Le football algérien : Le tonneau des Danaïdes

25/02/2023 mis à jour: 09:06
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Par Said Mouas (*)

Après moult tractations, conciliabules et menaces pour redresser la situation au sein du club mythique du Mouloudia d’Oran, voilà que le wali de la wilaya jette l’éponge. Retour à la case départ. Le truculent commis de l’Etat, sur ce registre loin de ses compétences, avait assurément une fausse appréciation des turbulences qui agitent le monde du football national. Dans les conditions actuelles d’évolution du système footballistique, aucun palliatif ni remède provisoire ne peut dégripper la machine tant le problème est profond et qu’il nécessite une thérapie de choc. Et ce n’est certainement pas l’alternative que vous avez récemment suggéré et qui consiste à faire appel à des expatriés expérimentés afin de redorer le blason du football qui pourra faire changer les choses. Les bons analystes dont vous faites partie savent que le salut du football se trouve dans une refonte totale du système de compétitions au triple plan organisationnel, financier et humain. Un système déliquescent et corrompu qui a survécu à Raouraoua, architecte mal avisé de la mise en place du professionnalisme en Algérie. 32 clubs lancés d’un seul coup dans une aventure hasardeuse sans moyens ni encadrement adéquat. Des milliards de dinars dilapidés qui ont surtout profité aux joueurs, entraîneurs et dirigeants dans une atmosphère de scandales récurrents. Au vu et au su de tout le monde. Même les instances internationales sont invitées à se mêler aux conflits mercantilistes qui nous coûtent énormément d’argent. Un véritable trou noir alimenté par l’ensemble des clubs du pays, y compris les plus soutenus comme le MCA, l’ESS ou la JSK. Des salaires à couper le souffle, une fédération de football frileuse et affaiblie par de fréquents clivages et une équipe nationale porte-étendard inconstante et peu représentative des potentialités du sport roi. En fait, ce que les observateurs du sport et les commentateurs des médias osent à peine dire, c’est que la fonction notoire du football réside dans ses capacités fantastiques de mobilisation. De par son exposition presque démentielle, l’usage politique qu’en font les décideurs étatiques, le sport en général et le football en particulier constituent un instrument et un médium dans la société. Facteur d’exacerbation du nationalisme, tout comme le récit historique national, le football arrive à cristalliser les passions tout en canalisant les colères et les frustrations sociales. Les politiques, qui l’ont admirablement compris, multiplient les investissements dans le domaine sportif. Tout cela pour dire finalement que les pouvoirs en général s’accommodent sciemment des dérives et des contradictions que charrie régulièrement le monde du football. Mais force est d’admettre que la situation empire et qu’elle risque de gangrener tout le mouvement sportif national. Sachant que «sa majesté» football accapare la quasi-totalité des subventions allouées au sport. La décrépitude qui affecte le reste des disciplines n’est pas un fait isolé. Je pense que la première mesure salutaire serait de légiférer pour mettre de l’ordre dans la gestion des clubs professionnels. Plafonner les salaires à des seuils raisonnables, rationaliser les dépenses selon des cahiers des charges rigoureux, revoir les modes de contrôle et de suivi ainsi que les approches managériales des SSPA censées s’autofinancer et se développer par leurs propres moyens.

J’ai avancé un jour dans une de mes nombreuses interventions que le ministre des Sports qui parviendra à moraliser le foot algérien entrera sûrement dans l’histoire. On attend l’heure du vrai changement.

S. M.

Ancien professeur et inspecteur des sports

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