Le procès du général-major à la retraite Bachir Tartag, ancien coordinateur des services de renseignement, s’ouvre aujourd’hui, devant le tribunal militaire de Blida.
Il comparaîtra avec le général Nabil Benazzouz, ex-patron de la sécurité de l’armée, et trois colonels de la sécurité intérieure, dont deux ex-responsables de l’antenne d’Alger, pour l’affaire des fonds récupérés en 2017, lors de trois enquêtes liées à Mme Maya, présumée fille cachée du défunt Président déchu, à El Wafi Ould Abbès, fils de l’ex-secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, et à une députée de Boumerdès.
Poursuivi et placé en détention en décembre 2020 pour «abus de fonction», l’ancien coordinateur des services de sécurité et de sûreté, le général-major à la retraite Bachir Tartag, devrait comparaître aujourd’hui devant le tribunal militaire de Blida avec quatre autres prévenus, l’ex-patron de la sécurité de l’armée, le général Nabil Benazzouz, deux ex-responsables de l’antenne de la sécurité intérieure pour la wilaya d’Alger, les colonels Smain et son successeur Lotfi, ainsi que le chef du service juridique du même service, le colonel Abdessadok, tous inculpés et incarcérés en vertu de l’article 29 de la loi 06/01 relative à la prévention et la lutte contre la corruption, qui prévoit : «Un emprisonnement de deux à dix ans et une amende de 200 000 à 1 000 000 DA» contre «tout agent public qui soustrait, détruit, dissipe ou retient sciemment et indûment, à son profit ou au profit d’une autre personne ou entité, tout bien, tout fonds ou valeurs, publics ou privés, ou toute chose de valeur qui lui ont été remis soit en vertu soit en raison de ses fonctions».
Les faits remontent à 2017 et concernent trois affaires distinctes.
La première est liée à la saisie de 95 millions de dinars et 17 kg de bijoux en or, lors d’une perquisition effectuée par les éléments de la sécurité intérieure à la villa 143, située la résidence d’Etat de Moretti, à Club des Pins, appartenant à l’influente Mme Nachinèche Zoulikha, connue sous le nom de Mme Maya, présumée fille du défunt Président déchu.
Une opération menée dans le cadre d’une enquête ouverte par les services et chapeautée par le parquet de Chéraga. Après avoir été arrêtées et entendues, Mme Maya et ses deux filles sont libérées et l’affaire a été mise sous le coude, sur «instruction», durant 26 mois, avant qu’elle ne soit rouverte, en 2020, au tribunal de Chéraga et au tribunal militaire de Blida, sur la base d’une nouvelle «instruction».
La deuxième affaire concerne, quant à elle, l’arrestation du nommé El Wafi Ould Abbès, fils de l’ex-secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, à l’entrée de la résidence d’Etat de Club des Pins, où il résidait, juste au moment où il venait d’encaisser la somme de 20 millions de dinars et 200 000 euros.
Les «ordres» de Tartag et les «instructions» du défunt président déchu
Une opération menée par les officiers de la sécurité intérieure avec l’aide du député de Annaba Baha Eddine Tliba, qui avait dénoncé «le commerce» des places de députation sur les listes FLN par les deux enfants de Djamel Ould Abbès, Skander et El Wafi. Ces derniers ainsi que l’ancien secrétaire général du ministère de la Solidarité, Kheladi Bouchenak, l’homme de confiance de Djamel Ould Abbès, ont été arrêtés puis relâchés à la suite d’«un ordre venu d’en haut».
Tout comme pour celui de Mme Maya, ce dossier est fermé, et en absence de compte et de coffres au niveau de l’antenne de la sécurité intérieure, les fonds saisis ont été gardés durant un moment avant d’être déposés à la Banque centrale.
Deux ans après, le témoin dénonciateur, Baha Eddine Tliba, a été inculpé puis condamné à 7 ans de prison ferme au même titre que Skander Ould Abbès alors qu’El Wafi a écopé, par défaut, d’une peine de 20 ans de prison. Le tribunal militaire de Blida se saisit du dossier et ouvre une enquête sur la procédure de dépôt des fonds engagée par les officiers. Pour le magistrat instructeur, celle-ci n’a pas été respectée et le coordinateur des services de sécurité, le général-major Tartag, a «abusé de sa fonction» en ordonnant de fermer les deux dossiers et de confier les fonds récupérés à la Banque d’Algérie.
Selon certains avocats constitués dans l’affaire, Bachir Tartag s’est défendu en affirmant avoir «obéi à des instructions émanant du défunt président, à travers son frère conseiller, parce qu’il s’agissait de dossiers sensibles, liés à sa personne au parti qu’il présidait».
Pour bon nombre d’avocats, les mis en cause «n’ont fait que leur travail en exécutant les ordres de leur chef. Ils ont agi dans un cadre légal, sous l’égide du parquet, et ont protégé les fonds qu’ils ont récupérés en les déposant à la Banque centrale, en contrepartie d’un bon de dépôt».
Aujourd’hui, si les quatre officiers, le général Nabil, les colonels Smain, Lotfi et Abdessadok, auront devant eux le «donneur d’ordre», en la personne du général Tartag, ce dernier aura-t-il comme témoin Saïd Bouteflika, frère du défunt Président déchu, pour confirmer ou infirmer ses propos devant le tribunal militaire de Blida ? La question reste posée.
Enfin, le troisième dossier, pour lequel les mis en cause sont poursuivis, est en lien avec une enquête sur la corruption, qui a abouti à l’arrestation d’une députée FLN de Boumerdès, en possession d’une importante somme d’argent qu’elle venait recevoir.
Là aussi, le tribunal militaire leur reproche d’avoir violé la procédure de détention des fonds saisis, alors que les montants ont été déposés à la Banque centrale.