La Révolution algérienne et l’Afrique : Le Grand rêve panafricaniste (1ère Partie)

28/05/2023 mis à jour: 11:24
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Dans son Appel au peuple algérien du 1er Novembre 1954, le Front de libération nationale avait clairement affirmé la communauté de destin entre la Révolution algérienne et la libération du continent africain. Il est vrai qu’une lutte armée avait été déjà engagée au Kenya, sous la direction de Jomo Kenyatta (1894-1978). 

Elle n’avait peut-être pas un programme révolutionnaire, des objectifs de lutte précis, mais cette lutte de libération nationale constituait la preuve éclatante, que le combat en Afrique était non seulement possible, mais aussi que les conditions commençaient à être réunies pour une élévation du combat. 

Combat qui visait aussi bien la suppression de l’esclavage qui existait toujours mais sous forme de travail forcé, que des objectifs aussi précis que celui d’indépendance et de souveraineté nationale. Il est également vrai que c’est en Afrique du Sud qu’est né, en 1912, le premier parti nationaliste l’ANC (African National Congress), appuyé sur un puissant mouvement ouvrier qui s’y développait. 

Puis à partir de 1945, un peu partout en Afrique, des mouvements politiques apparaissaient. Ainsi, le Rassemblement démocratique africain (RDA), une fédération de partis créée à l’issue du congrès de Bamako en octobre 1946. Le RDA avait un large champ d’action en Afrique occidentale française (AOF) et également, bien que limité, en Afrique équatoriale française (AEF). 

Au Sénégal, en 1957, le Parti socialiste sénégalais (PSS) et le Parti africain de l’indépendance (PAI), avec à sa tête Mahdjmout Diop (1922-2007), revendiquaient l’indépendance du pays. Ce dirigeant sénégalais se réclamait du marxisme léninisme, et voulait l’affiliation de son parti au mouvement communiste mondial.

Par ailleurs, en Tanzanie, Julius Kambarage Nyerere (1922-1999) créé en 1953, le Tanganyika African National Union (TANU). En 1958, il est présent à Accra (Ghana), pour la conférence panafricaine des peuples organisée par le président Kwame Nkrumah (1909-1972).

Au Nigeria, les mouvements de libération allaient être pris en charge par des hommes issus de la bourgeoisie nationaliste, ouverts à la démocratie et au libéralisme de type britannique. 

En ce qui les concerne, les colonies portugaises apparaissaient comme les plus pauvres comparées à leurs voisines. 

Dans tout le continent africain, en 1954, n’existaient que quatre pays indépendants : l’Ethiopie, qui n’avait pas été colonisée mais occupée momentanément par l’Italie pendant la Seconde Guerre mondiale ; le Liberia (1847) ; l’Egypte (1922) et la Libye (1951). L’indépendance du Liberia est née de la volonté américaine d’expulser «ses» anciens esclaves jadis arrachés à l’Afrique et de les réinsérer sur leur continent d’origine. Mais ce processus s’était avéré extrêmement délicat, voire difficile. Les Libériens américanisés commenceront par monopoliser le pouvoir et créer ainsi une classe dominante au lieu d’une réinsertion.  

Quant à l’Ethiopie, si elle avait été quelque peu mise à l’écart de l’arène internationale à la suite de l’occupation italienne, ses liens privilégiés avec les alliés lui permettront de recouvrer son statut de pays libre, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle recevra en plus l’Erythrée à laquelle elle concédera d’abord l’autonomie interne conformément à la résolution de l’ONU qui réglait ainsi le sort de cette ancienne colonie de l’Italie fasciste. Mais, très rapidement, le régime féodal ne pouvant accepter l’existence d’un régime semi- démocratique à l’intérieur de ses frontières, Hailé Sélassié supprimera cette autonomie interne et rattachera la province à l’ensemble de l’empire. Il y a lieu de signaler que le vote des pays arabes indépendants avait été déterminant quant à l’annexion de l’Erythrée, la résolution de l’ONU ayant été adoptée à une très faible majorité. 

Cependant, par la suite, les pays arabes appuieront le mouvement d’indépendance érythréen, auquel ils s’étaient naguère opposés à l’ONU. 

La Révolution algérienne avait donc pour souci d’entrer en contact avec les mouvements politiques africains, en particulier avec les partis qui combattaient les colonialistes français, britannique, espagnol et portugais. La Révolution algérienne bénéficiant du soutien du monde arabe, et dans une certaine mesure de l’Asie, en particulier de l’Indonésie, du Pakistan et de l’Afghanistan où la solidarité musulmane était un facteur déterminant, recherchait des appuis en Afrique. 

La guerre de Libération nationale menée par le peuple algérien plaçait le gouvernement colonialiste, notamment britannique et français, dans une situation critique. Ils ont alors tenté d’éviter dans leurs colonies une solution de type algérien pour empêcher que la guerre de Libération nationale algérienne ne s’étende et n’ouvre de nouveaux foyers de lutte. C’est ainsi que de nouveaux statuts ont été accordés : les Africains avaient été alors amenés à désigner des députés au Parlement français, où ils étaient membres à part entière, et ensuite à l’Union française. Mais ce statut évoluera assez rapidement tant il est vrai que le combat du peuple algérien avait eu un profond retentissement dans le continent africain, et des incidences au sein des milieux estudiantins.

