La réforme budgétaire de l’Etat en Algérie à l’épreuve de la nouvelle gouvernance financière et comptable de l’Etat

03/02/2024 mis à jour: 03:03
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La nouvelle gouvernance budgétaire et financière de l’Etat a fini par être saisie par le droit budgétaire et comptable algérien dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions des lois législatives relatives aux nouvelles réformes : budgétaire, adoptée en 2018, d’où un passage du secteur public, d’une logique budgétaire à une logique de résultat (budget-programme), entrera dans sa deuxième année en 2024, et la comptabilité publique, adoptée en juin 2023, notamment vers une comptabilité générale appelée communément comptabilité financière, entrera probablement cette année en attendant la mise en place de la comptabilité analytique. 

Deux nouvelles réformes structurelles qui apportent de notre point de vue des changements radicales visant à consacrer une nouvelle approche pour l’efficience et la performance du fonctionnement de l’Etat en se rapprochant de la culture financière et comptable de l’entreprise pour l’exercice d’un management public moderne qui enrichit l’économie et encadre suffisamment l’acte de gestion, en introduisant plus de transparence à la gestion publique qui vise une traçabilité et une meilleure visibilité des finances publiques et de  disposer de chiffres  fiables et  crédibles pour un meilleur suivi  et  de contrôle des  ressources de l’Etat qui ne devront plus, comme par le passé, être octroyées selon une fonction de caisse et qui permet, non plus, de savoir ce que l’Etat a dans ses caisses, mais plutôt d’apprécier ce que sont ses actifs (ses richesses ou ses potentialités économiques) et ses passifs (ses dettes et ses engagements).

 Ainsi, la nouvelle gouvernance financière publique s’inscrivant dans un mouvement international de réforme de l’action publique axée sur l’élaboration des budgets-programmes et sur l’obligation des résultats  sur l’utilisation optimale des ressources financières du pays pour assurer une meilleure qualité de vie pour des citoyens et que les fonds publics ainsi que les actifs et les passifs financiers de l’Etat soient gérés de manière optimale et transparente. 
 

En effet, c’est un sujet macro-économique qui revêt et requiert aujourd’hui la plus grande attention, notamment une importance capitale, afin d’offrir des perspectives ouvertes à l’économie nationale en vue d’améliorer le quotidien et les conditions de vie des citoyens et une meilleure vie économique des entreprises. L’Etat, dont le rôle est d’organiser, de réguler et d’orienter la croissance potentielle et, par voie de conséquence, de promulguer des lois de finances qui constituent l’instrument de l’action de l’exécutif dans les domaines économique, financier et social. En somme, c’est un ensemble de relations socio-économiques, dont il y a, d’un côté, tous les citoyens concernés par trois domaines-clés : l’emploi, le pouvoir d’achat et le développement social, et de l’autre, les agents économiques concernés essentiellement par la fiscalité ordinaire : investisseurs, ménages, commerces, services, source fondamentale en matière de ressources fiscales. 

Ainsi, le budget d’un Etat est un paramètre par excellence de l’évolution annuelle d’un pays et doit reposer ainsi sur la planification économique  et financière stratégique visant la viabilité des finances publiques en cohérence entre la macro-économique et la micro-économique qui sont l’équilibre budgétaire de l’Etat, dont notamment les crédits d’exportation, les prix du marché, l’épargne publique et privée, l’investissement, le marché obligataire, le marché boursier etc., la clé de voute de l’économie nationale. 

A cet effet, la réforme budgétaire en Algérie est un élément fondamental du dispositif économique, capable de relancer et soutenir l’activité socio-économique du pays. Elle doit faire référence à notre humble avis à la régulation économique au lieu et place de la régulation administrative pour  favoriser la stabilité de la croissance économique et remédier aux risques qui peuvent peser sur les finances publiques. Passer ainsi de la comptabilité de caisse d’un système sectoriel budgétivore et statique à celui d’une budgétisation par programme socio-économique.

 En effet, le souci étant d’aller vers une professionnalisation du secteur public dans la perspective de l’ouverture de l’Algérie sur le monde économique, car la nouvelle économie est celle d’un monde globalisé et mondialisé. L’Algérie ne peut se permettre le luxe de fonctionner en marge des évolutions mondiales. Oui, financer les budgets-programmes de l’Etat, c’est piloter le budget de l’Etat à un niveau économique élevé, c’est-à-dire, se préoccuper davantage des coûts, des prix de revient et de la rentabilité économique et financière, voire un budget sans déficit et sans inflation, à l’heure où le discours officiel du gouvernement algérien prône une nouvelle économie. 
 

En effet, rétablir l’Algérie dans sa force socio-économique, afin d’assainir les finances publiques est l’objectif principal des systèmes budgétaires modernes dans l’optique d’un système de comptabilité patrimonial bâti selon une présentation comptable conventionnelle dite en «partie double», qui est un instrument fiable pour renforcer la gouvernance et la gestion des finances publiques répondant à des normes comptables internationales très strictes et fidèles à la réalité économique et financière d’un pays ou d’une entreprise. 
 

