La chambre d’accusation près la cour d’Alger a ordonné, hier, la mise sous mandat de dépôt de l’ancien Premier ministre, Noureddine Bedoui. Poursuivi en tant qu’ancien wali de Constantine, il avait comparu jeudi dernier devant le pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, qui l’a placé sous contrôle judiciaire, alors qu’Abdelmalek Boudiaf, son prédécesseur à la tête de la wilaya de Constantine, inculpé pour les mêmes faits a été placé en détention. Ainsi, Bedoui devient le 3e Premier ministre du défunt président déchu à se retrouver en prison.
Coup de théâtre, hier, à la cour d’Alger. Placé jeudi dernier sous contrôle judiciaire par le pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed à Alger, Noureddine Bedoui, dernier Premier ministre désigné par le défunt président déchu, Abdelaziz Bouteflika, a fait l’objet d’une mise sous mandat de dépôt. Après appel du procureur, la chambre d’accusation a débouté le juge d’instruction de la 3e chambre du pôle financier et décidé d’envoyer l’ex-chef de l’Exécutif en prison pour des faits liés à sa gestion en tant que wali de Constantine, entre 2010 et 2015.
Des faits pour lesquels son prédécesseur à ce poste (2005-2010), Abdelmalek Boudiaf, ancien ministre de la Santé, a été placé en détention jeudi dernier. Il faut dire que le cas Bedoui suscitait de nombreuses interrogations. Placé sous interdiction de sortie du territoire national en début de l’année 2020, ce n’est que huit mois après que l’ex-Premier ministre de Abdelaziz Bouteflika a été convoqué pour la première fois par des officiers de la brigade économique et financière de la sûreté de wilaya de Constantine, instruits pour enquête sur la gestion foncière de cette wilaya.
Tout est passé au peigne fin, depuis l’arrivée de Bedoui, jusqu’à son départ et bien après son remplacement par Abdelmalek Boudiaf. Des sources judiciaires évoquent de «graves dépassements» dans l’octroi «en violation de la réglementation» d’importantes parcelles de terrain à des sénateurs et députés ainsi qu’à des promoteurs, mais aussi d’assiettes industrielles «bradées» sous le slogan de l’investissement. L’enquête aurait également révélé le recours aux marchés de gré à gré, sans respect de la loi, et qui profitaient dans la majorité des cas aux privilégiés de la wilaya de Constantine.
L’enquête a également ciblé le projet de la nouvelle aérogare internationale Mohamed Boudiaf qui aurait consommé un budget colossal avec des surcoûts inexpliqués et enregistré des retards considérables. Autant de griefs qui ont fini par rattraper les deux anciens walis qui risquaient d’être poursuivis pour «abus de fonction, trafic d’influence, octroi d’indus avantages et dilapidation de deniers publics».
Le dossier est remis au pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed à Alger. Il attendra près d’une année pour être réactivé. Ainsi, l’ex-Premier ministre est convoqué par le juge de la 3e chambre du pôle financier, le 17 septembre 2021, soit le jour même de l’annonce du décès du président Bouteflika. Son audition n’a cependant pas eu lieu.
Elle a été reportée pour une date ultérieure. Ce n’est que jeudi dernier que le juge a convoqué les deux anciens responsables. Après une longue audition, les deux responsables ont été inculpés des mêmes chefs d’inculpation, mais Abdelmalek Boudiaf a été placé en détention, alors que Bedoui s’en est tiré avec une mise sous contrôle judiciaire.
Les trois «B»
Le parquet fait appel de la décision devant la chambre d’accusation, qui a statué hier en décidant d’une mise sous mandant de dépôt, tel que réclamé par le procureur. Il faut dire que le nom de Bedoui n’a jamais été autant cité que depuis 2019.
D’abord parce qu’il était ministre de l’Intérieur, et qu’à ce titre, il avait joué un rôle important pour «récolter les 6 millions de signatures» au profit de Abdelaziz Bouteflika, afin de briguer un 5e mandat, au moment où la rue grondait de colère tous les vendredis contre ce mandat.
Le nom de Bedoui, en tant que ministre de l’Intérieur, a été également été cité par plusieurs hommes d’affaires et responsables lors des nombreux procès liés à la corruption. L’on peut citer ceux de Tayeb Louh, de l’homme d’affaires Mahiedine Tahkout, ou encore du patron de l’ETRHB, Ali Haddad, et l’ancien wali d’Alger, Abdelkader Zoukh. Mais à aucun moment il n’a été inquiété.
Au-delà des faits que lui reproche la justice et pour lesquels il est toujours considéré comme innocent jusqu’à ce qu’il soit condamné définitivement, il est certain qu’en haut lieu, il y a eu divergence autour du sort qui devait lui être réservé, alors qu’il était parmi les trois «B» (défunt Bensalah, Bouchareb, Bedoui), les plus contestés par la rue durant le hirak. La décision de le mettre sous contrôle judiciaire, puis cinq jours après le placer sous mandat de dépôt traduit-elle cette divergence ? La question reste posée.