Le hirak, entre reconnaissance et banalisation

22/02/2022 mis à jour: 07:17
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Aujourd’hui, le hirak célèbre l’an III de son avènement, le 22 février 2019. Le mot célébration peut paraître de bon ton, approprié ou alors équivoque, provocateur, voire séditieux, selon le regard que l’on porte sur ce mouvement populaire qui a émerveillé le monde par son pacifisme et sa maturité. 
 

Né, à l’origine, d’un vent de contestation populaire contre le coup de force du 5e mandat de Bouteflika à la tête de l’Etat, le mouvement s’est donné les attributs d’une révolution après seulement quelques semaines, porté par la forte mobilisation à travers les imposantes marches hebdomadaires organisées à Alger et dans les autres régions du pays. 

Bouteflika détrôné, la rue hirakiste continua de battre le pavé en revendiquant le départ de tous les symboles de l’ancien système. Et c’est là où les chemins commencèrent à diverger entre l’aile du hirak prônant le changement radical du système de gouvernance du pays et les cercles influents du pouvoir attachés à «l’option constitutionnelle» qui ont eu à gérer la période de vacance du pouvoir et la succession à Bouteflika. 

La mise en œuvre du processus institutionnel, entamée avec l’élection présidentielle qui avait vu l’intronisation de Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’Etat et qui a été clôturée par le renouvellement des Assemblées élues, communales et de wilaya, en passant par la révision constitutionnelle consacrant la reconnaissance officielle du hirak et l’élection d’un nouveau Parlement, n’a pas provoqué le déclic attendu de part et d’autre.

 La judiciarisation, à travers les nouveaux amendements introduits au code de procédure pénale, réprimant toute tentative de changement du régime, par «la voie non constitutionnelle» – allusion à la revendication par le hirak de la période de transition – a achevé de consommer le divorce entre le pouvoir et le hirak «déviant» peu originel au goût de ce dernier. Le durcissement de la loi sur les manifestations publiques et sur le contrôle des contenus de la blogosphère, qui a vu la multiplication des incarcérations des activistes du mouvement, a fait le reste, poussant la contestation dans ses derniers retranchements.

 Signe d’un bannissement, d’une normalisation par le haut ? Ou d’une pacification consentie, sous l’effet de la lassitude, d’une sorte de rédemption politique à rebours, d’un sentiment de doute, conséquence du parasitage du mouvement ? Côté pouvoir, il est loisible de constater que, bien que constitutionnalisé à la faveur de la dernière révision de la Loi fondamentale, le hirak n’est plus cet élément référent et structurant du discours officiel sur le changement post-Bouteflika, mis en avant à l’entame du mandat du président Tebboune. 

Lors de sa dernière rencontre avec la presse nationale, coïncidant avec l’anniversaire du hirak, le chef de l’Etat a rappelé que le débat, l’opposition des idées et des programmes ne se fera que dans le cadre des institutions... Alors que les réseaux sociaux se sont emballés depuis quelques jours déjà, et que les relais du hirak de notre diaspora à l’étranger ont été réactivés avec en point d’orgue, des rassemblements grandioses ce week-end dans différentes capitales européennes, particulièrement à Paris, l’événement est passé sous silence dans le débat politique et public en Algérie ; il est superbement ignoré même par les médias.

 Controversé, source de tension politique, le hirak doit patienter encore pour pouvoir être dignement et fièrement célébré pour ce qu’il symbolise dans son essence et sa philosophie comme promesses de renouveau pour le pays.

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