Trois piliers vitaux

Ce système de comptabilité nous donne en effet une lecture claire des comptes de l’Etat, afin d’évaluer et de suivre la situation financière réelle du pays et, partant, un contrôle des centres de coûts et de responsabilités à l’aide de ratios financiers et économiques de performance et d’efficacité et qui permet, non plus, de savoir ce que l’Etat a dans ses caisses, mais plutôt d’apprécier ce que sont ses actifs (ses richesses ou ses potentialités économiques) et ses passifs (ses dettes et ses engagements). 

C’est-à-dire sur la mise en place de la nouvelle comptabilité, sur la production de comptes publics sincères, fidèles et réguliers, objet de certification et de valorisation par la Cour des comptes, voire encore renforcés par des commissaires aux comptes de rang d’experts comptables dûment certifiés, mais également sur la modernisation de la fonction comptable et l’intégration du cadre de la gestion budgétaire et comptable aux fins de la réforme  globale de l’Etat. Trois piliers absolument vitaux et urgent à mettre en œuvre pour la nouvelle gouvernance financière publique du gouvernement, afin d’atteindre l’efficience et la performance du fonctionnement de l’Etat dans sa globalité, notamment dans ses aspects économique et social, à savoir le budget de l’Etat basé sur la budgétisation par programme-socio-économique, la comptabilité publique bâtie selon les normes comptables internationales, dites IPSAS (International Public Sector Accounting Standards et la réforme fiscale comme levier fondamental de modernisation du secteur public. 

C’est le grand enjeu d’un nouveau mode de gouvernance et d’un nouveau management public pour s’adapter à l’évolution de l’économie mondiale, consacrant la prééminence de l’économique sur le juridique et le fiscal. En effet, le budget joue un rôle central et primordial dans la viabilité des finances publiques et par conséquent d’optimiser leur efficience et rationaliser leur gestion, notamment  s’assurer  de bonnes décisions  et d’orientation de politiques publiques et de stratégie du bon emploi de l’argent public, car la force d’un Etat ou d’une entreprise réside aujourd’hui dans la manière, dont elle gère ses moyens que du volume de ceux-ci. C’est évidemment l’instrument par lequel l’Etat ou les collectivités territoriales vont hiérarchiser leurs priorités politiques et les traduire en moyens d’action. 

Opérationnellement, c’est leur budget qui ouvre la possibilité à l’Etat et aux collectivités territoriales de s’endetter en cas d’un déficit budgétaire. A cet effet, le budget général de l’Etat est d’abord un document financier élaboré par le gouvernement, c’est un sujet politique qui touche au droit, à l’économie et à la gestion des finances publiques représentant la cheville ouvrière de la décision politique et voté par le Parlement puis par le Conseil de la nation (Senat). 
 

A ce titre, il prévoit et définit les dépenses et les recettes que l’Etat a le droit d’engager et de percevoir pour le compte du trésor public de l’exercice budgétaire  à venir Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir des institutions et administrations de l’Etat qui établissent des liens entre les besoins sociaux, l’élaboration des politiques, la budgétisation, les dépenses ainsi que le suivi et l’évaluation des effets des dépenses. Il faut surtout d’institutions saines qui régissent l’affectation des fonds, des systèmes d’exécution budgétaires qui fonctionnent selon le principe de la légalité, des systèmes comptables intègres et des systèmes de vérification et de contrôle de gestion  qui garantissent la qualité de l’information et des systèmes financiers. Il s’agit-là, surtout le gage de bonnes politiques économique et financière et un outil de prévision, de contrôle de gestion et de communication. 

En conséquence, la nouvelle réforme budgétaire est incontournable de la réforme de la comptabilité publique et de la réforme fiscale. C’est un cadre de référence qui permettra de coordonner l’action des institutions et administrations de l’Etat. Pour cela, on doit passer nécessairement d’un système sectoriel budgétivore et statique à une budgétisation pluriannuelle, par programme en tant qu’unité comptable opérationnelle, gouvernée sur l’approche économique et l’obligation de résultat aux gestionnaires de l’Etat. C’est-à-dire assurer la maîtrise et l’amélioration de  la gestion des centres de coûts et de responsabilités et par conséquent la capacité de bien gérer les finances publiques, dont notamment améliorer le contrôle et l’efficience des dépenses publiques. Nous avons trois formes de politiques : 1. politique économique ; 2. Politique monétaire ; 3. politique budgétaire : Politique budgétaire de relance: En période de ralentissement de l›activité économique, l’Etat peut mener une politique budgétaire de relance. 

C’est une politique économique à court terme qui  a pour but de stimuler la croissance. L’Etat augmente le niveau des dépenses publiques pour stimuler la demande des ménages et l’investissement des entreprises et des investisseurs. Politique budgétaire de rigueur : En période d’inflation, soit d›une hausse des prix durable, l’Etat peut mener une politique budgétaire de rigueur. Cette politique vise à limiter l’inflation et réduire le niveau de la dette publique. Le gouvernement augmente le niveau des impôts et diminue fortement ses dépenses. Si le gouvernement enregistre de nombreux déficits budgétaires, il devra augmenter encore plus ses emprunts pour financer ses activités. 
 

