La Russie réagit à l’annonce de Washington d’installer des missiles en Allemagne : Les villes du Vieux Continent pourraient devenir des cibles, prévient Moscou

14/07/2024 mis à jour: 10:19
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Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov lors d’une conférence de presse - Photo : D. R.

Les relations entre la Russie et l’Otan se sont profondément dégradées depuis le début de l’offensive russe en 2022 sur l’Ukraine, pays soutenu par les membres de l’Alliance atlantique. Les pays occidentaux ont adopté de sévères sanctions économiques contre la Russie, qui s’est rapprochée de la Chine.

Moscou a mis en garde hier l’Europe en affirmant que la décision de Washington de déployer en Allemagne des missiles américains à longue portée risquait avant tout d’exposer les populations du continent, dont les capitales deviennent en retour des cibles pour la Russie. «C’est une situation paradoxale», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, selon des propos recueillis par l’AFP.

«L’Europe est une cible pour nos missiles, notre pays est une cible pour les missiles américains en Europe. Nous avons déjà connu cela, nous l’avons traversé. Nous avons la capacité de contenir ces missiles, mais les victimes potentielles (d’une riposte russe, ndlr) sont les capitales de ces pays européens.»

A l’occasion du sommet de l’Otan, Washington et Berlin ont annoncé mercredi, dans une déclaration conjointe, que les Etats-Unis allaient «débuter des déploiements épisodiques de capacités de feu à longue portée» en Allemagne en 2026, évoquant des missiles SM-6, des missiles Tomahawk et des armes hypersoniques en cours de développement, ce qui accroîtra la portée des capacités actuellement déployées en Europe.

Cela «démontrera l’engagement des Etats-Unis en faveur de l’Otan et sa contribution à une dissuasion européenne intégrée», indique le communiqué conjoint, tandis que le chancelier Olaf Scholz a salué «une décision nécessaire et importante, prise au bon moment», qui «garantit la paix».

Dans leur déclaration finale à Washington, les pays de l’Otan ont estimé que «l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie a fait voler en éclats la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique et nuit gravement à la sécurité internationale». «La Russie demeure la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des alliés», ont-ils ajouté.

«Lignes de communication»

L’annonce a été dénoncée par le Kremlin comme une forme de retour à la «guerre froide», en référence à la confrontation entre l’URSS et les Etats-Unis marquée notamment par la crise des euromissiles à la fin des années 1970 et dans les années 1980, provoquée par le déploiement soviétique, puis américain, de missiles à capacité nucléaire en Europe.

La crise s’est achevée avec la signature du traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI ou INF), qui bannissait les missiles balistiques et de croisière lancés du sol d’une portée allant de moins de 500 à 5500 kilomètres.Mais ce traité s’est effondré après le retrait en 2019 des Etats-Unis, qui ont accusé à plusieurs reprises Moscou de ne pas le respecter, notamment avec son missile 9M729, tiré par les systèmes Iskander. La Russie a alors assuré qu’elle observerait un moratoire sur la production de tels engins si les Etats-Unis n’en déployaient pas à une distance qui leur permettrait d’atteindre son territoire.

Le déploiement des équipements américains annoncé mercredi contreviendrait au traité FNI s’il était encore en vigueur. Vendredi, les ministres de la Défense des deux puissances nucléaires se sont parlé pour évoquer «la réduction du risque d’une escalade», selon Moscou, tandis que Washington insistait à cette occasion sur «l’importance de maintenir des lignes de communication».

Les relations entre la Russie et l’Otan se sont profondément dégradées depuis le début de l’offensive russe en 2022 sur l’Ukraine, pays soutenu par les membres de l’Alliance atlantique. Les pays occidentaux ont adopté de sévères sanctions économiques contre la Russie, qui s’est rapprochée de la Chine, grand rival des Etats-Unis sur la scène mondiale, et même de la Corée du Nord.

Les autorités européennes accusent aussi la Russie de mener à leur encontre une guerre hybride, employant un large spectre de vecteurs, des attaques informationnelles à l’espionnage, afin notamment d’accentuer les divisions et les lignes de fracture des sociétés européennes. Dmitri Peskov a estimé que la situation provoquée par les déploiements de missiles pourrait saper l’Europe, de la même manière que la guerre froide s’était conclue avec l’effondrement de l’URSS en 1991. «L’Europe craque à toutes les coutures, elle ne traverse pas une bonne période», a-t-il soutenu sur la télévision russe Russia 1.

L’ire de Pyongyang

Par ailleurs, la Corée du Nord a «dénoncé le plus fermement possible» et «rejeté» la déclaration commune de l’Otan condamnant de prétendus envois d’armes par Pyongyang à son allié russe, a rapporté hier l’agence officielle nord-coréenne.

Dans un communiqué conjoint à l’occasion du sommet de l’organisation tenu de mardi à jeudi à Washington, les chefs des pays de l’Otan ont condamné Pyongyang, qu’ils accusent «d’alimenter la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine» en «fournissant une aide militaire directe» à Moscou. Le ministère des Affaires étrangères nord-coréen «dénonce le plus fermement possible et rejette la ‘‘déclaration’’ (de l’Otan)», a indiqué l’agence KCNA, citant le porte-parole de l’institution.

La déclaration de l’Otan «est un programme agressif qui incite à une nouvelle guerre froide et à une confrontation militaire à l’échelle mondiale», et elle «requiert une nouvelle force et un nouveau mode d’action contre elle», a ajouté KCNA. Pyongyang a nié à plusieurs reprises fournir des armes à Moscou.

En juin, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, et le président russe, Vladimir Poutine, ont toutefois signé un accord prévoyant une aide militaire réciproque en cas d’attaque.  Dans le cadre du sommet de l’Otan, Séoul et son allié Washington se sont par ailleurs accordés pour mettre en œuvre un vaste système de dissuasion dans la péninsule coréenne afin de répondre aux menaces nucléaires de la Corée du Nord.

Le cabinet présidentiel sud-coréen a expliqué que Séoul et Washington conduiraient des exercices militaires ensemble dans le but d’appliquer ces directives, qui officialisent le déploiement d’armements nucléaires américains sur et autour de la péninsule coréenne, en dissuasion mais aussi pour une éventuelle riposte.

Dans une déclaration séparée publiée plus tard samedi, le ministère nord-coréen de la Défense a accusé Séoul et Washington de nourrir «l’intention de renforcer leurs préparatifs en vue d’une guerre nucléaire contre» le Nord. Par conséquent, la Corée du Nord serait amenée à améliorer «encore l’état de préparation de sa dissuasion nucléaire (...)», selon le communiqué. «S’ils ignorent cet avertissement», les Etats-Unis et la Corée du Sud «devront en payer le prix fort», a ajouté le ministère nord-coréen.

 

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