 La Fédération des étudiants de l’Afrique noire (FEAN) chapeautée par le Parti communiste français (PCF), regroupait la presque totalité des étudiants d’Afrique subsaharienne en France. Elle soutenait pleinement et totalement la Révolution algérienne. A travers cette fédération des étudiants d’Afrique, le PCF avait des possibilités de préparer l’avenir. Mais en votant les pleins pouvoirs à Guy Mollet en 1956, il perdra de sa crédibilité et créera ainsi une sérieuse coupure. Les étudiants africains, membres du PCF, avaient alors retourné massivement leurs cartes d’adhésion. Exprimant par cet acte leur défiance à l’égard d’un parti qui accordait les pleins pouvoirs à un gouvernement qui ne cachait pas son intention de maintenir sa domination en Algérie, et de poursuivre et d’accroître son effort de guerre. C’est d’ailleurs ce même Guy Mollet qui allait, le premier, battre l’appel du contingent qui, faut-il le rappeler, n’avait pas été convoqué durant la guerre d’Indochine, pour l’envoyer en Algérie afin d’y mener une répression impitoyable. Par ailleurs, et dès le départ, les députés africains, dans leur majorité, s’étaient rassemblés. 

Toutefois comme ils ne réunissaient pas le quorum de représentants suffisant à la formation d’un groupe parlementaire, ils se sont apparentés au PCF. Ils s’en sépareront pour s’allier au parti de François Mitterrand et René Pleven : l’Union démocratique socialiste de la résistance (UDSR) qui, compte tenu de sa faiblesse au Parlement, devait être sensible à la démarche et à l’influence des députés africains.
 

Les organisations syndicales africaines, en ce qui les concernent, étaient soit affiliées à la Fédération syndicale mondiale (FSM), ou alors à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). A la FSM, nous retrouvons Abdel-Khaliq Mahdjoub (1927-1971), secrétaire général du Parti communiste soudanais et Abdoulaye Diallo d’origine malienne, mais militant en Guinée. Il occupera par la suite de nombreux postes au sein du gouvernement de ce pays. Sékou Touré (1922-1984), qui en deviendra plus tard le président, avait, pendant trois ans, suivi des cours de formation politique et syndicale en Tchécoslovaquie créera le Parti démocratique de Guinée (PDG). Ce parti avait une solide assise nationale, alors que son rival, dénommé le Bloc démocratique de Guinée (BDG), ne bénéficiait que d’audiences régionales. Sékou Touré n’a jamais accepté d’être député à l’Assemblée nationale française. 

Lui, tout comme Julius Nyerere  privilégieront non seulement la lutte à l’intérieur, mais aussi la formation d’un parti puissant, rassemblant toutes les énergies et s’étendant sur tout leurs territoires respectifs. Militant dans ce sens, Julius Nyerere avait d’ailleurs refusé au moment de l’accession à l’indépendance de la Tanzanie de prendre la direction du gouvernement.

 Il a confié cette tâche à un de ses collaborateurs et ami Rachid Kawawa (1926-2009), en qui il avait une confiance totale. Quant à lui, il continuera à consacrer toute son énergie à la construction d’un parti qui se révélera comme la force dominante. Nyerere sera connu sous le pseudonyme de Moualimou (dans la langue souahéli on retrouve beaucoup de termes arabes dus à l’influence arabe) c’est-à-dire le maître, l’éducateur, le formateur. 

Le FLN entrera très tôt en contact avec la FEAN, les syndicats et les organisations culturelles représentatives de l’Afrique noire. Mais c’est au moment où commençait à se dessiner un mouvement unitaire panafricaniste, que son action politique et diplomatique allait se développer et prendre une plus grande envergure sur notre continent.
Il y a eu ensuite la mise en place de l’Union française avec des Etats africains. 

Lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir en 1958 et qu’il a donné aux colonies une sorte de «liberté» de choix entre un statut de membre de l’Union française et l’indépendance. Une seule colonie française en Afrique choisira l’indépendance. 

Il s’agissait de la Guinée. Comme on s’en doutait, la réaction de de Gaulle avait été très vindicative. Il a rappelé tous les coopérants français exerçant dans ce pays et leur a enjoint de cesser toute relation commerciale avec lui. A ce stade, rappelons les manœuvres des colonialistes français, et du général de Gaulle en particulier. L’Afrique au subsaharienne était administrée à partir de Dakar et de Brazzaville, villes qui constituaient les capitales de deux grands ensembles : l’AOF et l’AEF. 

A cette époque, bien des analystes et d’entre eux de nombreux panafricanistes pensaient que ces deux ensembles pouvaient donner naissance à deux grands Etats viables disposant de potentialités humaines et matérielles considérables. 

Nombreux, au sein de la classe politique des différents pays, estimaient que ceci aurait permis un développement économique et social plus rapide et aurait assis l’indépendance sur des bases saines. Les interférences extérieures, les manipulations et le néocolonialisme, pensaient-ils, auraient eu beaucoup des difficultés énormes à s’exercer. 
 

Par le Cdt Azzedine

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