Ultime solution

Cela contribue davantage à l’augmentation de la dette publique. La dette  publique résulte  des déficits budgétaires qui se succèdent, année après année.Le déficit budgétaire : Le déficit budgétaire est le solde négatif du budget de l’Etat. Il y a déficit lorsque les dépenses excèdent les recettes. 

Dans le cas contraire, on parle d’un excédent budgétaire. Un budget est en équilibre lorsque les recettes sont égales aux dépenses, ce principe d’équilibre budgétaire est indispensable, car est un indicateur d’une gestion budgétaire optimale. L’excédent budgétaire : Bien que la présence d›un excédent budgétaire puisse sembler idéale où le gouvernement dispose de plus de ressources financières. 

Un gouvernement peut atteindre cet  excédent budgétaire en diminuant les dépenses publiques. Cela signifie que le gouvernement devra diminuer les investissements dans certains domaines du secteur public comme les infrastructures,  le logement, l’éducation ou la santé tout en augmentant les impôts. Cela peut en réalité entraîner un impact négatif sur la croissance,  la productivité et l’efficacité future de l’économie d’un pays. 

Cela a pour effet d’améliorer l’accroissement du contrôle sur les finances publiques, la responsabilisation des gestionnaires des ressources du pays à travers la mise en place de pratiques comptables inspirées des normes comptables internationales, dites IPSAS (International Public Sector Accounting Standards). Un volet-clé de réforme des finances publiques en sachant que la normalisation comptable est au cœur du système économique et financier du monde occidental et anglo-saxon. 

Un facteur-clé de confiance pour les investisseurs (IDE) et les actionnaires et un meilleur contrôle de l’argent public pour garantir une meilleure gestion des finances publiques devant fonctionner harmonieusement, en interface avec les comptabilités internationales. 

En effet, on ne peut parler aujourd’hui de comptabilité nationale, mais surtout de comptabilité internationale fondée sur une nouvelle conception consacrant un nouveau système de gouvernance et de système budgétaire, conçu sur un système de comptabilité générale (patrimoniale), avec la volonté de moderniser le secteur public et le rendre performant et transparent. Les Etats et entreprises des pays occidentaux et anglo-saxons sont valorisés sur les marchés financiers et boursiers à travers leur comptabilité aux normes comptables internationales, qui sont au cœur de leur politique de gouvernance économique et publique et de leur processus de politiques économiques et de stratégies. Enfin, de lui donner son rôle et sa pleine efficacité et responsabilité dans l’économie nationale à l’effet, de réduire les gaspillages liés aux coûts de fonctionnement des administrations publiques et des collectivités territoriales, la lutte contre la corruption, le bureaucratisme économique... 
 

Car une mauvaise gestion financière et une comptabilité inappropriée sont deux facteurs qui favorisent la mauvaise gestion du système économique et financier de l’Etat et dans lesquelles on ne peut pas maîtriser les risques de gestion budgétaires ou les plans de soutien à la croissance, voire les subventions et les facilités fiscales et parafiscales qui résultent de la politique budgétaire sans rendement économique et financier. 

Maîtriser aujourd’hui la finance publique est une question cruciale beaucoup pensent que les finances publiques, c’est la caisse exclusive des pouvoirs publics  ainsi, l’argent public, ne devrait plus être, comme par le passé, octroyé selon une fonction de caisse, alors qu’au niveau international, la notion de comptabilité publique de trésorerie est devenue caduque. 

Le budget de l’Etat ne doit pas coûter au contribuable ou à la nation plus qu’il ne peut rapporter, et ce, en se rapprochant de la culture financière et comptable de l’entreprise pour pouvoir mieux répondre aux besoins économiques nouveaux et fonder une économie de marché moderne. On rappelle à ce titre cette fameuse phrase, lancée en septembre 2017 aux députés par l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, lors de la présentation du plan d’action au Parlement : «L’Algérie vit l’enfer, nous n’avions pas de quoi payer les salaires de novembre» si la planche à billets ne commence pas à tourner avant novembre. 
 

Une ultime solution afin d’éviter un éminent chaos et éviter aussi à notre pays d’être à l’abri des injonctions externes et faire face à la crise pétrolière». 

Pour conclure et résumer, il est donc primordial de préparer la ressource humaine, notamment la formation des agents comptables de l’Etat spécialisés et du statut du comptable public rénové pour être en mesure d’exercer leurs tâches et responsabilités avec compétence et capables aussi de défendre les intérêts de l’Etat, l’introduction des moyens informatiques modernes et enfin l’assainissement de la comptabilité publique et budgétaire. 

En plus de cette nécessité, il y a le besoin de disposer d’une information budgétaire, économique et financière crédible, fiable et vérifiable au moment où le problème des statistiques est réellement posé avec acuité en Algérie (1)
 

Par Abaci Mhamed , Expert financier

 

 


(1) Voir notre livre 
L’Information de gestion 
et statistiques (Editions Othmania,
Alger 2008)

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