Un an après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, les cours mondiaux des céréales sont retombés à leur niveau d’avant le conflit, mais au vu de la radicalisation des positions de la Russie et des alliés de l’Ukraine, les craintes d’une réduction significative des livraisons de blé de la mer Noire refont surface, mais tempérées par la profusion de blé promise par des récoltes record en Russie et en Australie dans un marché très concurrentiel où les grains russes, vendus nettement moins chers que les blés français ou américains, dominent les échanges.
De la Bourse de Chicago à Euronext, les prix des céréales sont globalement revenus à leur niveau d’avant-guerre, sous les 300 euros la tonne, le maïs passant même devant le blé hier sur les marchés européens, signe d’une résistance du grain jaune dans un contexte d’incertitudes en Europe. Cette «atténuation relative» des chocs inflationnistes de 2022 – qui avaient vu les prix du blé doubler et ceux des engrais tripler – aboutit à une situation «artificiellement rassurante», selon le chercheur Sébastien Abis, directeur général du club de réflexion sur l’agriculture Déméter et auteur de Géopolitique du blé, cité par l’AFP. Il n’y a certes pas eu de grandes émeutes du pain, mais la facture mondiale des importations alimentaires a bondi pour des pays comme l’Egypte, le Nigeria ou le Soudan. «Il y a beaucoup de pays où la nourriture coûte aujourd’hui plus cher, où les stocks sont plus bas et où les difficultés structurelles sont encore plus graves qu’il y a un an», souligne le chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), cité par l’AFP. La guerre en Ukraine, super-puissance agricole, a rebattu les cartes. Le pays a perdu un quart de sa surface cultivée, avec une production céréalière en repli de 40% en 2022. L’ouverture de nouvelles routes terrestres vers l’Europe et surtout d’un corridor maritime – qui a permis de sortir plus de 20 millions de tonnes de produits agricoles des ports ukrainiens depuis le 1er août – a soulagé les Etats importateurs, mais la poursuite des combats et la crainte d’une récession mondiale ont maintenu une forte volatilité sur les marchés. Pour 2023, «on baigne dans l’incertitude pour le blé et le maïs», souligne Dax Wedemeyer, de US Commodities, cité par l’AFP. Le fragile point d’équilibre trouvé par le marché pourrait être remis en cause si l’accord sur le corridor maritime, signé par Kiev et Moscou sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, n’était pas renouvelé le 18 mars prochain. Ce mécanisme se prolonge par tacite reconduction, sauf s’il est dénoncé par une des parties.