place de l’armée. Les entraves mises par la junte à l’évacuation ont forcé la Minusma à détruire une partie de son matériel faute de pouvoir l’emporter, a dit la mission. La Minusma est censée être partie d’ici au 31 décembre. Elle a à présent quitté huit de ses 13 camps. Elle devrait évacuer ses camps d’Ansongo (nord) et Mopti (centre) dans les prochaines semaines, a dit S. Dujarric. Trois dernières bases, à Gao, Tombouctou (nord) et Bamako serviront, après le 1er janvier, à «liquider» la mission, a-t-il rappelé. La Minusma, dont plus de 180 membres ont été tués dans des actes hostiles depuis son déploiement en 2013, a retiré la moitié de ses 13 871 personnels, a-t-il dit.